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Alimentation en eau potable : un secteur presque oublié

Pénuries intempestives d’eau potable, irruption des maladies de mains sales dont le choléra, … les habitants de plusieurs villes du Burundi vivent le calvaire. Entretemps, le montant alloué à l’eau, l’hygiène et l’assainissement (EHA) est de 45 milliards de BIF, soit 1.1 % du budget général de l’Etat. Installations vétustes, dettes et factures impayées, zones d’ombre dans l’attribution des marchés pour différentes fournitures, la Regideso semble avoir jeté l’éponge. D’aucuns se demandent si l’alimentation en eau potable est une priorité pour le gouvernement. Enquête.

Dossier réalisé par Fabrice Manirakiza (Journal Iwacu), Parfait Nzeyimana (Yaga), Dona Fabiola Ruzagiriza (Burundi Eco) et Cosette Akimana (Jimbere Magazine

Ngozi : Soif d’eau et de bonne gestion

Ngozi, comme d’autres chefs-lieux des provinces du pays, fait face à la pénurie d’eau potable. La population urbaine désespère devant les robinets secs alors qu’un point de captage se trouve à moins de 5 km de cette ville. Des châteaux d’eau ont été construits depuis des années pour faciliter la distribution. Mais ce n’est que dernièrement que le réseau commence à être installé, suite aux remontrances du chef de l’Etat. A qui la faute ?

Ngozi, avec son sol rougeâtre, donne impression d’une terre aride même si elle est accueillante. Plus loin de Burengo ’’Kuri Ferme’’ est toujours grouillant de monde. Par contre, c’est plutôt difficile de voir un robinet public où l’eau coule à flots. De quoi inciter les journalistes à faire un tour dans la ville de Ngozi et ses faubourgs, leur éternelle curiosité est sans pareille.

A quelques kilomètres de la ville, l’Ecofo Gacekeri n’a pas d’eau courante. Les tanks installés derrière les salles de classe pour recueillir l’eau de pluie ne sont plus fonctionnels.

Et pour cause, les robinets sont tombés en panne depuis un certain temps. Comment les 974 élèves, plus les 120écoliers de la Maternelle font-ils pour se désaltérer ? On leur demande d’amener leur eau dans de bidons ou des bouteilles.

Au Centre de santé de Gacekeri, qui se trouve à une cinquantaine de mètres de l’école, la situation n’est guère reluisante. Ils engagent un taxi-vélo pour aller puiser de l’eau. « On utilise 20 bidons par jour, à raison de 500 BIF/bidon », a fait savoir le gestionnaire du centre de santé, joint au téléphone.

A Muremera, après avoir sillonné le quartier, une trouvaille : une borne fontaine fonctionnelle. Il faut débourser 50 BIF pour avoir un bidon d’eau. Mais parfois, les coupures de courant viennent interrompre ce petit business, nous a appris l’exploitant.

A Kugisagara, les femmes rencontrées nous apprennent sue les coupures d’eau sont récurrentes. Une borne fontaine se trouvant plus loin est à sec depuis longtemps.

Devant l’enclos familial, une fille nous affirme que le quartier peut passer deux semaines sans eau dans les robinets. A Kurubuye, la situation est presque la même. Les coupures d’eau font partie du quotidien des habitants de cette localité. 

Pourtant, Ngozi devrait être bien servi

Après ce constat, pas très reluisant, la question qui se pose est de savoir si la ville de Ngozi manque de sources d’eau pour son approvisionnement. Une pêche aux informations s’est avérée nécessaire et surprise :  curieusement, il y a un point de captage d’eau à moins de 5 km de centre.

Sur la colline Shango, zone Mubuga de la commune Ngozi, des bâtisses en dur, une clôture en tubes de fer. Coup de bol, les gardiens des lieux nous laissent entrer, le plus ancien nous propose même une visite des lieux.

Nous découvrons des installations presque neuves. Nous découvrons de grosses turbines en action dans un des bâtiments. Un bruit sourd emplit les lieux. L’eau est captée à partir des 8 stations près de la rivière Nyakijima.

Elle est aspirée par les pompes imposantes et est ensuite refoulée vers le 1er château d’eau qui se trouve à quelques mettre plus loin. C’est à partir de là qu’elle est traitée. Plus loin un autrement appareil y ajoute du chlore. Après traitement, elle est pompée vers le 2ème château qui se trouve dernier le camp Ngozi.

