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Présidence burundaise de l’EAC, entre introspections et défis

Le Président de la République du Burundi va occuper la présidence de la Communauté Est-Africaine (EAC), six ans après. D’aucuns se demandent l’apport de cette présidence au pays. Quid des opportunités et du repositionnement du Burundi. Jimbere essaye de répondre à ces questions, et à bien d’autres.

1er avril 2022, le numéro un burundais préside à Bujumbura les travaux d’un atelier organisé par le Ministère en charge de l’EAC sur les enjeux liés à la Présidence au Sommet de l’EAC.

Dans son allocution, le Chef de l’Etat Evariste Ndayishimiye appelle à une introspection, une analyse du pas franchi dans l’intégration, de défis et perspectives après 15 ans d’adhésion à cette communauté. « Pour que cette intégration soit plus bénéfique pour le Burundi, des questions méritent une attention particulière et une grande réflexion comme l’harmonisation des lois en matière d’investissement, des stratégies nécessaires d’exportations… », martèle le Président Ndayishimiye

Que gagne le Burundi par repositionnement à la tête de l’EAC ?

Six ans après, les Burundais se demandent ce que cette présidence va leur apporter concrètement. Interrogé par notre rédaction, Faustin Ndikumana, président de l’organisation « Parole et Actions pour le Réveil des Consciences et l’Evolution des Mentalités » PARCEM en sigle, a répondu que le fait que le Burundi préside actuellement l’EAC n’apportera aucun avantage particulier sinon celui du prestige : « Il faut y voir plutôt la réapparition du Burundi sur la scène internationale, dans le concert des nations, une visibilité diplomatique. »

Et pour cause, explique Ndikumana, le Burundi venait de passer une certaine période sous le coup des sanctions et l’isolement diplomatique. Présider donc aux destinées de l’EAC est une démonstration du retour du Gouvernement du Burundi et du pays sur la scène internationale. Il faut voir cette présidence, rappelle Ndikumana, dans le même cadre que la participation du Président burundais aux Sommets de l’Union Européenne, de l’Union Africaine ou à la dernière Session de l’Assemblée Générale des Nations-Unies, et d’inviter plutôt les conseillers techniques de cette présidence et ceux du ministère en charge de l’EAC de faire tout leur possible pour que le Burundi s’acquitte de cette mission de façon honorable.

Même son de cloche de la part de Christian Nibasumba, représentant pays de Trade Mark East Africa- TMEA au Burundi, qui rappelle que la présidence de l’EAC est en principe une présidence tournante d’une année au sein de tous les pays membres de la communauté : « Présider l’EAC implique principalement diriger (to chair) toutes les principales réunions techniques et sectorielles et jouer le rôle de leader. » En l’occurrence, confie-t-il, le Ministre en charge de l’EAC et Secrétaire Permanent EAC dirige les Conseils des Ministres et le Comité de Coordination.

Quid des arriérées de cotisation et leur épuration ?

Concernant la question des arriérées des cotisations qui pendait au nez du Gouvernement du Burundi pendant de longues années, Rosette Irambona, porte-parole du Ministère en Charge de l’EAC affirme que les cotisations sont payées régulièrement : « C’est pourquoi vous n’entendez plus parler de cette question. » Propos corroborés par Faustin Ndikumana qui estime que le fait de permettre au Burundi de présider actuellement aux destinées de cette communauté, laisser présager que, dans une moindre mesure, que le pays a honoré ses engagements y compris le versement des cotisations.

Pourquoi cotiser la même somme alors que les pays membres n’ont pas le même poids économique ?

Pour rappel, l’article 132 (en son alinéa 4) du Traité d’établissement de l’EAC stipule que les ressources du budget proviennent des contributions annuelles, d’un montant égal, des États membres, de donations régionales et internationales ainsi que d’autres sources qui peuvent être identifiées par le Conseil. « Le Sommet peut suspendre un État membre qui ne respecte pas les principes fondamentaux et les objectifs du Traité », y compris les obligations financières vis-à-vis de la Communauté pendant une période de dix-huit (18) mois, dispose l’article 146 du même Traité.

