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Musée Vivant de Bujumbura ou le symbole d’un secteur délaissé

Un crocodile qui s’allonge dans un étang au Musée Vivant/©️ Jimbere

L’état du Musée Vivant de Bujumbura inquiète plus d’un. Au lieu d’être un lieu touristique attractif, plus visité, pour enfin faire rentrer beaucoup plus de recettes dans le trésor public, il est devenu plutôt un zoo quasi délaissé, mal aménagé, sans budget de fonctionnement. Les espèces animales, tout comme le personnel vivent dans de mauvaises conditions. Le point.

Le 16 juin dernier, deux chimpanzés s’évadent du zoo, se dirigent au bar Bahamas, tout près du musée, où ils boivent de l’alcool, causent des dégâts matériels et de la panique auprès des clients. Mais l’évasion de ces deux primates n’est qu’un arbre qui cache toute une forêt. Le Magazine Jimbere a eu l’occasion d’explorer et s’enquérir de l’Etat de ce lieu, les conditions de vie des animaux et travailleurs, etc. Et le constat est terrible.

12h 30. C’est sous un soleil accablant que nous visitons le musée. À l’entrée (crée en 1977 pour être la vitrine touristique de la ville de Bujumbura) se trouve un petit kiosque contenant des jus et d’autres articles. À l’intérieur de la cour, côté gauche, les vestiges de ce qui semble avoir été un grand restaurant. Un peu plus loin, d’autres kiosques où se vendent des différents objets d’art.

Difficile de savoir où s’orienter dans ce musée qui n’a ni panneaux de signalisation ni pancarte pour simplifier la tâche aux visiteurs. Distinguer à qui s’adresser ou pas relève également d’un parcours de combattant. Les guides n’ont pas d’uniformes pour les distinguer des employés ou encore moins des visiteurs. A notre arrivé, pas un seul visiteur n’est présent sur les lieux.

A la question de savoir à combien s’élèvent les droits d’entrée au zoo, un des membres du personnel rencontré sur les lieux rétorque : « 5.000 Fbu pour un adulte, 2.000 Fbu pour un jeune adolescent de 10 à 17 ans et 1.000 Fbu pour un enfant de 3 à 9 ans. Un adulte de la région de l’Afrique de l’Est (EAC) paie 5 $, un enfant de 3 à 17 ans paie 2 $, les étrangers d’autres pays hors EAC paient 10 $. » Pourtant, les journalistes pour des fins de leur travail peuvent entrer gratuitement, ajoute notre source.

Un musée en difficulté…

Un chimpanzés se trouvant dans sa cage construite en fer à béton au Musée Vivant/©️ Jimbere

Une fois à l’intérieur, notre source se lâche : « Heureusement que vous venez au cours de la journée. Sinon, il vous serait difficile de contempler notre richesse animalière. » Sourire ! Et d’enchainer : « Rendez-vous compte que si un touriste vient dans la soirée nous n’utilisons que des lampes de nos téléphones pour éclairer le zoo ! Dites-moi alors comment cette place peut-elle être attractive pour les visiteurs ? »

Mais pourquoi, demandons-nous? Notre source nous confie que la Regideso leur a coupé le courant à cause d’une grosse facture impayée : « A la tombée de la nuit, tout le musée est dans l’obscurité. »

Sur place, les animaux présents, semblent être emprisonnés et fatigués à l’intérieur des cages. Difficile de savoir que l’on est dans la zone aménagée pour des crocodiles ou de léopards. Pas des pancartes d’orientation ni d’étiquettes d’identification de ces patrimoines animaliers. Ce n’est qu’au guide de faire découvrir aux visiteurs où passer, les noms, l’identité des espèces, leurs histoires, etc.

Les crocodiles règnent en maitres au musée vivant. Soucieux de leur condition de vie, notre source confie : « Regardez ces crocodiles, ils sont dans l’eau sale. Ces reptiles devraient vivre dans des grands étangs avec de l’eau propre. Mais les voilà ! Certains s’allongent sous un soleil de plomb. » Et de dévoiler que des espèces animales mortes n’ont pas été remplacées. Les animaux qui tombent malades ne peuvent pas être efficacement soignés par manque des vétérinaires spécialisés. « Bref, les défis qui hantent ce musée sont nombreux », se désole notre source.