C’est partir de là qu’elle devrait être destinée aux habitants de la ville de Ngozi.  La question est de savoir pourquoi elle n’est pas distribuée alors que toutes ces installations sont prêtes depuis des années. Que s’est-il passé donc ? Une question à 1 million de dollars.

Là où le bât blesse

Nous avons voulu savoir dans quel cadre ce projet d’action d’eau a été exécuté et pourquoi il n’est pas allé jusqu’au bout. Nous nous sommes adressés au responsable de la Regideso chargé de l’eau à Ngozi. Ce dernier n’a pas souhaité nous parler, mais a préféré nous référer à la direction générale de Bujumbura.

Dans la quête de savoir ce qui s’est réellement passé, nous nous sommes adressés au Coordinateur provincial de promotion de la santé à Ngozi. S’il a accepté de nous parler, ce n’était pas pour dénoncer les manquements ou les responsabilités, parce que ce n’est pas dans ses attributions ou compétences, mais plutôt de nous parler du projet en soi.

Le projet LVWATSAN II, puisque c’est de lui dont il s’agit, a été financé par la BAD à hauteur de 87 millions USD, dans le cadre de l’EAC. Il concernait 15 villes de 5 pays de l’EAC : le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie, le Kenya et l’Ouganda.

Du côté burundais, il concernait les villes de Kayanza, Ngozi et Muyinga pour un montant de 22 millions USD. Il devait permettre l’augmentation de l’approvisionnement en eau potable jusqu’à 3 fois dans la ville de Kayanza, 6 fois dans la ville de Ngozi et 5 fois dans la ville de Muyinga.

Pour l’approvisionnement en eau potable (AEP) dans les mêmes villes, le marché a été attribué à l’entreprise SOGEA SATOM, le 14 décembre 2015, pour un délai d’exécution d’une année. Les travaux devaient avoir terminé au 31 décembre 2016.  C’est dans ce cadre que le point de captage de Shango et les châteaux d’eau ont été construits.

A la fin des travaux, ces infrastructures ont été remises à la Regideso, qui devait se charger de la seconde phase du projet, en l’occurrence l’installation du réseau et la distribution de l’eau.

En qualité de maître d’ouvrage, c’est à elle qui devrait rendre des comptes. Pourquoi a-t-elle attendu la mise en demeure du président pour commencer l’installation du réseau de distribution ?

C’est elle qui devrait répondre à cette question. Toujours est-il que d’après les projections de ce projet, les besoins de la ville de Ngozi auraient été couverts jusqu’en 2035, selon notre source.

Le gouverneur de Ngozi a fait une autre précision importante qui explique pourquoi l’eau du projet LVWATSAN n’arrive pas encore dans les robinets et les ménages : « Le réseau de distribution est vétuste. Il date de l’époque du prédisent Bagaza. Il est fait de tuyaux de petit calibre. Il n’a pas suivi l’augmentation de la population et l’extension de la ville. Les travaux de remplacement de ce réseau sont en cours. Ils en sont à 80 %. Nous espérons qu’avec la fin du mois de février, la ville de Ngozi sera entièrement servie ».

Parmi d’autres raisons qui expliquent le retard de l’installation d’un nouveau réseau de distribution, le gouverneur a mentionné le fait que les matériaux nécessaires viennent de loin, sans oublier le fait que différents services comme l’OBUHA, l’ARB et le Regideso, doivent se concerter avant le début des travaux pour savoir qui fait quoi. Il arrive qu’une route doit être coupée. Dans ce cas, il faut s’assurer de l’entité chargée de la remise en état.

Selon les estimations du gouverneur de Ngozi, le taux de desserte en eau de cette province est de 55 %.

Mairie de Bujumbura : les habitants désemparés

Dans certains quartiers de la ville de Bujumbura, la pénurie d’eau est devenue une routine. Les habitants peuvent passer 3 jours voire plus sans eau dans les robinets. Dans certaines localités, l’eau de forage est venue comme une solution, mais son impact reste minime.

