Comment parler des pratiques agricoles sans directement verser dans la terminologie spécialisée, en gardant à l’esprit l’ambition du « grand public » que porte Jimbere ? Comment souligner le fait que les Burundais de la ruralité, que nous autres les « évolués des villes » désignons souvent avec une pointe de mépris sous le vocable de « paysans », comment donc rappeler que le monde paysan possède un savoir-faire à l’épreuve des décennies en matière agricole, dans la conservation des semences, la fertilisation des sols ou encore la lutte contre les insectes ravageurs ? Et que toute cette richesse de la relation humaine au sol, à l’environnement, risque de disparaître au nom du fertilisant « moderne », des pesticides et autres OGM ?
Comment parler de l’agro-écologie alors que l’urgence nationale est à la démultiplication des rendements agricoles pour nourrir une population burundaise en constante hausse, dans un cycle infernal qui mêle démographie galopante, rajeunissement des populations, exodes ruraux, effets de changement climatique, pauvreté des ménages, surexploitation, érosion et appauvrissement des sols ?
Il fallait un prétexte : partir de ce que les Burundais mangent, et donc ce qu’ils récoltent, pour interroger les pratiques agricoles et rappeler l’importance du lien entre agriculture et préservation de l’environnement.
En 2015, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, s’inquiétait de l’avenir des surfaces cultivables : un tiers des terres arables de la planète sont plus ou moins menacées de disparition, à cause de l’érosion, du tassement, de la perte de nutriments et de biodiversité, de l’acidification, des pollutions, de l’engorgement ou encore de la salinisation. Parallèlement, la FAO évoquait le faible usage des engrais pour expliquer les rendements peu élevés de l’agriculture en Afrique : on y utilisait en moyenne 11 kg/ha de fertilisants en 2014, loin des 50 kg/ha que s’est fixée comme objectif l’agence onusienne, et contre 396 kg/ha utilisés par les agriculteurs en Asie.
Un dilemme : si sur le court terme, l’usage des engrais chimiques s’impose pour offrir une productivité agricole à mesure de faire face à la forte croissance démographique, le long terme annonce la pollution des sols, des cours d’eau et des nappes souterraines par les mêmes engrais, sans parler de la qualité des aliments… D’où la pertinence du projet TAPSA (transition vers une agroécologie paysanne au service de la souveraineté alimentaire) que soutient notamment l’ONG française CCFD-Terre Solidaire, au travers de ses partenaires burundais INADES-Formation Burundi, CAPAD et ACORD. Ce programme qui opère dans 16 pays à travers le monde, dont le Burundi, souhaite « rassembler les volontés pour promouvoir une autre manière de se nourrir et expérimenter de nouveaux modèles agricoles ».
C’est d’autant plus urgent qu’au fond, un pays comme le Burundi n’a que cela : l’intelligence de son peuple à savoir exploiter, valoriser et préserver ses sols, ses eaux, sa faune et sa flore.
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