Côté pistes, la même scène de désordre s’observe. Ils ne sont pas bien aménagées ni entretenues faute de moyens. Le Musée ne dispose pas de budget de fonctionnement alloué à cet effet, glisse notre sourceEt de recommander qu’un fond de fonctionnement soit alloué chaque année dans le budget annuel de l’Etat puisque les recettes issues du ce Musée sont directement versés au trésor public.

Bien de recettes malgré tout

Pancarte à l’entrée du Musée Vivant de Bujumbura/©️ Jimbere

Quoi qu’il ne soit pas bien aménagé, le musée parvient quand même à encaisser quelques recettes selon notre source : « Certaines recettes sont des frais de location des kiosques dans lesquels sont vendus des objets d’art et d’autres viennent des droits d’entrée au zoo. Toutes ces recettes vont directement sur le compte fiscal de l’OBR ouvert à la BRB. Et là, même le responsable du musée ne dispose pas de droit de retrait. Le musée ne garde qu’une maigre somme pour seulement l’achat des vivres pour les animaux. »

Se référant sur les revenus annuels, notre source se réjouit qu’ils aillent crescendo bien qu’ils n’ont pas de budget de fonctionnement : « Dans le passé, personne ne contrôlait si les recettes allaient au trésor public ou dans des poches de certains responsables. Mais avec le changement du personnel en avril 2022, nous avons clôturé l’année avec une recette de 47 millions de la part des touristes. Avant, rare était le cas où on pouvait même déposer sur le compte fiscal 10 millions de Francs burundais. » Depuis janvier jusqu’à mai de cette année, le musée a déjà encaissé 42 millions de Fbu. Et les projections en fin d’année tournent autour de 100 millions de Fbu, espère notre source.

« Travailler dans ce musée, c’est risquer sa vie » 

Mises à part les conditions de vie des animaux, la sécurité des guides et autres personnes travaillant au sein de ce musée n’est maximale. « Un chimpanzé du musée vivant a mordu le doigt d’un guide. Ça lui a été difficile de se faire soigner. » Et pour cause, explique notre source, les employés ne bénéficient pas d’une indemnité de risque. « Il a dû se battre de toutes ses ailes pour se faire soigner avant que le personnel plaide pour le remboursement des factures dont il a supportées le paiement ».

Et d’enfoncer le clou : « Travailler dans ce musée, c’est risquer la vie. Les animaux ne sont pas vaccinés. Nous vivons dans la panique du fait qu’on s’attend qu’à tout moment à une attaque ou des morsures. Pire, l’endroit ne dispose pas de mini pharmacie pour faciliter l’accès aux soins des premiers secours en cas d’accident… Nous avons besoin de l’indemnité de risque. »

Les employés du Musée Vivant sont également des salariés de la fonction publique, pourtant, ils se lamentent du maigre salaire qui leur est accordé en guise d’un travail assidu. « En effet, nous travaillons tous les jours, y compris les fériés. Mais on ne reçoit rien comme prime ou paiement sur les heures supplémentaires face à un job difficile et risqué. »

 Des activités en perspectives…

Jacques Bigirimana directeur général du tourisme/DR

Contacté, Jacques Bigirimana directeur général du tourisme au Ministère du commerce du transport et de l’industrie tranquillise. Selon lui, des activités visant le réaménagement du Musée Vivant, la multiplication d’animaux et l’introduction de nouvelles espèces animales sont envisagés en vue de mettre ce lieu touristique à l’échelle des autres musées de l’EAC.

Concernant le manque des fonds de fonctionnement dudit Musée, M. Bigirimana confie que sa direction a soumis une demande à l’Etat de prévoir chaque année un budget alloué au fonctionnement en faveur du Musée Vivant pour notamment mieux aménager cet endroit touristique et le rendre attractif et rentable.

Et de promettre : « Lorsque ce musée sera doté d’un budget de fonctionnement, il y aura des fonds réservés à l’indemnité de risque en cas d’accidents, que ce soit pour les employés et pour les visiteurs » Néanmoins, tient à préciser M. Bigirimana, contrairement à ce qui est avancé, tous les animaux vivant dans ce Musée sont vaccinés.

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