En zone Gihosha, il s’y observe un manque d’eau au minimum 3 jours sur 7. Comme tous habitants ne sont pas sur une même ligne, les habitants se rabattent chez les voisins chanceux. Des robinets publics existent, par exemple à la rue communément appelle « Iryo kwa Ntiba » où l’eau est gratuite, mais quelques fois, deux jours passent sans une goutte.

Le contraire se constate en zone Kamenge où il n’y a même pas de régularité dans l’alimentation en eau. Les habitants de cette zone s’approvisionnent chez ceux qui en ont. Très peu d’eau de forages et pas de robinets publics de la Regideso. Ils achètent l’eau par bidon amenée par des conducteurs de taxi-vélos reconvertis en distributeurs d’eau et le prix varie entre 500 et 1.000 BIF.

Au quartier Carama, une semaine peut passer sans eau dans certains coins. De longues files d’attente se remarquent sur les points d’eaux de forage qui sont multiples et à courtes distances.

Au quartier Carama II, il y a 3 robinets publics d’eau de forage à environ 100 m. Le raccordement n’a pas encore été étendu à tous les coins. Pour acheter l’eau, la somme varie entre 500 et 1.500 BIF par bidon de 20l.

A Maramvya, l’eau est disponible 24h/24 dans certains coins comme derrière les industries « La branche d’Azam ». Dans d’autres parties, la pénurie est une réalité. Soit il y a l’achat par bidon soit il y a recours aux eaux des bornes fontaines et des robinets publics.

Une pénurie qui est aussi visible dans le Sud de la capitale économique. Au quartier Musama de la zone Kanyosha, ils peuvent passer entre 5 jours et une semaine sans que l’eau n’apparaisse dans les robinets. Un bidon d’eau potable coûte entre 700 et 1.000 BIF pour ceux qui possèdent des vélos pour les transporter.

Au cas contraire, ils font un recours à des eaux des rivières. « Nous avons peur d’être contaminés par les maladies causées par le manque d’hygiène », confie un habitant désespéré interrogé.

C’est le même constat dans le quartier Nyabugete III. Les ingénieurs en construction se lamentent de cette pénurie : « J’ai marchandé cette maison de la fondation au linteau sans avoir mis le devis d’eau dans le budget et j’ai déjà dépensé 900 mille BIF, ce qui est une grande perte ».

Dans les périphéries de Kinindo, la pénurie d’eau est une évidence. Ils préfèrent utiliser l’eau de la rivière Mugere et des fois, ils vont puiser de l’eau propre dans les collines avec plus d’une heure de trajet. Ceux qui ont des moyens achètent l’eau à boire, d’autres utilisent l’eau des caniveaux pour la construction et l’arrosage des champs surtout de légumes.

Le constat est que, la situation est intenable pour les élèves des établissements à régime d’internat. Au lieu de réviser les cours, ils vont puiser de l’eau, ce qui les perturbe énormément. Ainsi, cette pénurie d’eau quasi permanente n’avantage surtout pas les femmes et filles en rapport avec la propreté.

De plus, les familles dépensent beaucoup d’argent pour acheter l’eau sans alors que la vie devient de plus en plus chère. Les habitants de la ville de Bujumbura rencontrés demandent à l’Etat et à la Regideso de faire une étude approfondie sur les stratégies pouvant permettre une distribution d’eau suffisante dans toutes les localités pour faciliter les activités quotidiennes.

Gitega : l’eau disponible ne couvre qu’un tiers des besoins

Comme dans presque tous centres urbains du pays, la capitale politique vit au rythme des pénuries de l’eau. La Regideso est obligée de rationner les quartiers une fois les 3 jours.

« Nous pouvons passer une semaine sans avoir de l’eau dans nos robinets. En cas de pénurie, nous allons puiser dans des rivières ou bien, nous louons les services des taxi-vélos. Nous avons peur que cette eau soit impropre. Nous n’avons pas d’autres choix », se lamente, Irène Dusengimana, coiffeuse du quartier Magarama dans la ville de Gitega.

Elle fait savoir qu’elle accuse un manque à gagner lorsqu’ il y a des coupures de l’eau de la Regideso. « Vous savez que la vie est difficile, impossible de rester là sans rien faire. Nous nous contentons de ces miettes. » De plus, indique-t-elle, l’hygiène laisse à désirer à cause de cette pénurie. « Les robinets pullulent dans Magarama mais l’eau se fait attendre ».