A la question de savoir pourquoi les pays cotisent le même montant alors qu’ils n’ont pas le même poids économique, une source au ministère en charge de l’EAC, répond qu’il s’agit d’un engagement de tout pays qui veut adhérer à l’EAC : « Ces pays se sont engagés à verser une même somme telle que pratiquée dans toute autre association. Aucun pays ne doit donc pas cotiser moins qu’un autre car il s’agit d’une association sous régionale des pays et non une organisation internationale regroupant des pays développés, très riches et les autres très pauvres. » Même s’il y a des différences au niveau économique, poursuit notre source, dans une organisation telle que l’EAC, les cotisations doivent être égales et il appartient à chaque pays de s’en acquitter régulièrement.

Opportunités liées à l’intégration à l’EAC

Quant aux opportunités que le Burundi doit tirer de l’EAC, notre source explique qu’il y a eu perturbation. D’abord au niveau du mouvement des biens et services. Suite aux tensions qui ont subsisté entre différents pays, le mouvement des biens et services n’a pas été dynamique pour que les pays puissent en tirer profit. Il y a eu ensuite des réticences par exemple chez certains pays immenses comme la Tanzanie par rapport aux mouvements des personnes provenant du Burundi et du Rwanda : « La Tanzanie a toujours eu des réticences par rapport à l’installation définitive sur son sol des populations burundaise et rwandaise car elle estime que ces deux pays ont une surpopulation explosive. »

Accès aux opportunités et positionnement du Burundi

Faustin Ndikumana, président de la Parcem, constate que les infrastructures (financées par les bailleurs de fonds) comme les routes devrait relier les pays qui n’ont pas encore connu un mouvement vraiment visible, les chemins de fer, ou les oléoducs pour desservir l’EAC en carburant, n’ont pas été mis en place : « A un certain moment, nous avons même assisté à une intégration à deux vitesses où l’Ouganda, le Kenya et le Rwanda concluaient des partenariats en l’absence de la Tanzanie et du Burundi. »

Au niveau du commerce, précise Ndikumana, le Burundi en adhérant à l’EAC qui est un immense marché ouvert, a plus augmenté les importations que les exportations. Il est devenu plus acheteur des produits de l’EAC que vendeur de ses produits locaux : « Cela est un réel problème car en adhérant, il faut savoir augmenter le volume des échanges mais aussi augmenter les exportations pour concrétiser les bienfaits de l’élargissement du marché au niveau des activités des entreprises locales sinon nous serons voués à n’être que des consommateurs. »

Même son de cloche chez le Burundais lambda. Christophe Ndagije, un commerçant au marché de Kamenge dit le Burundi n’exporte pratiquement rien chez nos voisins de l’EAC : « Même lorsque nous le faisons pour les fruits par exemple, ces mêmes produits une fois transformés en produits finis nous reviennent chers à l’importation. » Pour lui, tant qu’il n’y aura pas d’entités locales de transformation des produits agricoles, le Burundi ne sera considéré que comme consommateur dans cette communauté.

Concernant le faible effectif des Burundais au sein du personnel de l’EAC, Albert Shingiro, Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération au Développement, a évoqué, le 11 janvier 2022 à l’Assemblée Nationale, en marge de l’adoption du protocole sur les privilèges et immunités de l’EAC, les barrières liées à la langue comme l’une des explications de ce faible personnel burundais au sein des instances de l’EAC à côté de l’adhésion tardive du Burundi à cette communauté après le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie.

L’EAC, dont le siège se trouve à Arusha, en Tanzanie, compte désormais sept membres : Burundi, Kenya, Rwanda, Tanzanie, Soudan du Sud, Ouganda et RDC. Les objectifs de cette Communauté sont les suivants : La coopération économique régionale centrée sur les personnes et fondée sur l’économie de marché ; La création d’un environnement approprié ; Le développement des politiques favorables et des infrastructures de base.

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