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Les 5 défis majeurs du système éducatif burundais

Du 22 au 30 mars 2021, 18 émissaires du Magazine Jimbere ont parcouru chacune des 119 communes du Burundi, avec le soutien des Directions provinciales et communes de l’éducation. Objectif: distribuer la 27ème édition du mensuel, imprimée grâce au soutien de l’UNICEF et destinée à rappeler l’importance de la formation technique et professionnelle. Une occasion de dresser le tableau des défis du système éducatif burundais: absence de matériels didactiques adéquats, insuffisance d’enseignants qualifiés, insalubrité… Gros plan.

Les conditions qui prévalent dans les établissements scolaires du Burundi interrogent et dérangent. De visu, lors de la distribution du récent numéro spécial de Jimbere Magazine sur la dernière rentrée scolaire, mené avec l’appui de l’UNICEF, les reporters de Jimbere se sont rendu compte de l’état des lieux des conditions qui prévalent dans les établissements scolaires.

Et le constat est sans appel : le système éducatif burundais bataille chaque année face aux mêmes défis. Et pourtant le secteur de l’éducation constitue une priorité dans les dépenses de l’État : il constitue le cinquième du budget total.

L’insuffisance du matériel didactique

Elle vient en pôle position des problèmes qui hantent le système éducatif burundais. Selon le dernier rapport de la PASEC (un programme d’analyse des systèmes éducatifs de la Francophonie), Seulement 5,1% des élèves burundais ont leur propre manuel et 5,1 des écoles burundaises ont une bibliothèque.

Jérémie Nkunzimana, directeur technique de l’Itab Kigamba, déplore le fait qu’ils ne disposent ni de manuels propres au cursus de l’Itab ni d’équipement technique pour la pratique. Pour pallier à ce problème, confie-t-il, l’école se rabat sur l’internet pour des recherches avec des moyens de bord : « La situation se corse au moment de l’examen d’état car les élèves sont interrogés sur des matières dont ils n’ont pas les mêmes notes. »

Les effectifs pléthoriques

À Cankuzo, la taille dans les effectifs de classes publiques peut atteindre jusqu’à 50, voire 70 élèves. Les classes d’une même année peuvent aller de A jusqu’à C ou encore D. Les élèves sont divisés en tranches, les uns viennent dans l’avant midi, les autres étudient l’après-midi. Des conditions qui sont loin de favoriser l’apprentissage, se désole Jean Bigirimana, directeur de l’Ecofo Kiruhura I où les élèves doivent se partager un banc pupitre à 4 ou plus, ce qui porte un sérieux coup à l’apprentissage et aux conditions d’hygiène.

Manque d’eau potable et des sanitaires en mauvais état

En raison de l’insalubrité des infrastructures et du manque d’intimité, aller aux toilettes est souvent délicat pour certains élèves. Un des cas le plus éloquents à ce propos est celui du Lycée Rugari en Province Muyinga. Depuis 1988, l’école à système d’internat n’a jamais eu une goutte d’eau. Pour contourner ce défi, le véhicule scolaire puise à une source accessible à Kobero (16 km de trajet par tour !) et fait 2 à 3 tours par jour. Quand il tombe en panne, les élèves se démènent pour avoir de l’eau potable.

En province Cankuzo, aucune école ne dispose de latrines propres, régulières. À l’Ecofo Musemo de la DCE Mishiha, pas de desserte en eau alors que l’école ne dispose d’aucune latrine en bonne et due forme. Cela pose avec pertinence le problème de l’hygiène menstruelle chez les filles.

Le manque d’enseignants qualifiés et leur recyclage

Avec l’avènement du système fondamental, nombreux sont ces enseignants qui se sont retrouvés en train de dispenser des cours différents de leurs filières de formation. C’est le cas de N.M, enseignant et préfet des études dans l’une des écoles de la commune Ndava en province de Mwaro qui, après une formation de deux semaines, a commencé à enseigner le Kiswahili alors qu’il a fait l’IPA Anglais à l’université ː « A cause du manque d’enseignants qualifiés dans les écoles, nous sommes obligés de couvrir tous les cours peu importe notre formation initiale. C’est à se demander comment s’en tirera un élève qui est enseigné par pareils enseignants. »

Un encadrement scolaire qui laisse à désirer

L’autre défi et non des moindres est l’abandon scolaire observé dans les écoles à cause de la précarité dans pas mal de familles. L’encadrement des élèves devient de plus en plus difficile ː « Les élèves ne veulent pas étudier seulement, ils veulent aussi chercher un peu de sous car l’école n’est plus un gage de réussite dans la vie. »

A Cankuzo, ils sont très nombreux à abandonner l’école chaque année, regagnant la Tanzanie pour se faire de l’argent. Malheureusement des fois ils rencontrent des voleurs à leur retour qui leur prennent tout leur dû.

Dans, les milieux urbains les problèmes d’encadrement sont beaucoup différents dus surtout aux distractions de la ville, les victimes sont surtout les filles qui finissent avec des grossesses étant encore sur le banc de l’école, c’est le cas des villes comme Rumonge, Ngozi ou encore Muyinga. La dissémination du téléphone est un autre facteur qui handicape la réussite scolaire.

La situation se présente ainsi alors que le ministre en charge de l’Education indiquait, dans la dernière interview accordée au Magazine Jimbere, que l’encadrement occupe une place de choix dans la formation ː « Dans le contexte actuel, nous priorisons d’abord l’encadrement, bien que la qualité soit supportée par un certain nombre d’aspects comme la pertinence et l’opportunité des programmes, le matériel didactique et la qualité même des enseignants. L’encadrement représente le défi majeur auquel nous devons nous attaquer en priorité. Malgré le minimum de matériel pédagogique, de salles de cours et des enseignants dont nous disposons, nous restons optimistes. »

Quid des solutions ? S’il est bien de se faire soigner dans les brefs délais quand l’on est malade, c’est maintenant qu’il faut prendre le taureau par les cornes et agir pour trouver des solutions idoines aux facteurs qui sous-tendent le développement de l’enseignement burundais, le Burundi doit embarquer à bord du train de l’émergence.
Pour ce, l’amélioration des capacités d’accueil pour accompagner les conditions d’apprentissage doit être de mise. De même que la mise en place d’un programme de constructions scolaires et l’élaboration d’une stratégie de maintenance et réhabilitation des infrastructures scolaires.
Il sied aussi d’inclure le renforcement des capacités des enseignants et la dotation des écoles en matériels de laboratoire et informatiques. Tout cela ne sera pas possible qu’après une étude profonde de l’état des lieux des besoins dans les écoles d’où une organisation des Etats généraux de l’éducation afin d’évaluer, relever les défis et trouver solutions ne serait pas de trop.

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