Pour Léonce Nzoyihiki, la question de l’eau est problématique dans la ville de Gitega. « La ville s’est agrandie ces dernières années, mais la Regideso n’a pas suivi le rythme. Elle doit évoluer avec le temps. Aujourd’hui, c’est impossible que tous les quartiers aient de l’eau en même temps ».

Cet habitant de Gitega craint des maladies des mains sales pouvant surgir. « L’eau, c’est la vie. Passer deux semaines sans eau, cela montre que la situation est gravissime. C’est paradoxal, car la ville de Gitega est la capitale politique. Il faut y mettre beaucoup de moyens pour ne pas écorner l’image de la ville et du pays ».

Cet habitant lance un appel au gouvernement de doter la Regideso des moyens suffisants afin que cette dernière puisse suivre le rythme de l’agrandissement des villes. « Il faut que des sources d’eau soient proportionnelles au nombre d’habitants qui peuplent ces villes. Si le gouvernement n’a pas les moyens, il peut solliciter l’aide de ses partenaires techniques et financiers ou contracter des crédits ».

Les écoles secondaires ne sont pas épargnées par cette situation. Selon le directeur du Lycée Notre Dame de la Sagesse, Abbé Simon Nzigirabarya, son établissement est touché. « Il nous arrive de manquer de l’eau, car la fourniture de la Regideso peut être une fois les trois jours. Fort heureusement, au niveau de notre école, nous avons bénéficié de l’aide de forage des anciens de l’école vivant en Belgique. La difficulté est que les installations de ce forage utilisent de l’énergie solaire. Lorsqu’il n’y a pas de soleil ou s’il y a beaucoup de pluies, la machine ne fonctionne pas et c’est la pénurie d’eau ».

D’après ce directeur, cela a des conséquences néfastes sur le fonctionnement de l’école. « Les élèves sont obligés d’aller puiser de l’eau en utilisant des seaux. Le temps utilisé devait plutôt servir aux élèves de revoir leurs cours et à renforcer leurs capacités intellectuelles ».

Particulièrement, comme nous sommes une école à vocation inclusive, poursuit-il, nous avons des enfants qui vivent avec un handicap. « Quand il faut aller puiser de l’eau, la difficulté qui se pose est que les malvoyants ne parviennent pas à arriver aux endroits où l’eau est puisée. C’est une difficulté majeure du moment que notre école ne dispose pas d’un véhicule capable de nous aider à aller chercher de l’eau afin de satisfaire les besoins qui nécessitent de l’eau en permanence ».  

Annie Princia Niyoncuti, vice-doyenne au Lycée Notre Dame de la Sagesse (Ex-CND), indique que cette pénurie d’eau perturbe tout. « Lorsqu’il y a pénurie d’eau, nous allons puiser de l’eau à la borne fontaine. Tout l’établissement y va. Cela nous prend beaucoup de temps, ce qui a un impact sur nos études ».

D’après cette élève, ils font un trajet de 15 minutes. « Nous y allons à 15 heures et on revient à 18 heures. C’est une grande perte. Nous sommes venus étudier et non pas puiser de l’eau ».

Le gouverneur de la province Gitega, Venant Manirambona, reconnaît ce problème de manque d’eau potable. « Les infrastructures de distribution d’eau ne suivent pas l’accroissement de la population. Nous le voyons dans de nombreux centres urbains. Dans la ville de Gitega, les techniciens avaient estimé, il y a quelques années, que le taux de desserte en eau potable était estimé à moins de 50 % ».

D’après lui, ils se sont mobilisés, suivant les moyens dont disposent le pays, pour remédier à cette situation. « Plusieurs forages ont été réalisés. Mais comme la population s’accroît du jour au jour, l’eau reste insuffisante ».

Venant Manirambona indique qu’il n’y a pas, dans la province de Gitega, beaucoup d’organisations œuvrant dans le secteur de l’eau. « Nous n’avons pas encore des partenaires qui peuvent financer un projet de grande envergure. Ils financent de petits projets d’adduction d’eau en dehors de la ville de Gitega ».

Selon Jean-Claude Manirakiza, directeur de la région centre-est à la Regideso (Gitega, Ruyigi et Cankuzo), l’eau disponible dans la ville de Gitega couvre 1/3 des besoins en eau potable.

