Pourquoi s’intéresser au secteur agricole ? Quoi de mieux que répondre cette question par des chiffres. Dans cet article, le magazine Jimbere revient sur quelques stats bon à savoir sur ce secteur assurant le quart de la richesse produite chaque année au Burundi.
Petit pays enclavé de l’Afrique de l’Est, le Burundi dispose d’une superficie d’environ 28 000 km². Sa population estimée à 2,9 millions en 1962, elle a presque quadruplé depuis, passant en 2015 à près de 11 millions d’habitants. Cette croissance très rapide dans un pays où la majorité de la population vit toujours en milieu rural, essentiellement d’une agriculture de subsistance, a considérablement aggravé la pression sur les ressources naturelles. Aujourd’hui, le pays enregistre une des densités les plus exceptionnelles d’Afrique : environ 400 habitants au km², la troisième densité la plus élevée sur le continent après celle du Rwanda et de Maurice[1].
Le PND[2], dans sa note sur l’état des lieux du secteur primaire au Burundi, souligne la place et le rôle de l’agriculture dans l’économie : « elle contribue à l’ensemble du PIB national à hauteur 39,6 %, assure 84% des emplois, fournit 95% de l’offre alimentaire et constitue le principal pourvoyeur de matières premières à l’agro-industrie ». Mais, d’autre part, le Plan révèle : « l’agriculture présente une faible productivité due à des problèmes d’ordre structurel et conjoncturel. Les rendements agricoles et d’élevage actuels restent inférieurs aux rendements potentiels. »
Défis et atouts du secteur : sols, intrants et productivité
Selon
l’ENAB[3], l’agriculture est
pratiquée par plus de 90% de la population sur près d’un million
d’exploitations familiales d’environ 0,50 ha en moyenne par ménage. Près de 90%
des superficies mises en valeur sont consacrées aux cultures vivrières, qui
tout en contribuant à plus de 80% au PIB agricole sont à 80% autoconsommées.
Les cultures vivrières sont essentiellement constituées de 5 grands groupes de
cultures : les céréales, les légumineuses, les racines et tubercules, les
oléagineux ainsi que les bananes. A celles-ci, s’ajoutent les cultures de rente
que sont le café, le thé, le coton, le palmier à huile, la canne à sucre ainsi
que le quinquina – ces cultures représentent plus de la moitié des exportations
du Burundi (BRB, 2017).
Bien que l’agriculture vivrière soit dominante, elle est soumise à plusieurs contraintes qui réduisent significativement ses performances : insuffisance de fertilité des sols, très faible utilisation des intrants, insuffisance d’innovations techniques/technologiques en rapport avec la maîtrise de l’eau, la valorisation, la transformation et conservation des productions agricoles, accès limité au crédit agricole, atomisation progressive des exploitations agricoles résultant de l’accroissement démographique, faible intensification des systèmes d’exploitation (à peine 10% des agriculteurs adhèrent aux organisations paysannes), …
Mais, d’autre part, l’ENAB note que le secteur ne manque pas d’atouts : avec à une population très jeune, une main d’œuvre agricole laborieuse consistante (constituée à 80% par des femmes), la possibilité de pratiquer 3 saisons par an, la variété des écosystèmes qui permettent une grande diversification des cultures de rentes et vivrières, la disponibilité de 120 000 ha de marais non rationnellement exploités, un réseau important de cours d’eau, des précipitations sur au moins 6 mois par an, …
Intervention de l’Etat et des partenaires techniques/financiers
Avant la crise de 1993, les investissements réalisés et les efforts consentis par l’Etat dans les domaines des filières agro-industrielles, des intrants agricoles, des voies de transport, des infrastructures de stockage, de protection de l’environnement, de la recherche et de la vulgarisation ont permis d’obtenir certains des résultats encourageants mais dans l’ensemble les performances atteintes n’ont pas été à la hauteur des moyens injectés dans le secteur agricole[4].
En vue de relancer la production agricole et d’atténuer le déficit alimentaire, le Burundi s’est doté de plusieurs instruments de politiques agricoles. Au nombre de ceux-ci, le PNIA (Plan National d’Investissement Agricole). Depuis 2012, ce dernier est à l’origine du PNSEB (Programme National de Subvention des Engrais), du Programme de Subvention des Semences Sélectionnées, de la réorganisation de certaines cultures (café, thé, coton, riz) en filières, … Pour une meilleure mise en œuvre de ces politiques et mesures, l’Etat s’appuie sur différents partenaires techniques et financiers locaux et/ou étrangers.
Citons par exemple, l’apport de l’Ambassade des Pays-Bas au Burundi à travers le PAPAB (Projet d’Appui à la Productivité Agricole au Burundi) avec pour objectif, l’augmentation de la fertilité des sols par la mise en disposition des fertilisants dans tout le pays via le PNSEB et la stimulation de la productivité agricole grâce à une meilleure organisation des agriculteurs. Le projet appuie plus de 160 000 agriculteurs[5] ; ou l’action de l’ONG One Acre Fund Burundi qui opère dans différents provinces du pays en aidant les agriculteurs à augmenter le niveau de leurs récoltes par l’octroi de l’engrais chimique à crédit et l’apprentissage des nouvelles de méthodes agricoles pour des meilleurs rendements. Aujourd’hui, l’organisation assiste plus de 93,000 membres[6] ; …
De l’engrais pour une meilleure production agricole, non sans conséquences
Le dernier rapport de l’ENAB fait remarquer que : « les subventions aux intrants agricoles (semences, engrais, produits phytosanitaires et pesticides) accordées par le gouvernement ou dans le cadre des projets permettent de réduire considérablement les coûts de production et les prix de vente des denrées alimentaires ». Toutefois, le rapport tient à mettre en garde : « si le gouvernement ne fait pas attention, cette politique pourra encourager aussi l’utilisation exagérée des intrants, ce qui peut être nuisible tant au niveau économique qu’à la protection de l’environnement. »
Peut-on considérer que l’agriculture dit « productiviste » prônée au Burundi depuis quelques décennies montre aujourd’hui ses limites ? Notamment en étant reproché par les défenseurs de l’agroécologie d’être « la première cause de la dégradation de la fertilité des sols ». Compte tenu des défis et atouts du secteur agricole relevés précédemment, que peuvent être les pistes de solutions pour la valorisation de ce secteur au cœur de l’économie burundaise ? Quelques propositions agroécologiques dans la suite de nos articles.
[1] UNFPA, Evolution contraceptive au Burundi, Décembre 2016
[2] Gouvernement du Burundi, Plan National de Développement du Burundi (2018-2027), Juin 2018
[3] Depuis 2011, le ministère ayant l’agriculture dans ses attributions en collaboration avec l’Isteebu réalise l’ENAB (Enquête Nationale Agricole du Burundi. La dernière en date est de 2016.
[4] Odile Ayemou Angoran (FAO Policy Officer), Analyse du secteur agricole du Burundi, 2004
[5] http://www.rbu2000plus.org/index.php/fr/realisations/projets-en-cours/92-projet-d-appui-a-la-productivite-agricole-au-burundi-papab
[6]https://oneacrefund.org/what-we-do/countries-we-serve/burundi/