Etant naturel, la colère permet entre autres de nous protéger et d’ériger une barrière face aux situations qui nous dépassent. Toutefois, prévient Divine Nininahazwe, socio anthropologue et expert en Genre et Développement, lorsqu’elle est érigée en mode d’expression et de gouvernance au quotidien, elle devient un frein à une société juste et prospère.
Quels sont les caractéristiques d’un discours colérique ?
Un discours colérique est caractérisé par des menaces et intimidations. C’est un discours qui suscite la peur. L’auteur monopolise la parole et ses interlocuteurs n’ont pas la possibilité de lui répondre ou réagir. Pour calmer la situation, ils préfèrent faire profil bas. C’est un discours qui n’est pas du tout tolérant, il n’est pas pacifiste. Il n’y a pas de possibilité de promouvoir le débat et l’interaction. L’auteur affirme son autorité sur la foule. C’est également un manque de capacité d’écoute.
Qu’est ce qui poussent les leaders d’opinion à utiliser un discours colérique ?
Les leaders d’opinion s’emportent souvent pour montrer leurs forces et autorités. C’est pour montrer qu’ils sont puissants par rapport à leurs subalternes, c’est-à-dire que les autres doivent se soumettre sans, parfois, droit de parole. Et pourtant, un leader n’a pas toujours raison. Il peut avoir tort et si les autres s’expriment, cela peut l’aider ou le pousser à changer de méthodes ou de décisions. Les différentes interactions dans le calme promeuvent la compréhension mutuelle, ce qui est impossible lorsque le discours est colérique.
Dans un contexte post-conflit, ces discours peuvent-ils fragiliser la communauté ?
Dans un contexte post-conflit, ce discours peut engendrer des conséquences fâcheuses. Et pour cause, certains membres des groupes sociaux peuvent constater qu’ils ne sont pas écoutés et n’ont pas le droit de s’exprimer. C’est un discours qui peut dissiper tout effort de réconciliation car en principe, c’est l’écoute et la compréhension qui sont vecteurs de la cohésion sociale. Un discours colérique est également un obstacle au vivre ensemble, la communauté est fragilisée et par là le développement intégral n’est pas possible.
Si ces discours sont déjà une réalité, comment peut-on les déconstruire ?
C’est très simple. Chaque leader ou individu qui a la chance de s’adresser aux gens doit le faire avec calme. Il faut ouvrir le débat. Les interactions dans un climat pacifique permettent de bâtir une société juste et prospère. Il est donc indispensable de promouvoir l’écoute et le rapprochement afin de développer notre société. Seul un discours pacifiste, unificateur, tolérant peut changer le monde.
