Les mesures administratives interdisant tout rassemblements de jeunes gens désœuvrés sur la place publique sous peine de se faire embarquer pour des travaux d’intérêt général, de griller du maïs au bord de la rue et l’harmonisation du prix de la viande, n’ont pas encore eu l’unanimité. Les concernés ou victimes bougonnent Une source de déstabilisation pour certains qui peinent à trouver des alternatives.
Et la chasse aux désœuvrés commença…
Mardi 7 février 2023 vers 11 h 30, en plein centre-ville de Bujumbura, des policiers armés circulent pour arrêter des personnes qui sont en villes sans rien faire. Ils arrêtent un à un vers un camion de la Police nationale du Burundi où ils sont en embarqués.
A cette journée, le soleil tape très fort au centre-ville. Mais, les agents de police, eux, guettent toute personne sans occupation en ville. Ils rôdent aux alentours des kiosques de la Brarudi. « Je dois acheter une limonade pour que les policiers me laissent tranquille », commente un jeune homme rencontré sur les lieux.
Selon lui, il est venu pour en rendez-vous avec son ami. « Cela est vraiment gênant, pourquoi, je ne peux pas venir à un rendez-vous sans crainte de se faire arrêter », a-t-il commenté avant de répondre à un appel téléphonique.
Tout à coup, un jeune homme chevelu est arrêté par un agent de police, il est conduit vers le camion garé devant les restes de l’ancien marché central de Bujumbura où il a rejoint une dizaine d’autres jeunes déjà arrêtés.
Celui-ci a essayé de s’expliquer sans vraiment convaincre l’agent de police qui le conduisait lentement vers le camion. Une phrase est sur les lèvres de tous ceux qui passent par le centre-ville. « Toi aussi, tu peux être embarqué. Si tu n’as rien à faire ici ».
D’après les citadins interrogés au centre-ville de Bujumbura, notamment dans les environs du parking desservant le nord de la capitale politique, la chasse aux jeunes gens sans occupation a commencé juste après la mesure annoncée le 31 janvier.
Si c’est bien évident que tu es désœuvré, font-ils savoir, la police te conduit au chantier du stade Intwari pour aider dans des travaux de construction. « C’est pourquoi il y a moins d’attroupements au tour des kiosques de la Brarudi », a expliqué une vendeuse de crédits téléphoniques sur les lieux.
Vers midi de la même journée du 7 janvier, une vingtaine de jeunes hommes est conduit dans un camion de la police au stade. « Il va revenir pour embarquer d’autres personnes », a lâché un convoyeur de bus.
Une personne rencontrée à l’entrée du Stade Intwari en construction, fait savoir que ceux qui sont arrêtés sont employés comme des aide-maçons en déplaçant du moellon, du sable, des planches, etc.
La prise de risque des vendeuses de maïs cuit
Pour ce qui est de l’interdiction du maïs grillé ou cuit au bord de la rue, la mesure a été respectée. Seules, quelques-unes des femmes qui vivaient de ce commerce osent s’aventure à refaire ce commerce réprimé.
C’est comme K.N, vendeuse de maïs cuit, rencontrée sur le boulevard Patrice Lumumba non loin de la galerie Hakizimana. Celle-ci est très connue dans cette galerie. C’est là où elle a beaucoup plus de clients réguliers.
Samedi 11 janvier vers 21h 15, la dame est assise sur un tabouret. Elle est là, elle semble tranquille même si l’inquiétude se lit sur son visage, elle propose du maïs cuit bravant l’interdiction de ce commerce. Devant elle, un gros sachet à moitié plein du maïs cuit non épluché.
Les clients viennent. Des commerçants de vêtements et de souliers à la galerie achètent. Des chauffeurs de taxi, des passants, etc. « J’ai choisi de venir à mes risques et périls », reconnaît cette maman de 4 enfants.
Selon elle, elle s’est trouvée dans l’obligation de ne pas respecter la mesure administrative interdisant le commerce du maïs grillé ou cuit au bord de la route. « Je crains de mourir au milieu de mes enfants, je suis veuve, je travaille seule, mon mari est mort, il y a 4 ans ».
