En cette période des fêtes de fin d’année, il s’observe une flambée des prix alimentaires sur le marché. Ceci met à mal les ménages car leurs revenus stagnent. La Banque centrale tente quelques remèdes mais des économistes penchent entres autres pour un investissement massif dans l’agriculture…
En comparant des prix des produits alimentaires de décembre 2021 et ceux de décembre 2022 (prix par kilo), le constat est sans équivoque : les prix ont doublé ou presque. A titre illustratif, le haricot jaune est passé de 1500 à 3000 Fbu, le maïs de 1000 à 2000 Fbu, le riz tanzanien de 2800 à 5000 Fbu, le riz local s’achète de 2000 à 3700 Fbu, le petit pois passe de 2000 à 3200 Fbu, la viande passe de 10.000 à 14.000 Fbu, et la liste n’est pas exhaustive.
Par conséquent, les ménages sont durement touchés par cette montée des prix car toutes ces denrées occupent une place de choix dans le panier de la ménagère des burundais. En outre, cette situation est aggravée par la stagnation des salaires. En effet, les revenus de la plupart des burundais n’ont pas changé.
???? En 1 mois, le kg de manioc sec est passé de 800 à 1.100 Fbu au marché de @RuyigiProvince. Les vendeurs expliquent cette hausse de prix par la cherté d’autres denrées alimentaires qui pouvaient suppléer la farine du manioc https://t.co/pcEnX5fRVH#Burundi pic.twitter.com/jpdCy9nExr
— Jimbere (@MagazineJimbere) November 6, 2022
Des facteurs exogènes comme explication
L’universitaire Leonidas Ndayizeye tente d’expliquer les causes profondes de cette flambée des prix. Selon lui, le monde vient de subir deux chocs importants : le covid-19 et la guerre d’Ukraine. A peine le premier maitrisé, le second est venu toucher deux importantes économies :la Russie et l’Ukraine. Ces deux pays ont beaucoup investi dans la production agricole. M. Ndayizeye explique qu’ils constituent le grenier du monde pour le blé et le maïs, mais aussi pour beaucoup d’autres produits agricoles : « Il n’est pas étonnant que les marchés internationaux aient surréagi à cette crise. Etant donné que plus rien ou presque ne sorte d’Ukraine depuis le début de cette crise. »
D’un autre côté, la Russie joue un rôle important sur les marchés de l’énergie. Elle est parmi les premiers exportateurs mondiaux d’hydrocarbures. Ses exportations représentent respectivement environ 11 % et 9 % des importations mondiales de pétrole et de gaz. Au 15 mars 2022, le FMI montrait déjà qu’avec ce conflit, les prix de l’énergie, des céréales et des métaux ont bondi, ce qui devait annoncer une augmentation imminente des taux d’inflation, touchant notamment les produits agricoles.
Pour le cas du Burundi, explique l’économiste, même si les importations directes de Russie et d’Ukraine sont négligeables, il importe des pays qui, à leur tour importe essentiellement et directement de la Russie ou de l’Ukraine : « Par exemple, plus 95% de l’huile de tournesol réexportée vers le Burundi (et le Rwanda) provient d’Egypte qui importe directement 100% de son huile de tournesol de Russie et d’Ukraine. » Et de poursuivre : « Aujourd’hui, nous remarquons que les prix de l’essence continuent à augmenter. C’est ce que nous ressentons au Burundi, avec non seulement une augmentation des prix mais aussi et surtout une pénurie des produits pétroliers. Ces pénuries, conjuguées aux prix élevés du carburant qui en résultent ont absolument comme conséquence la hausse des prix des autres produits, y compris les produits locaux. »
???? En se basant sur les données fournies par @tEconomics, ce graphique montre l’alarmante hausse de l’#inflation dans près de la moitié des pays de la planète. Cause: la montée des prix de l’#énergie/#transport
— Jimbere (@MagazineJimbere) December 8, 2022
???? Au #Burundi, elle était de 20,9% en septembre 2022 selon la BRB pic.twitter.com/RHkkNjmTnJ
Augmenter la production et espérer la fin de la guerre en Ukraine
S’exprimant à ce sujet, Dieudonné Murengerantwari, gouverneur de la BRB précise que cette institution suit quotidiennement l’évolution de la stabilité des prix afin d’anticiper et de prendre des mesures appropriées. D’où sa récente réforme portant sur les marchés monétaires et celui de change. Les premières mesures ont été annoncées en date du 7 octobre 2022 lorsque la Banque Centrale a levé les restrictions sur les transferts instantanés en devise et la mesure de retrait d’agrément de bureau de change. Un mois après, les transferts en provenance de l’étranger ont augmenté de 115% et le niveau de transferts instantanés en devise s’est accru de 529%.
