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YouScribe, la réponse aux défis de diffusion à l’international du livre burundais ?

©Jimbere | Juan Pirlot de Corbion, fondateur de YouScribe, la plus grande bibliothèque numérique francophone

Participant pour le compte des Éditions Gusoma à la 28ème édition du Salon international de l’édition et du livre du Maroc, le journaliste et éditeur Roland Rugero s’est entretenu avec Juan Pirlot de Corbion, fondateur et PDG de YouScribe, « la plus grande bibliothèque numérique francophone » avec plus d’un million d’abonnés. Les services qu’offre la plateforme répondent aux défis de la diffusion du livre burundais à l’international…

YouScribe, une bibliothèque numérique: de quoi s’agit-il concrètement ?

Quand on y pense, l’industrie de la lecture, des livres et des éditeurs repose sur deux grands piliers de la diffusion que sont les bibliothèques, qui prêtent, et les librairies, qui vendent. Transposé dans le monde numérique, vous avez en effet des acteurs qui sont des libraires numériques comme Kindle où vous achetez une liseuse et vous devez acheter des livres à un prix parfois élevé par rapport à celui du papier… Et puis vous avez des bibliothèques numériques dites en streaming, qu’on trouve déjà dans d’autres industries culturelles, comme la musique ou la vidéo, Spotify ou Netflix par exemple. Ici, l’expérience de l’utilisateur est différente, c’est-à-dire que, à l’instar des bibliothèques, une fois que vous êtes membre, vous avez accès à tout le contenu de la bibliothèque. YouScribe s’inscrit donc dans ce modèle de bibliothèque numérique en accès illimité.

Pour un éditeur du Burundi, quelle différence y’a-t-il entre YouScribe et les autres plateformes digitales de lecture?

Une des grandes différences par rapport à d’autres acteurs opérant dans le domaine (Storytel, Nextory, Kindle illimited, Koboplus), c’est que YouScribe a fait le choix de proposer d’une part aux éditeurs de langue française, on va dire européens, de leur permettre une diffusion beaucoup plus large sur un continent africain, dans lequel, comme on le sait, il y a très peu de librairies et de bibliothèques. Et pourquoi? Parce que le livre-papier importé est déjà très cher. Il faut donc tenir compte du prix qui n’est pas adapté au pouvoir d’achat des populations, notamment des jeunes. Le second aspect de différenciation, c’est que l’on a 3.000 éditeurs partenaires, dont 20% d’Afrique. Du coup, notre rôle, en langue anglaise, arabe ou française, c’est de permettre aux éditeurs africains d’avoir accès à une diffusion sur le monde entier. Ainsi, avec YouScribe, un texte d’un écrivain du Burundi a autant de valeur qu’un texte en langue française paru chez un éditeur en France, en Belgique, en Suisse et au Québec.

YouScribe profite donc des facilités qu’offre le numérique pour favoriser l’accès à la production littéraire en Afrique…

Exactement. Précisément parce qu’il manque des structures de distribution traditionnelle du papier en Afrique, c’est une occasion intéressante pour les éditeurs africains d’avoir accès à une diffusion mondiale, notamment auprès des diasporas, que ce soit pour les livres, la presse ou du livre-audio. La différence entre nous et les autres plateformes numériques de lecture, c’est que YouScribe a fait le choix de l’Afrique. Et cela engage beaucoup de choses, notamment un positionnement qui est moins commercial. Il s’agit au fond de favoriser l’accès à la culture, à la lecture, au savoir, pour des populations qui n’y ont pas accès facilement. C’est une forme d’injustice qu’on a envie de contribuer à régler.

La question du paiement: la plupart des plateformes numériques de lecture proposent de payer l’abonnement via les cartes Visa, ce qui n’est pas forcément l’idéal pour les populations africaines où le mobile money est par contre très populaire… Comment YouScribe, qui est déjà en RDC frontalière du Burundi, répond-elle à ce défi ?