Elle indique que ses consœurs qui ont des familles et des terres à l’intérieur du pays ont déjà regagné leurs collines natales. « Moi, je n’ai pas où aller. J’irais chez ma grande sœur. Mais, est-ce qu’elle pourrait m’accueillir et nourrir mes enfants et en plus de sa famille », se demandent cette veuve.
Elle fait du commerce la peur au ventre, pour gagner un peu d’argent pour nourrir ses enfants et confie qu’avant l’interdiction de son commerce, elle gagnait au moins 5 mille BIF par jour, ce n’est pas énorme.
Sur la route Mutaga III, traversant les quartiers de Kinanira, ces femmes qui grillent du maïs au bord des axes étaient nombreuses avant l’interdiction de cette activité génératrice de revenus.
Actuellement personne sur la route entre le bar dit « Kuri Frodebu » et celui dit « Kwa Vy’isi » personne ne grille du maïs, c’était pourtant une alternative à la brochette pour certains.
Les grossistes du maïs frais ne sont plus observables. « Je me suis rabattue sur la commercialisation de l’arachide grillée », témoignent une jeune maman, assise derrière une petite table avec de petits sachets d’arachides. Elle est avec ses deux fillettes, une au dos et une autre endormie sur ses cuisses. Selon elle, le maïs grillé ou cuit pour le moment est considéré comme un produit prohibé. « La vendeuse et l’acheteur sont tous punis une fois attrapés ».
Les sources sur places font savoir que la police est venue pour les empêcher de faire leur petit commerce de maïs grillé. « Ils sont venus en pick-up et en jeep et ont éteint nos braseros ».
Ces femmes indiquent qu’elles se sont inclinées aux ordres des autorités, mais que leur vie va être de plus en plus difficile. « Nous ne voyons pas comment nous allons payer nos loyers et faire vivre nos familles », indique une mère de deux enfants abandonnés par son mari.
Et sa consœur de renchérir : « Nous finirons par faire griller le maïs de nouveau. S’ils veulent, ils nous jetteront en prison avec nos enfants, au moins là-bas nous y serons nourris ».
Quelques administratifs locaux interrogés sont catégoriques, quand une mesure tombe, il faut s’exécuter sinon on s’expose à des sanctions. « Mais il n’est pas interdit d’en parler quand il y a une rencontre avec les plus hautes autorités ».
Grogne chez les bouchers
Autre casse-tête : la régulation du prix de la viande. Les bouchers du marché dit Bujumbura City Market (BCM) dit « Kwa Siyoni ne vendent plus de la viande sans os. « C’est pour ne pas fermer boutique ».
Les bouchers disent travailler à perte, suite à la mesure du ministère de l’Intérieur, de fixer les prix de la viande par kilogramme. Au marché, ces commerçants indiquent qu’ils préfèrent la vendre avec os à 10 mille BIF.
Ils demandent que les prix soient réduits, même à l’abattage pour qu’ils s’approvisionnent sur un tarif raisonnable. « Avec la mesure du gouvernement de réduire le prix de la viande par kilogramme à 10 mille, c’est dur pour nous. A l’abattoir, nous achetons à 10 mille BIF le kilo », confie Dieudonné Gasigwa, boucher au BCM (Kwa Siyoni).
Des questions et toujours des questions : « Comment allons-nous nous approvisionner et à combien allons-nous vendre ? »Il explique que le transport, pour une vache, se fait à 22 mille BIF de l’abattoir de Kanyosha et de 10 mille BIF à partir de l’abattoir de Kamenge, et nous nous retrouvons en train de nous approvisionner à 10.500 BIF .
Pour lui, vendre à 10 mille BIF un kilo de viande avec os et à 11 mille BIF sans os comme l’exige le ministère de l’Intérieur est tout simplement impossible. « C’est pourquoi vous ne trouvez pas de la viande sans os sur le marché. Je ne peux pas vendre de la bonne viande sans os ».
Par Emery Kwizera, Iwacu