« Suite à l’extension de la ville de Gitega, nous sommes obligés de pratiquer le rationnement et les quartiers ont de l’eau une fois les 3 jours. Nous avons un calendrier de distribution. Comme la production est très faible, on favorise les écoles, les hôpitaux, les camps militaires parce que ce sont des endroits de grand rassemblement ».

Selon lui, le changement climatique a également eu un impact, car dans plusieurs endroits, les sources d’eau ont tari. « Pendant la saison sèche, l’eau diminue considérablement ». Jean Claude Manirakiza réfute les allégations de favoritisme dans le rationnement de l’eau. 

D’après M. Manirakiza, la Regideso a des projets à court terme et à long terme afin de combler ce déficit en eau suite à l’extension de la ville de Gitega. « Nous allons multiplier les forages, car 85 % d’eau utilisée dans la ville de Gitega proviennent de ces installations. Il y a un budget prévu pour cela ».

Concernant des projets à long terme, explique-t-il, la Regideso compte commencer le traitement des eaux des rivières environnantes de la ville de Gitega. « Des études sont en cours pour la rivière Ruvubu avec l’aide de la France. C’est le seul projet de grande envergure qui est prévu et qui demande beaucoup de moyens ». D’après lui, le coût d’un forage est évalué à plus de 600 millions de BIF et il y a à peu près 113 bornes fontaines fonctionnelles.

Cibitoke : la province martyrisée.

Le manque criant d’eau potable est devenu le quotidien des habitants de cette province Cibitoke. L’administration provinciale estime à moins d’un tiers la quantité d’eau disponible par rapport à la quantité nécessaire pour répondre aux besoins de la population. Les initiatives de raccordement en eau potable tardent alors que la population alerte sur la gravité de la situation.

Il était 15 h à Rubuye en commune Rugombo, les habitants de ce quartier considèrent les robinets publics comme des épouvantails. Certains sont à sec depuis des mois, voire une année ou même plus.

Pour répondre à leurs besoins en eau, les habitants parcourent des kilomètres pour se rendre dans les marais et dans les ruisseaux à la recherche de l’eau.

Pour les habitants de ce quartier, l’eau qu’ils utilisent provient de la rivière Nyakagunda sur les bordures de laquelle est installé le quartier Karama, Rubuye de la commune Rugombo.

Dans cette rivière, des femmes font la lessive, les autres font la vaisselle. Non loin de là, les enfants nagent, les autres jouent, les chèvres boivent… Les champs de riz surplombent l’autre rive. Cette eau provenant de Nyakagunda est utilisée pour étancher la soif, à faire la cuisine, bref elle satisfait tous les besoins.

« Nous avons des robinets à la maison et nous venons puiser cette eau infectée dans cette rivière. Nous sommes fatigués », martèle Régine, une dame venue faire la vaisselle à la rivière. Ceux qui veulent utiliser l’eau potable doivent payer 500 BIF pour un bidon de 20 l, ce qui est un luxe, que tout le monde ne peut pas se payer.

Comme tout le reste du pays, la ville de Cibitoke s’urbanise à une grande vitesse. Toutefois, la situation est que pour certains nouveaux quartiers de Rugombo et Cibitoke aucune goutte d’eau n’a jamais coulé dans les robinets depuis qu’ils existent.

« Amasogea », une manne tombée du ciel

Dans d’autres localités, comme la colline Binyange, en zone Rukana de la commune Rugombo, le hasard leur a procuré une manne. Il s’agit d’un large et profond fossé qui s’est créé quand la société SOGEA SATOM dynamitait les pierres sur cette colline en vue de la construction de la RN5.  La population environnante témoigne que, de ce fossé, a jailli de l’eau jusqu’à constituer un bassin d’eau stagnante.

A première vue, l’eau de ce bassin est malsaine, verdâtre, mais pour les habitats de la localité, ces eaux qu’ils appellent « Amasogea » sont venues régler le problème d’accès à l’eau. Ils ont trouvé une alternative en lieu et place de se rendre dans les marais puiser de l’eau qu’ils estiment très sale comparée à celle dite « Amasogea », l’eau obtenue grâce à la SOGEA.

