Jimbere

Kirundi French
Actualité

Synergie des médias : des mesures administratives non sans effets

Plus de nid douillet en paille ! Amoureux, où irez-vous ?

Une maison en toit de chaume : interdite pour les jeunes mariés

Le ministre de l’Intérieur vient de frapper fort : les amoureux n’auront plus le droit de se marier dans une maison en toit de chaume. Avec leur faible pouvoir d’achat, la plupart des jeunes burundais se demandent s’ils vont s’en sortir. Et quid de la légalité de cette mesure ? Le point.

Un jour, un pote à moi a voulu faire de l’humour et m’a posé une colle : « Sais-tu pourquoi les oiseaux sont plus intelligents que les hommes ? ». Inutile de vous dire que j’ai séché. Et de me répondre avec son habituel air goguenard que tout le monde lui connaît : « Parce qu’ils construisent une maison avant de fonder une famille ».

J’ai mis quelques secondes pour réaliser ce qu’il venait de me jeter à la figure. Oui, c’est vrai que les oiseaux font d’abord un nid avant de procéder à la ponte des œufs qui écloront et leur donneront des oisillons.

La relation entre cette histoire et la décision du ministre de l’Intérieur enjoignant aux futurs époux d’avoir une maison en tôles ou au moins en tuiles, avant de se marier, vous paraît-elle évidente ?

Même un SDF a le droit de se marier

De toutes les façons, les lois burundaises n’interdisent pas aux citoyens de choisir librement leurs conjoint(e)s, sans tenir en considération leurs pouvoirs d’achat, ce qui veut dire que même un sans domicile fixe (SDF) a le droit de se marier.

Le Code des personnes et de la famille en vigueur au Burundi définit le mariage comme une union volontaire de l’homme et de la femme, conforme à la loi civile (article 87). En aucun cas il ne fait allusion à la construction des maisons en dur (ou autres conditions économiques) comme un préalable à un mariage.

Dernièrement, il a été a procédé à un petit calcul pour voir combien il faudrait débourser pour avoir une maison ayant une toiture en tôles. Il faut débourser entre 300 et 400 mille FBu.

Or, le pouvoir d’achat d’un Burundais moyen était de 221,5 dollars par an en 2021 (soit 458 682,2 FBu au cours moyen de la BRB du 13 février 2023), selon les données de la Banque mondiale.

Avec ces revenus, un Burundais, de surcroît, jeune voulant fonder une famille, peut-il disposer de cette somme qui vaut, plus ou moins, à ce que gagne un Burundais moyen pendant toute une année ?

Mais que penser de cette mesure ?

A.C. est un jeune garçon de 24 ans, il habite à Kibenga, un des quartiers de la ville de Bujumbura. Il croque la vie à pleines dents. Il a du mal à comprendre la décision ministre. « Est-ce que cela ne va pas engendrer des mésententes entre l’administration et les jeunes qui n’ont pas des moyens pour acheter de tôles avant de se marier ? »

Si le gouvernement veut que les gens construisent des maisons en tôles en peu de temps, il devrait peut-être subventionner les matériaux de construction, la tôle en premier, pour faciliter la tâche aux jeunes, ajoute le jeune homme.

D’autres pays ont déjà essayé d’éradiquer les maisons en paille, mais le constat est que si vous voulez combattre efficacement ces maisons, il faut prendre des précautions et des mesures d’accompagnement, indique encore une fois ce jeune homme.

Cap sur Gitega où j’ai rencontré A.I., une femme mariée de 26 ans qui habite à Magarama. Elle ne savait pas qu’une mesure pareille a été déjà prise.

Quand elle a finalement compris que c’est bien le cas, elle a simplement laissé échapper un long soupir et une courte phrase mais qui en dit long : « Hagiye kugwira ibikwerere hamwe n’abakobwa bazosazira iwabo !», pour dire que « le nombre de jeunes gens en âge de se marier mais qui n’entendent pas se lancer dans cette aventure va augmenter, de même que les filles qui vont coiffer Sainte Catherine ! »

 « Pourquoi ? », ai-je glissé. « Wibaza ko ari abahungu bangahe bazoshobora kwubaka inzu z’amabati hariya mu misozi ? (Combien de jeunes hommes pourront se construire une maison avec des tôles ondulées sur nos collines ? NDLR », a-t-elle interloqué.

Quid de la légalité de la mesure ?

« Heureusement que la mesure ne concerne que ceux qui projettent de se marier. Si cela concernait tous les Burundais et leur interdisait à tous de construire et d’habiter dans des maisons en toit de chaume, cela aurait été autre chose », indique Me Emery Bayizere de l’Ordre des avocats près la Cour d’appel de Gitega.

« La loi régissant le mariage est très claire là-dessus.  En ce qui concerne le domicile des époux, après la célébration du mariage, la construction d’une maison en tôles ou en tuiles ne figure nulle part dans la loi régissant le mariage au Burundi », explique ce juriste.

Selon lui, leur interdire de convoler en justes noces parce qu’ils n’ont qu’une maison en chaume reviendrait à leur priver du droit à une union libre que la loi leur autorise pourtant. « Cette condition est un blocage quant à leur droit reconnu par le droit positif burundais », statue Me Emery Bayizere de l’Ordre des avocats près la Cour d’appel de Gitega.

Par Parfait Nzeyimana, Yaga

Pages : 1 2 3 4 5

Click to comment

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

To Top