Face à cette situation de la flambée des prix des produits alimentaires, l’expert en économie Léonce Ndikumana déplore qu’à court terme, le gouvernement compte activer des outils de politique monétaire et fiscale pour maitriser l’inflation. Il suggère qu’il faudrait plutôt augmenter la production pour diminuer le taux d’inflation dérivant du décalage entre l’offre et la demande et aussi prier pour que la guerre Russo-Ukrainienne termine puisque tout le monde en souffre. « Tant que la guerre en Ukraine continue, les prix restent au-dessus de la tendance normale », a-t-il indiqué dans un entretien de la BNP T.V.
✍️ Selon le #FMI, depuis le début de l’#UkraineRussiaWar, les prix de l’énergie, des céréales et des métaux ont bondi
— Jimbere (@MagazineJimbere) April 12, 2022
???? Pr Léonidas Ndayizeye: « Une inflation mondiale va suivre, le comble pour les économies africaines, c’est l’absence de planification pour anticiper. »#Burundi pic.twitter.com/29oI1Ftyu6
Le dégel des annales, l’autre solution possible
Léonidas Ndayizeye abonde dans le même sens. Pour lui, le gouvernement devrait, d’un côté, investir massivement dans la production agricole pour une autosatisfaction quasi-complète en denrées alimentaires, à moyen et surtout à long terme : « Cela permettrait de dégager des ressources en devises pour importer d’autres produits. » Le pays étant confronté à une pénurie des devises alors qu’il est importateur net, les autorités devraient, de l’autre côté, renforcer les liens de coopération avec des partenaires, classiques et nouveaux, afin de trouver ces devises et ainsi pouvoir alimenter le marché en produits de première nécessité et à des prix raisonnables.
Nous avons décidé de publier sur une fréquence mensuelle les points forts de l’ #inflation au #Burundi.
— Banque de la République du Burundi (@BankiNkuru) December 29, 2022
Ainsi, pour commencer en voici les points phares pour ces trois derniers mois comparés aux mêmes mois de 2021: pic.twitter.com/rKWElsP8XA
Par ailleurs, recommande M. Ndayizeye, l’Etat devrait passer au dégel des annales et autres primes pour les agents publics voire de les dynamiser : « Cela constitue une clé fondamentale pour relancer l’économie nationale, c’est-à-dire la production et la consommation. » A y regarder de très près, fait-il remarquer, les taux de croissance de l’économie sont restés très faibles depuis le gel de ces annales. La raison est simple : la demande a fortement baissé à la suite de l’augmentation du niveau de la pauvreté dans le pays et, en conséquence, la production a aussi chuté. « Ce gel a exposé les ménages burundais à de faibles capacités de résilience et le moindre choc affectant leurs moyens d’existence et d’autres facteurs de production réduit automatiquement leur accès aux biens aliments et exacerbe leur insécurité alimentaire », conclut -t-il.
Produits | Prix d’un Kg (Fbu)/Mois de Décembre 2021 | Prix d’un Kg (Fbu) /Mois de Décembre 2022 |
Haricot (Kinure) | 1300 | 2500 |
Haricot (Jaune) | 1500 | 3000 |
Haricot (Kirundo) | 1000 | 2300 |
Viande | 10000 | 13000 |
Maïs | 1000 | 2100 |
Riz Tanzanien | 3000 | 5000 |
Riz local | 2000 | 3700 |
Petit poids | 2000 | 3200 |