Toutefois, ce fossé profond de plus de 20 mètres, selon la population environnante, a endeuillé beaucoup de parents. Les habitants rencontrés sur le lieu font savoir que depuis l’apparition de ce fossé, six enfants y ont été noyés. Ils jettent leur colère sur l’Etat qu’ils jugent démissionnaire face à cette problématique de non-accès à l’eau potable.

Des alternatives de fortune

Suite à ce manque criant de l’eau potable à Cibitoke, les maladies liées au manque d’hygiène font souvent rage dans cette province. Le médecin chef du district sanitaire de Cibitoke, craint le pire une fois que la situation restera telle qu’elle est actuellement.

Pour atténuer les conséquences de cette pénurie d’eau potable, des initiatives privées ont été engagées. Dans les périodes où le choléra a fait des ravages, la plateforme nationale de lutte contre les risques de catastrophes a installé des bladers dans les quartiers les plus touchés.

Lors de notre reportage, nous avons pu constater que la Croix Rouge a continué la campagne. Sur la colline Rubuye, à l’un des endroits où est installé un blader, un camion-citerne de la Croix Rouge le remplit tous les jours sauf les week-ends. 

Les habitants de cette localité nous indiquent qu’ils ont droit à deux bidons de 20 l par jour, mais que cette quantité est insuffisante au vu des besoins. « Elle ne nous sert qu’à boire seulement. Les autres tâches, nous continuons à utiliser l’eau des rivières », s’expriment-ils.

Le gouverneur parle aussi des initiatives de l’ONG, ’’Amazi Water’’, qui a commencé à installer des forages qui fonctionnent à l’énergie électrique ou avec des plaques solaires. Toutefois, il y en a ceux qui ne fonctionnent plus. Un autre souci relevé par les habitants de Cibitoke est que l’eau de ces forages ne serait pas propre.

Un seul captage pour toute la province

Carême Bizoza, gouverneur de la province Cibitoke, affirme qu’au moins 1/3 de l’eau potable dont on a besoin est disponible dans sa province. D’après lui, les parties qui souffrent le plus sont Rugombo, Buganda et les communes situées dans la plaine de l’Imbo. Pour comprendre cette situation, il suffit de se rendre sur la colline Butaramuka de la commune Mugina, là où est implantée la centrale de dispatching des eaux provenant d’un seul captage qui alimente les trois lignes des zones urbaines à savoir : Cibitoke, Rugombo et Ruhwa.

Pour Carême Bizoza, ce point de captage donne entre 20 m3 et 30 m3 par seconde. Mais sur terrain, la réalité est toute autre. Un agent de la Regideso présent sur les lieux, nous explique que pour le moment, le tuyau faisait couler un débit de loin inférieur à 20m3 par seconde.

Il nous montre les deux tanks, un d’une capacité respective de 315 m3 et l’autre de 150 m3. Sur les 10 échelles de graduation du premier, l’eau n’arrive qu’à la deuxième échelle tandis que l’autre tank est vide depuis très longtemps.

C’est cette quantité d’eau à distribuer dans toutes les trois lignes avec une alternance entre le jour et la nuit. Là aussi, il y a des endroits où l’eau n’arrive pas suite à une faible pression de l’eau.

Certains techniciens de la Regideso ne comprennent pas pourquoi, la Regideso n’engagent pas des projets d’adduction en eau potable alors que les montagnes qui surplombent la plaine regorgent d’eau. Ils disent même que certains techniciens ont repéré une source à Nyamashoro qui pourrait donner 39,7 m3 par seconde mais qu’aucune initiative n’a été engagée de la part de la Regideso.

Outre la quantité insuffisante de l’eau provenant dans ce point de captage, les techniciens de la Regideso diront que certaines lignes ont des tuyaux vétustes qui occasionnent des pertes et qui nécessitent un remplacement.

Le gouverneur de Cibitoke fait savoir que le secours attendu proviendrait du projet de l’Union Européenne en cours de négociation. Il fait savoir qu’une fois exécuté, ce projet permettra de satisfaire les besoins en eau potable pour les communes Rugombo et Buganda avec une source dont le débit est de 37,5 m3 par seconde.  Mais il ajoute : « Nous ne sommes pas sûrs à 100% que ce projet sera exécuté ».

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