Une parole utilisée n’importe comment voire une absence de communication peut être fatale pour des sociétés traversées par des conflits comme la nôtre, estime l’abbé Lambert Riyazimana, prêtre du diocèse de Ngozi, chargé entre autres du service de l’information et de la communication. Il sied donc de savoir quel message tenir, à qui et surtout comment pour éviter de retomber dans la violence.
Quelle est l’importance de la communication dans un contexte post-conflit ?
Avant même de parler de contexte de conflit ou de post-conflit, je dois dire que l’homme ne peut pas ne pas communiquer. Sa manière de vivre, la manière de parler avec les autres, la manière de se comporter c’est déjà une communication. Et l’homme, dans sa communication, doit vivre librement, pouvoir exprimer ce qu’il pense, pouvoir vivre comme il l’entend bien entendu sans nuire à autrui. Donc même avant de parler d’un contexte post-conflit, celui qui ne peut pas communiquer, celui qui ne peut pas dire ce qu’il pense, vivre comme il le pense, bien sûr avec ses marges de ne pas nuire à autrui, est un homme qui devient violent parce que ses libertés comme celle fondamentale de pouvoir s’exprimer ne sont pas respectées. Dans un contexte alors post-conflit où les gens aspirent à plus de liberté parce que le conflit par nature ôte aux personnes leur liberté, ils veulent retrouver cette liberté fondamentale. Dans un contexte post-conflit, celui à qui on nie la faculté de communication, devient violent parce que ses libertés sont bafouées, surtout la liberté de communiquer, de s’exprimer et d’établir de bonnes et justes relations avec les autres, avec la création mais aussi avec Dieu.
En quoi l’absence de cette communication est-elle dangereuse dans une société post-conflit ?
L’absence de la communication est très dangereuse. Lorsque des individus ne peuvent pas exprimer ce qu’ils pensent, se comporter et tisser des relations justes avec les autres, la première conséquence est qu’ils cherchent à s’exprimer par tous les moyens possibles y compris la violence. Et lorsqu’on devient violent, nous avons tous ce qui se produit après car nous avons expérimenté les affres de la guerre : les relations sont brisées, la cohésion sociale s’étiole, on va même jusqu’à la confrontation physique et à la guerre. Dans ces conditions, l’on observe des pertes en vies humaines, des destructions d’infrastructures, etc.
Comment alors instaurer un mécanisme de communication ou de dialogue entre les différents groupes déchirés par des conflits ?
Pour instaurer un mécanisme de communication, on fait recours par exemple à la communication non violente c’est-à-dire qu’on doit parler avec intégrité, ne dire que ce que l’on pense réellement, et surtout ne pas utiliser la parole ni contre soi ni pour médire les autres parce que la parole peut détruire ou construire. Ne pas oublier que chaque fois qu’on tombe dans l’échec dans la communication quatre facteurs principaux l’expliquent. Le premier est le mensonge qui peut engendrer chez la victime dudit mensonge un cycle de violence. Le second facteur est une parole dite à un moment inapproprié. Pour quelqu’un qui a perdu ses proches ou ses biens, on ne peut pas lui parler n’importe comment sans considérer la situation qu’il est en train de vivre. Pour un pays comme le nôtre qui sort d’une période de conflit, il fait savoir parler à des moments appropriés parce que les gens ne sont pas dans la même situation, dans les mêmes conditions. Le troisième facteur est le fait de se tromper de cible : dire des choses à des gens inappropriés. Par exemple donner un message au peuple alors qu’il aurait été mieux de le donner aux autorités, ; un message est donné aux responsables des confessions religieuses alors qu’il aurait fallu qu’il soit donné aux policiers, etc. Le dernier facteur est la manière dont le message est donné. On dire des choses vraies mais le dire d’une manière inappropriée en ne considérant pas par exemple le contexte. Donc, chaque fois qu’on dit des choses inexactes, dans des moments inappropriés, à des cibles inappropriées et de manière inappropriée, on peut tomber dans l’échec de communication suivi de cycle de violence car les personnes peuvent se blesser par la parole mais aussi par des actes.