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Pénurie des devises dans le pays : comment y remédier ?

Le Burundi fait face ces dernières années à un manque criant de devises mettant à mal l’économie nationale dans son ensemble. Avec la dépréciation de la monnaie locale, la stabilité économique est ébranlée. L’heure est à la recherche des solutions…

Les récentes mesures de la BRB semblent annoncer les nouvelles couleurs pour une nouvelle économie du Burundi, soutiennent plusieurs économistes. En embargo depuis 2 ans, les bureaux de change vont enfin rouvrir. La banque centrale a levé la mesure portant retrait d’agrément des bureaux de change sur tout le territoire national. Plus besoin de se cacher pour des services de change de la monnaie, jubilent certains cambistes qui jusqu’ici travaillaient clandestinement.

L’autre bonne nouvelle : les fonds reçus des transferts instantanés internationaux ne sont plus soumis au règlement en monnaie locale. Les bénéficiaires de ces fonds peuvent désormais les percevoir en devises. C’est un ouf de soulagement. Nadine (40 ans), une commerçante rencontrée en plein centre-ville de Bujumbura indique que désormais elle n’aurait plus à convertir l’argent reçu en monnaie locale sur le taux de la BRB qu’elle juge « trop bas » par rapport au taux sur le marché parallèle.

Pour Jean Prosper Niyoboke, Professeur à l’Université, la BRB amorce de nouvelles perspectives pour l’économie nationale. Cependant, souligne cet économiste, les bureaux de change sont des partenaires incontournables pour alimenter le marché en devises dans le pays. « Si les bureaux de change agissent dans le respect de la réglementation de la banque centrale, cela crée un flux de devises ce qui facilite l’activité économique ».

La spéculation en question

En outre, poursuit-il, avec cette mesure de la BRB, les acteurs économiques vont pouvoir exercer leurs activités sans toutefois être confrontés au manque de devises : « L’écart entre le taux de la BRB et le taux réel a affecté l’activité économique de différents acteurs. Sans un autre recours, ils devraient se soumettre ou bien effectuer des changes sur le marché noir, ce qui n’avantage pas la BRB et donc le pays. Avec des multiples spéculations sur le marché noir, la BRB ne pouvait plus alimenter ses stocks en devises. »

Jean Prosper Niyoboke salue également la levée des restrictions sur les conditions des transferts instantanés internationaux. Pour lui, cela facilitera en grande partie le rapatriement de devises, ce qui va alimenter le marché de devises dans le pays.

Même si la BRB a arrêté des mesures qui permettent de libéraliser le marché des devises, le problème de spéculations sur les devises restent une embuche pour l’économie. A en croire les propos du Président de la République lors du 1er forum national du secteur privé ce 2 novembre, il existe des systèmes de fraude de devises qui sapent l’économie Burundaise.

Le Chef de l’État Evariste Ndayishimiye a fait savoir que certains opérateurs économiques qui bénéficient des devises pour importer des produits, spéculent sur la quantité à importer : « J’ai trouvé qu’ici nous n’avons pas de vrais cambistes. On vous donne des devises pour importer et vous importez moins de 50% et le reste vous le ramenez dans les sacs…Nous allons bientôt prendre des mesures pour décourager toutes ses fraudes. »

Par-dessus le marché, le numéro Un Burundais a indiqué que désormais les projets orientés vers l’exportation vont bénéficier en priorités les allocations en devises. « Cela va permettre d’importer des équipements de production permettant ainsi la croissance, en plus de produits stratégiques. »

Diversifier les produits d’exportation, une solution palliative au manque de devises

Selon Prosper Niyoboke, le pays a tant besoin de devises afin de relancer l’activité économique. Pour ce, poursuit-t-il, les acteurs économiques surtout du secteur privé doit travailler dans le souci de satisfaire le marché local et extérieur. « Les produits d’exportation doivent également être diversifiés pour faire rentrer des devises. Le pays ne devrait pas se borner sur l’exportation du thé, du café ou des minerais. Les acteurs devraient également penser à exploiter d’autres potentialités comme la filière légumes, la fruiticulture ainsi que la promotion de l’élevage intensif. Les secteurs tertiaires comme le tourisme doit être redynamisé en aménageant les lieux touristiques afin d’attirer les touristes », ajoute-t-il. Et de renchérir : « Même si le pays a besoin des aides au développement pour se procurer de devises, les exportations favorisent beaucoup plus l’entrée de devises dans le pays parce que ces aides n’existent pas d’une façon permanente. »

Dans cet optique même, Prosper Niyoboke souligne aussi une nécessite de la professionnalisation du secteur privé et de la conscientisation des acteurs sur le développement des secteurs plus productifs. Et d’insister : « La formation professionnelle doit être orientée vers la création d’emplois afin de réduire le taux de chômage élevé. Les lauréats des universités devraient être outillés des compétences qui leur permettent d’être compétitifs sur le marché du travail. »

Assainir le climat des affaires, une priorité

Pour Jean Prosper Niyoboke, le gouvernement devrait faire en sorte que les investisseurs soient protégés dans l’exercice de leurs fonctions. En outre, le climat politique et sécuritaire devrait être rassurant pour attirer les investisseurs étrangers qui désirent investir dans le pays. « Ces investisseurs constituent une autre partie des acteurs qui influencent le marché de change dans le pays. Leurs investissements en termes de devises contribuent aussi dans le développement de différents secteurs ».

D’autre part, ajoute cet économiste, le gouvernement devrait mettre en place ses priorités pour son développement afin de favoriser la diaspora burundaise à s’aligner dans les secteurs prioritaires du pays. « Le gouvernement doit présenter des projets et des programmes avec une maquette qui montre les stratégies de gestion des risques, et qui montre que le pays est sur les bons rails de développement. C’est ce qui ferait que la diaspora puisse s’associer à ses projets ».

Abondant dans le même sens, Denis Nshimirimana, secrétaire général de la Chambre Fédérale de commerce et de l’industrie du Burundi (CFCIB), lors du 1er forum national du secteur privé, souligne l’absence d’une autorité de régulation de la concurrence et le centre d’arbitrage : « Beaucoup d’investisseurs se plaignent de l’absence d’un cadre de médiation. Celui-ci permettrait de régler de différends par médiation sans recourir aux interminables procédures judiciaires. Les investisseurs surtout étrangers doivent être rassurés quant à la sécurité de leurs investissements. »

Concernant le secteur industriel, Denis Nshimirimana a recommandé l’aménagement des zones industrielles dans différents centres urbains pour accueillir les grandes usines. « Il faut, à cet effet que, le gouvernement puisse déclarer à temps ces zones d’utilité publique pour qu’elles ne soient pas occupées anarchiquement », insiste-t-il.

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