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Gastronomie

Ruralité : manger équilibré dites-vous ?

©Jimbere | Les petits-enfants de D'Arie Ndarugirire autour d'une assiette de patates douces et d'haricot

L’alimentation du Burundais lambda dans les coins reculés du pays varie de quelques gammes. L’essentiel de la consommation alimentaire provient des récoltes, et l’objectif premier est d’avoir de quoi mettre sous la dent, qu’importe la qualité. Enquête menée à Muruta et à Giheta.

De la province Kayanza, célèbre pour sa démographie qui s’accroit à la vitesse de croisière, la commune de Muruta présente une gamme de cultures, hélas, sur des terres qui s’amenuisent progressivement. C’est sous un soleil de plomb de l’après-midi que l’équipe de Jimbere débarque pour s’enquérir de la situation de l’assiette chère à Muruta. Dariya Ndarugirire, la soixantaine, nous accueille chaleureusement sous son toit. Elle prépare le menu du jour. « Vous arrivez bien à temps. Je vais mettre à table d’ici quelques minutes. » Elle est si rapide pour plusieurs travaux. Son enclos est bondé de petits enfants. « C’est ma descendance, mes petits-enfants. J’en ai 30. Il y’en a qui vivent chez moi », glisse-t-elle, sourire aux lèvres.

14 heures pile. Le repas est prêt. Prioritaires sont les enfants. Sur l’assiette, une dizaine de morceaux de patates douces remplissent à trois quarts le plat. Une petite quantité de haricots mélangée aux choux embellissent le milieu du plat. La saveur et l’appétit des enfants sautent aux yeux. Ils ont du mal à attendre de l’eau pour se laver les mains. Deux minutes chrono, l’assiette est vite. Propre comme neuve. Visiblement, les enfants ne sont pas rassasiés. « Tenez, buvez de l’eau », s’exclame la grand-mère, en sortant de sa maison une canette remplie d’eau, histoire de combler  le vide restant.

Après ses services, la vieille dame confiera que malgré son souhait de bien nourrir sa famille, et parfois une partie de son entourage « dans une situation plus précaire » les moyens ne lui facilitent pas la tâche.  « Les patates douces proviennent de mon champ. Quant aux haricots, j’en ai plus. Le stock est épuisé, et je dois en acheter à 1300 Fbu, le kg. Les légumes, j’en cultive dans mon petit jardin (akarima k’igikoni). Il n’en manque jamais. Je voudrais souvent varier plus les repas mais les moyens ne m’en permettent pas. Mais tout de même, je m’assure toujours que dans chaque repas, il y est des légumes. Il parait que c’est hyper nécessaire », accolera-t-elle.

Des repas conditionnés

Le luxe du petit déjeuner, Dariya et sa famille n’en n’ont pas tous les jours. « Des fois, je prépare du thé que l’on prend le matin avec de la patate douce. Mais c’est rare. On est habitué à deux repas par jour, le midi et le soir. » Pour elle, le petit déjeuner n’est plus de cette époque. « Les temps sont révolus. On se bat pour avoir deux repas, et ceux qui y parviennent sont de l’autre classe, les plus aisés ». La famille de Dariya n’est pas pour autant pauvre. Elle investit dans l’agriculture moderne (écologique) et sa parcelle est pleine de champs de bananiers, de haricots, de maniocs, et de patates douces. Bien qu’elle en cultive toute une variété, il est rare qu’elle récolte le tout sur la même période.  

« Actuellement, je n’ai que de la patate douce comme récolte saisonnier. Quant aux bananes, j’en fabrique de la bière à vendre pour qu’à la suite je puisse acheter du sel, de l’huile et de la farine de maïs. Ainsi, la plupart du temps, nous mangeons de la patate douce aux haricots à midi, et la patte de maïs avec quelques légumes, le soir. »

Equilibrer l’alimentation ou se permettre de varier les menus devient alors une affaire compliquée. Si Dariya et sa famille dépendent des récoltes saisonnières, il en est de même chez Lazare Nzojiyobiri, paysan agriculteur de Giheta, sur la colline Nyamugari. Marié et père de 4 enfants, il admet faire tout son possible pour que sa famille mange un repas équilibré, autant que possible.

Manioc, haricot, pâte de manioc ou maïs, patate douce, feuilles de manioc et quelques légumes, telle est la consommation, plus ou moins quotidienne, de la famille. Effectivement, lors de notre visite  à son domicile, la famille avait préparé du haricot mélangé aux grains de maïs (intete) qu’elle aura accompagné avec des légumes. A la fin du repas, du manioc frais. « Karibu. Il nous reste un peu de manioc bien frais pour vous. Goûtez à ce que nous offre la terre de Giheta », nous accueille chaleureusement Mathilde, la mère des enfants.

Une occasion pour elle de donner quelques précisions sur leur alimentation : « Ces grains de maïs que nous mangeons sont de la récolte de la dernière saison. Nous nous acheminons à la rupture du stock. J’avais récolté du manioc, de la patate douce et du haricot. Aujourd’hui, je profite des légumes comme les choux, et le ‘lengalenga’ qu’on a cultivé dans le jardin potager. C’est ce qui nous fera vivre jusqu’à la nouvelle récolte. Ici, on ne mange pas en fonction des préférences, on se contente de ce qu’on a récolté. On se bat pour ne pas manquer de l’huile et du sel pour épicer les mets, et rien de plus.»

Quant aux fruits […], « les enfants profitent des avocats quand il y’en a assez car ils sont prioritairement destinés à être vendu au marché », commente Lazare. Et les bananes mûres ?« Celles qu’on transforme en bière ne sont-elles pas des fruits ? Ils en mangent alors … car on en fabrique souvent », se rassure-t-il, tête haute.

Lors des fêtes, les menus changent-ils ? « Vous vous en doutez bien, à Noël, on ne peut pas servir de la patate douce aux enfants. On leur fait goûter un bon plat fait de riz et de la viande … souvent de porc. On se permet ce luxe, et puisque les fêtes se comptent au bout des doigts annuellement, on économise en conséquence », soulignera le quadragénaire, avant de poursuivre ses activités champêtres.

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