Dans l’écosystème de l’information, Internet et ses réseaux sociaux rompent progressivement l’équilibre de l’univers médiatique. Les uns y voient « une menace à la déontologie journalistique », tandis que les autres admettent que ce canal est « inévitable, à l’ère du numérique »
Le débat revient sur les devants de la scène avec l’arrestation jeudi 03 octobre 2019, du youtubeur surnommé « Landry Promotter ». La Police l’accuse de «publication de contenu offensant et portant atteinte aux bonnes mœurs du Burundi ». Face à cette arrestation, un tollé de commentaires se déchaîne. Les uns le soutiennent: « Il a droit de poster tout ce qu’il veut sur son compte YouTube ». Les autres fustigent son manque de professionnalisme: « On peut poster ce qu’on veut, mais jusqu’à s’inviter chez quelqu’un sans autorisation, là c’est trop ».
Mais qui contrôle qui? Car loin du discours ficelé, de l’information vérifiée et bien documentée, la subjectivité semble régner en maître et le langage utilisé souvent décontracté, trivial, sur les réseaux sociaux incriminés.
L’ampleur d’une presse informelle
Côté statistiques, la toile bat les records. En 2011, 27 millions de contenus étaient partagés sur la toile au quotidien, contre 3,2 milliards d’images aujourd’hui. Par ailleurs, en juillet 2018, sur une population mondiale estimée à 7,6 milliards d’habitants, l’internet en comptait 4,2 milliards d’utilisateurs.
Parmi eux se trouvent 3,3 milliards d’utilisateurs des médias sociaux dits « socionautes » avec un nouveau compte sur les médias sociaux créé toutes les 15 secondes. Au Burundi, selon l’Isteebu, seulement 1,8% de la population utilisait l’internet en 2013.
Aujourd’hui, le chiffre tourne autour de 10%.
Difficile de contrer la montée du journalisme 2.0
« A cette vitesse de pénétration de l’internet dans notre quotidien, il n y’a pas moyen de contrôler les informations relayées sur la toile. D’ailleurs, le Burundi est un pays où l’accès à l’internet est à bon marché et les téléphones Android à la portée d’un bon monde. En un clic, il est facile de porter loin une information, laquelle peut guérir un mal, sauver des vies ou embraser une situation délicate. Le CNC ne peut pas dompter ce phénomène étant donné qu’elle n’arrivait même pas à drainer la masse de l’information diffusée dans le formel », analyse Floribert Nisabwe, journaliste burundais avec sept ans de carrière à son actif.
Alain Horutanga, coordinateur du collectif des blogueurs de Yaga, le rejoint en expliquant qu’il est difficile de verrouiller les réseaux sociaux dans le contexte burundais: « Ce n’est pas parce qu’ils donnent des informations qu’ils doivent être reconnus par le CNC. Le journalisme et le blogging sont différents. Dans le dernier, le blogueur exprime son point de vue. Il n’est pas réglementé par des textes ou lois sur le métier de journalisme. Et face à la direction que prend aujourd’hui le monde, évoluant au rythme des nouvelles technologies d’information et de communication, c’est un phénomène inévitable qui doit plutôt être compris ».
Quant à Isaac, journaliste youtubeur de Buja Hit Tv, il indique que leur chaine YouTube se veut être professionnel : « Pour la diffusion d’une information d’intérêt général, elle doit être toujours vérifiée. Notre média respecte cette valeur incontournable du journalisme et délivre toutes les informations de façon à ne pas choquer l’opinion. »
A la question de savoir si une loi devrait être promulguée pour réglementer ce nouveau type de médias, il fait savoir que ce n’est trop tard pour l’action: « Il faut que cette loi existe. Mais qu’elle ne soit pas là pour limiter la liberté d’expression ».
Un son de cloche que ne partage pas entièrement Athanase Ntiyanogeye, expert en communication: « Dans tous les pays, personne n’a le droit d’enfreindre à la loi. Et en journalisme, reconnu ou non, des pénalités doivent être imposées à quiconque qui se permet des affirmations gratuites ou encore d’attaquer et de proférer des injures ».
Et le débat reste ouvert : qui pour réguler ? La police ? Le CNC ? Et dans quelle mesure ?