Le projet de YouScribe, on l’a vu, repose sur l’accessibilité. Cela veut dire une compatibilité avec tous les appareils du marché, les téléphones, tablettes, ordinateurs. L’accessibilité, c’est aussi de favoriser un prix d’achat compatible avec le pouvoir d’achat des populations, notamment des jeunes. Pour donner un exemple au Sénégal, l’abonnement à YouScribe est à 100 FCFA la journée, 500 FCFA la semaine. Ce qui correspond en euros à 0,15 € ou 0,80 € la semaine. C’est à peu près les mêmes prix qui sont pratiqués au Congo. Mais pour que tout cela puisse fonctionner, et on n’y pense pas assez souvent, il y a la question du paiement. Nous, on a fait le choix qui me semble cohérent, de ne jamais proposer un paiement aujourd’hui par carte bancaire en Afrique. Tous les abonnements, et on a quand même plus d’un million d’abonnés majoritairement issus de 11 pays africains, se règlent par le crédit téléphonique, en partenariat avec les opérateurs mobiles locaux, dont Orange, MTN et d’autres. L’enjeu pour nous est d’intégrer en fin 2023 une cinquantaine d’options de paiement par « wallet » ou portefeuilles électroniques. Ainsi, le mobile money sera intégré dans les offres YouScribe en complément du paiement par crédit téléphonique. C’est l’utilisateur qui choisira l’option la plus avantageuse.

Le prochain titre des Éditions Gusoma, une biographie sur un pionnier du secteur privé au Burundi à paraître le 06 juillet 2023

C’est un enjeu technique assez conséquent…

Tout à fait, et qui mérite d’être relevé si l’on tient à garder notre principe de respect de l’accessibilité. Le choix d’avoir la plus grande gamme de ‘wallets’ possible pose une série de questions sur la fiscalité, le prélèvement, etc. Et puis, il faut qu’on parvienne avec les acteurs du mobile money, à intégrer ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui, le renouvellement automatique d’un abonnement. Aujourd’hui, le mobile money permet des paiements one shot. La réalisation de notre grande ambition de 2023 est bien engagée, YouScribe ayant déjà des accords avec toute une série de plateformes, avec en perspective une offre d’abonnements plus longs, à trois, six, douze mois…

Pour un éditeur au Burundi, comment intégrer la plateforme Youscribe?

La solution est très simple. En se rendant sur la plateforme Youscribe.com , il y a une rubrique qui est dédiée aux éditeurs. Il y a une prise de contact qui est facilitée avec toutes nos équipes basées en France, Côte d’Ivoire, ou au Maroc. La proposition pour l’éditeur est assez simple en fait, puisque Youscribe reverse 60 % de ses revenus aux éditeurs. Nous ne sommes que les représentants des éditeurs. Ensuite, si l’éditeur est d’accord avec les conditions contractuelles, il apporte les contenus numériques dans les formats que l’éditeur choisit, qui peuvent être en PDF ou autres. On s’adapte en fait. Ensuite, il y a toute une relation qui se construit autour de la diffusion et de la promotion des ouvrages pour permettre à l’éditeur d’avoir la plus grande visibilité possible, pour une diffusion au monde entier. Tous les éditeurs africains sont évidemment les bienvenus. On en a déjà beaucoup. Les conditions commerciales sont les mêmes pour tous les éditeurs, c’est très transparent. La répartition des revenus, éditeur par éditeur, est liée au nombre de pages lus. Comme cela se pratique dans d’autres industries culturelles, ce sont les utilisateurs qui créent la répartition des revenus pour les éditeurs.

YouScribe est la plus grande bibliothèque numérique francophone avec plus de 140.000 livres électroniques en français, 59.000 en anglais et 20.600 titres en arabe, pour 100 000 titres dont 60.000 livres pour enfants et jeunes adultes. En 2022, YouScribe comptait plus d’un million d’abonnés dans le monde dont plus de 95% sur le continent africain. Ce dernier est le principal marché de cette bibliothèque numérique et représente, à lui seul, près de 70 % des lectures.
YouScribe a remporté en 2022 la mention spéciale de l’entreprise internationale réalisant la meilleure croissance en Afrique décerné par l’Africa Investment Forum & Awards (AIFA). YouScribe est soutenu par des actionnaires historiques (Thierry Dassault, Iris Capital, Inventures, Philippe van der Wees (Sodival), Charles Adriaenssen (Oaks), Habert Dassault Finances et la Banque des Territoires (Caisse des Dépôts) dans le cadre du programme « France 2030 ».

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