Malgré la volonté manifeste du Gouvernement d’améliorer le système de la protection sociale, la démarche révèle quelques vulnérabilités face à un environnement plutôt corsé, marqué par une pléthore de défis structurels. Le point…
Pour le Président de la République du Burundi, « l’approche de l’échéance de la mise à la retraite ne doit plus être une perspective aussi angoissante qu’elle l’est aujourd’hui. » – Conférence Publique tenue fin 2021. Réitérant encore une fois sa volonté politique d’améliorer les conditions de vie des retraités en matière de sécurité sociale, l’ambition du Numéro Un burundais est celle d’octroyer une pension de retraite équivalente, au moins, au dernier salaire net mensuel du pensionné, une de ses promesses de son Discours d’investiture, le 18 juin 2022.
En effet, à l’INSS, 4.869 retraités sur 29.360 inscrits, perçoivent une pension de retraite mensuelle comprise entre 2.400 Fbu et 10.000 Fbu. A l’ONPR, la situation n’est pas mieux : 50 retraités sur 6.612 perçoivent une pension de retraite mensuelle qui varie entre 1.700 Fbu et 10.000 Fbu. Pour le Gouvernement, le montant des pensions versées aux bénéficiaires « s’avère dérisoire et ne peut pas leur garantir une vie décente au regard du coût de la vie ». D’ou l’adoption par le conseil des ministres le 18 Avril 2022 du Projet de loi portant modification de certaines dispositions du Code de protection sociale et revalorisation des pensions pour le secteur public.
Ce projet de loi contient deux mesures importantes : la fixation de la pension des retraités à l’équivalent du dernier salaire net ainsi que la mesure selon laquelle le calcul de la contribution à prélever se fera désormais sur base du salaire de base, car « le calcul à partir du salaire brut entraîne automatiquement la diminution du salaire net de l’employé. »
L’INSS en eaux troubles, l’ONPR rassure…
Mais pour autant que cela constitue des mesures à l’avantage des fonctionnaires, il y a lieu à se demander comment les mesures vont-elles entrer en vigueur alors que la Primature brosse déjà un tableau sombre de la santé financière de l’INSS. Quid de l’ONPR…
La première accuse des arriérés des cotisation estimées à plus de 120 milliards Fbu, pour la seule période de 2010 à 2020, seulement l’État lui doit plus de 31 milliards de Fbu. Le manque à gagner, par an, pour l’INSS est énorme : seulement 44,6% des affiliés cotisent.
Dans son rapport rendu public en février 2020, la Commission technique chargée d’analyser les reformes du secteur de protection sociale, avait proposé, pour le cas de l’INSS, que l’année de mise en œuvre des réformes de sécurité sociale soit de 2023 pour les retraités dont les employeurs sont en ordre. Pour le cas de l’ONPR, les projections montrent que cet organe est capable de mettre en œuvre ces reformes pour une période d’au moins 10 ans.
La faible capacité contributive de la population, un défi important
Pour autant que le Gouvernement veuille améliorer la pension de retraite pour les fonctionnaires, il ne doit pas oublier la grande partie des Burundais qui travaillent dans l’informel (plus de 80% des emplois non-agricoles sont dans l’informel) et qui sont par ailleurs les plus vulnérables. Par ailleurs, la promotion de la protection sociale au niveau communautaire doit être la priorité. Malgré l’existence de la Carte d’Assurance-Maladie (CAM), instituée en 1984 avec « La vocation d’« améliorer l’accès aux soins des populations du secteur informel, le secteur formel public et assimilés étant couvert par la Mutuelle de la Fonction Publique et le privé par des systèmes d’assurance maladie », mais dont le prix qui oscille entre 3.000 BIF à 25.000 Fbu, la rende peu abordable pour le gros de la population dans un pays où selon les estimations de la Banque mondiale, le taux de la pauvreté est passé à environ 75% en 2018.
L’essor de la protection sociale au Burundi, qui se définit par principe comme un ensemble de mesures publiques ou privées qui visent à réduire la pauvreté et les vulnérabilités économiques et sociales, devrait arriver à assurer à la population une sécurité minimale du revenu, à faciliter l’accès aux services de base et à aider les ménages à mieux gérer les risques auxquels ils sont confrontés. Pour y arriver le chemin est encore long et surtout sinueux…