Monsieur le Président, permettez-moi de vous raconter une (petite) histoire. Je ne vais pas reprendre celle de Mwuhiro Hidoine sur son amitié avec les Présidents américains. Oya (Non). Celle-ci, concerne un père attentionné et aimant, avec une passion pour l’éducation, qu’il n’hésite pas à partager, pour le bien de tous…
Avant tout, Monsieur le Président, sachez que cette lettre ouverte n’est pas un énième cas de « mauvais » fonctionnement de l’institution judiciaire. Comme vous le dites tantôt, la plupart du temps, on (les jeunes) vient vous partager des propositions de solutions, des idées nouvelles, ou encore de bonnes nouvelles. C’est le même cas aujourd’hui. La question plutôt, je pense : pourquoi vous parlez d’un jeune papa, burundais, vivant à l’étranger ? Yamaze iki (qu’a-t-il de si spécial) ? Je vous l’explique, en trois minutes le temps de lecture de l’article.
Ce jeune papa s’appelle Lionel Kubwimana. Né au Burundi en 1990, il part poursuivre ses études supérieures en France, à l’âge de 18 ans. Par après, il va fonder sa famille, avec une Hongroise. De leur union naîtra la petite Lotta*, âgée de deux ans cette année. Il se fait que Lionel, comme d’autres parents burundais vivant à l’étranger, trouve beaucoup de peine pour transmettre le kirundi, sa langue maternelle, à sa fille, alors que pour sa mère, la tâche est relativement facile, grâce notamment à la grande disponibilité des manuels (scolaires) adaptés en hongrois.
Monsieur le Président, Lionel Kubwimana, jeune informaticien de formation, « passionné par l’éducation, et avec l’idée d’aider d’autres Burundais à transmettre la langue maternelle à leurs enfants nés et/ou élevés loin du Burundi dans un environnement multiculturel », va devenir l’auteur de livres trilingues pour enfants en kirundi, anglais et français, disponibles (seulement) sur Amazon. Aujourd’hui, Lotta, et certainement d’autres enfants burundais vivant à l’étranger, avec ces livres d’images pour enfants, apprennent plus facilement le kirundi. Si ivyo gusa (ce n’est pas tout): Lionel a même pensé aux plus âgés en introduisant Ijambo, une application qui permet de jouer avec les mots en kirundi, « la seule qui existe en langue bantou », s’il vous plaît ! Et les statuts WhatsApp des internautes burundais sont une preuve de leur engouement pour ce jeu.

Le kirundi, outil d’autonomisation et de développement
L’éminent écrivain kenyan, professeur Ngugi Wa Thiong’o, en évoquant le rôle essentiel des langues nationales dans l’éducation et la formation, a souligné que « Si vous connaissez toutes les langues du monde et que vous ne connaissez pas votre langue maternelle ou la langue de votre culture, c’est de l’asservissement. Mais, si vous connaissez votre langue maternelle ou la langue de votre culture et que vous y ajoutez toutes les autres langues du monde, c’est de l’autonomisation ».
Les productions de Lionel Kubwimana, les livrets d’images pour enfants, les jeux de société pour adultes, Monsieur le Président, sont à saluer et à promouvoir (comme Amazon n’a pas de point de distribution au Burundi, ces livrets ne sont pas disponibles localement). Celles-ci permettent aux enfants, aux jeunes, et aux moins jeunes burundais, en dehors des programmes d’enseignement en langue maternelle (relativement peu) disponibles à l’école, de rester en contact avec le kirundi, et d’être plus exposés à leur culture.
Monsieur le Président, comme vous le savez déjà, aujourd’hui plus qu’hier, la famille burundaise, à l’image d’autres familles africaines, est soumise à la pression de la culture occidentale (éducation, habillement, loisirs, …) qui tend à s’imposer dans nos sociétés, et les familles sont toujours plus exposées aux risques d’aliénation, de déculturation, de désorganisation, … associés à ces changements.
Par exemple, actuellement, il n’est pas erroné d’affirmer que certains Burundais (surtout les intellectuels) savent mieux lire, écrire et parler les langues étrangères (le français ou l’anglais) plus que le kirundi. D’où l’idée de l’Académie Rundi pour promouvoir le kirundi et son intégration progressive dans tous les secteurs de la vie du pays. Mais, cela, à mon humble avis, ne peut être possible qu’avec la coordination de tous : et les chercheurs de l’université chargés d’élaborer de nouveaux mots à utiliser dans le domaine de l’art, la science, l’économie, … Et d’autres profils, comme celui Lionel Kubwimana, intéressant dans le développement de nouveaux modèles ou outils de transmission plus ludiques, facilement consommables (des livrets, dessins animés, musiques, …) par les enfants et les jeunes – et si c’est déjà pensé comme cela au niveau de l’Académie, chapeau!
Alors, Monsieur le Président, comme vous l’avez promis à certains concitoyens de la diaspora vivant en Europe, lors de la fameuse rencontre à Bruxelles le 19 février 2022, Lionel Kubwimana lorsqu’il sera au Burundi, umubonano nawe (une audience) sur ses initiatives, ne serait pas de trop – honnêtement, un soutien étatique à ses projets serait bénéfique aux enfants et jeunes du Burundi.
Permettez-moi de terminer mon propos, Monsieur le Président, en vous faisant part de la dernière initiative d’internationaliser le kirundi, en voulant notamment la faire ajouter à longue liste de langues traduisibles à partir de Google Traduction, outil de traduction en ligne de Google, le géant américain de l’Internet. Chose difficile, voire impossible, sans ces prérequis, étayés par cet ancien de Google, jeune sachant burundais … Il est aussi fort possible de le faire au niveau de l’Académie Rundi.
Tout en espérant que cette missive vous parviendra, Monsieur le Président de la République, recevez mes plus hautes considérations.
Et au plaisir de vous lire.
*Nom d’emprunt
