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Écoles burundaises : drogues et alcool menacent l’avenir des jeunes

La hausse inquiétante de la consommation de drogues et d’alcool chez les élèves burundais, particulièrement dans les grandes villes comme Bujumbura et Gitega, préoccupe enseignants, parents et autorités : internats infiltrés, violences scolaires, trafic impuni et complicité supposée de certains agents de sécurité…., une crise silencieuse qui menace l’avenir de la jeunesse et révèle les failles du système éducatif et sécuritaire.

Dans plusieurs établissements scolaires du Burundi, la consommation de drogues et d’alcool par les élèves devient un phénomène préoccupant. Dans les internats, ces substances sont souvent introduites par des visiteurs, sans que les surveillants ne contrôlent leur contenu. Dans les écoles non-internes, des élèves se cachent derrière les bâtiments ou dans les constructions voisines pour consommer de l’alcool fort et des drogues telles que le cannabis, entraînant des conséquences graves sur leur comportement et leur avenir.

Débris laissés par l’incendie survenu le 23 octobre 2025, provoqué par des élèves ayant consommé des drogues.

Le phénomène ne se limite pas à Bujumbura. Dans plusieurs villes de l’intérieur du pays, des cas similaires sont signalés. À titre d’exemple, au pensionnat Green Hills International College de Gitega dans la nuit du 23 octobre 2025 à 2h, des élèves ont incendié, à l’aide du carburant, les bureaux du directeur et du préfet des études, détruit les caméras de surveillance et des télévisions contenants les images prises. Les dégâts sont estimés à 79 millions de francs burundais. Vingt-cinq élèves ont été arrêtés pour enquête. Selon Nestor Hakizimana, responsable de l’internat, certains élèves consommaient du cannabis, et d’autres avaient déjà été expulsés pour possession de drogue.

Des écoles sous tension

Des enseignants de Bujumbura confirment que la consommation de drogues est répandue dans plusieurs écoles. Ils dénoncent le manque de respect des élèves envers les éducateurs, les perturbations en classe et la baisse du niveau scolaire. « Ces élèves perdent leur concentration, dorment en classe, s’absentent fréquemment et échouent aux contrôles », expliquent-ils. Ils ajoutent que ces jeunes ne prennent plus leurs études au sérieux, ce qui nuit à leur avenir et à celui de la société.

Les enseignants appellent les parents à surveiller leurs enfants dès le bas âge, à leur enseigner les dangers liés à la consommation de drogues et à les aider à s’en éloigner. Ils demandent également au gouvernement de punir sévèrement les trafiquants et les distributeurs de ces substances.

Communautés en alerte

Dans les quartiers de Kinanira et Kanyosha, commune Mugere à Bujumbura, des habitants se plaignent de jeunes qui consomment des drogues et de l’alcool fort. Au lieu d’aller à l’école, ces jeunes se rendent dans des lieux de consommation, ce qui perturbe la vie communautaire et compromet la sécurité.

C.N., du quartier Gisyo à Kanyosha, témoigne: « Après avoir consommé, certains jeunes se mettent à voler, à se livrer à la débauche et à d’autres actes répréhensibles. Leurs parents sont constamment inquiets. Certains vont jusqu’à frapper leurs parents, ce qui déstabilise les foyers. »

P.B., du même quartier, ajoute: « Récemment, j’ai vu des policiers arrêter plusieurs jeunes pour consommation de drogues et d’alcool fort. Ils avaient vandalisé des maisons et des boutiques dans le quartier Ceceni. Ces boissons les rendent incontrôlables: ils volent, agressent les gens et leur arrachent téléphones et autres biens. »

Les parents de ces quartiers affirment que ces substances détruisent l’avenir des jeunes, nuisent à leur éducation et les empêchent de suivre correctement leur scolarité. M.G.K. déclare: « C’est désolant. Les parents se sacrifient pour leur fournir tout ce dont ils ont besoin pour étudier, mais ils préfèrent consommer des produits qui ruinent leur avenir et celui de leurs familles. Un élève qui consomme ne peut bien se comporter ni à la maison ni à l’école. »

J.G. ajoute que cette consommation leur fait perdre du temps et de l’argent: « Ils n’ont pas d’heure pour consommer. Ils commencent tôt le matin et passent la journée à boire. Ces boissons sont vendues dans de petites échoppes, pas dans les grands magasins. Ils y dépensent de l’argent qu’ils n’ont même pas gagné. »

Appel à plus de conscientisation

Les habitants demandent plus de sensibilisation sur les dangers de l’alcool fort et des drogues, et appellent le gouvernement à interdire leur vente dans les petites échoppes. « Ces jeunes ont besoin d’une sensibilisation permanente pour comprendre les conséquences de leur consommation. Si possible, ces produits devraient être retirés du marché, car ils n’apportent rien de bon », conclut M.G.K.

Dans la commune de Rumonge, province de Burunga, cinq dossiers liés à la consommation et au trafic de drogues ont été ouverts en seulement trois mois (août, septembre et octobre), selon le colonel de police Janvier Ntakimazi, chef de la police judiciaire locale. Il précise que les consommateurs de cannabis sont majoritairement des jeunes.

M. Ntakimazi affirme que ce cannabis est acheminé de nuit à Rumonge par de petites embarcations en provenance de la province du Sud-Kivu, en République Démocratique du Congo, puis transporté vers des lieux inconnus.

Il appelle les autorités et la population à dénoncer les trafiquants et les consommateurs pour qu’ils puissent être punis.

Complicité et impunité, failles dans la lutte contre le trafic

Raphaël Ngendakumana, président de l’association Olcos

L’association Olcos, qui lutte contre les drogues, confirme que la consommation et le trafic de drogues au Burundi sont en hausse. Son président, Raphaël Ngendakumana, affirme que cela est dû en partie à la complicité de certains agents de sécurité censés combattre ce fléau. Il précise que ces drogues ne sont pas produites au Burundi mais viennent des pays voisins, transportées dans des véhicules protégés ou par avion, notamment l’héroïne.

M. Ngendakumana explique: « La consommation et le trafic augmentent chaque jour. Selon nos enquêtes, deux jeunes non-consommateurs qui fréquentent trois consommateurs finissent eux-mêmes par consommer après un mois. »

Il dénonce la hausse du trafic, qui prospère malgré la présence des forces de l’ordre: « Parmi ceux qui doivent combattre ce fléau, certains le propagent. Il y a un responsable local que je ne nommerai pas, censé lutter contre cela, mais qui collecte de l’argent auprès des trafiquants. Au lieu de les arrêter, il tient une liste et les contacte chaque vendredi pour recevoir son argent. Parfois, quand nous signalons un trafiquant, il est déjà au courant. Qui l’a informé? »

Un fléau transfrontalier aux conséquences mortelles

M. Ngendakumana poursuit: « Au Burundi, nous ne cultivons pas ces drogues, mais dans certaines provinces, elles sont cultivées en cachette. Elles viennent principalement du Congo et de la Tanzanie, transportées dans des véhicules surveillés, que personne n’ose arrêter. À Kayogoro et ailleurs, certains les cachent dans des sacs de charbon ou de manioc, et on croit qu’ils transportent des denrées, alors que c’est du cannabis. »

Il conclut que pour lutter efficacement contre ce fléau, il faut une mobilisation exceptionnelle du gouvernement, en collaboration avec les associations indépendantes, mais surtout avec des personnes intègres et courageuses.

Pour rappel, un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publié en 2024 révèle que plus de 3 millions de personnes dans le monde meurent chaque année à cause de la consommation excessive d’alcool fort et de drogues.

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