La narration des faits historiques, au-delà de son contenu de vérité, peut être utilisée pour unir ou diviser la communauté. Pour ce second scenario, les habitants de Kabarore en province Kayanza se disent unis contre toute forme de manipulation. Récit.
Benoît Coyitungiye (44 ans) n’y va par quatre chemins, la narration des faits historiques accompagnée de manipulation ont mis à mal la cohésion sociale sur la colline Jene: « Des accusations de crimes de sang ou économiques ont été portées contre certaines familles, leurs accusateurs les traitant des bourreaux tout simplement parce qu’ils appartiennent à un groupe ethnique donné. »
Le plus grave, indique M. Coyitungiye, c’est que ce discours est véhiculé par certains leaders politiques ou des membres de l’administration qui n’hésitent pas à appeler à la haine, espérant tirer profit de la division de toute une communauté : « Cette situation crée la méfiance, introduit des suspicions avec un grand risque de voir le pays sombrer dans la violence généralisée. »
Geneviève Iradukunda (25 ans) habitant la même colline partage cette lecture. Certes, elle dit n’avoir jamais entendu véhiculer des propos haineux basés sur le passé douloureux, mais affirme avoir entendu dès son jeune âge une narration historique des faits violents : « Nos proches évoquent souvent les massacres de 1972, 1988 et 1993. Et chaque fois que j’entends ces récits, je me sens mal et je crains la violence qui pourrait surgir à cause de l’instrumentalisation de ces faits lorsque ces récits s’accompagnent des accusations entre membres de différents groupes. »
Et d’appeler les uns et les autres à s’abstenir de tout acte de méfiance, de soupçons et de violence. « Nous devons dénoncer tous les extrémistes om qu’ils soient et quelle que soit leur nature afin de vivre dans la paix et l’harmonie. ».
Même son de cloche du côté de l’administration communale. Josias Nsabimana, Secrétaire exécutif permanent de la commune Kabarore, dément l’existence des gens qui s’appuient sur les événements douloureux du passé pour semer la zizanie entre des membres de différents groupes actuellement.
Toutefois, concède-t-il, ces gens ont existé et ce genre de discours est souvent véhiculé à l’approche des élections où certains propagent des discours qui visent à dresser les gens les uns contre les autres mais le phénomène s’estompe dès la fin du scrutin : « Ces messages sont utilisés pour attendre un intérêt électoraliste. Après les élections, la situation devient normale ».
Pour contrer ces messages, confie M. Nsabimana, des réunions et des travaux communautaires sont organisés pour sensibiliser la population : « Nous y prônons la retenue et la préservation en mettant en garde la population contre toute forme de manipulation. »
Quant au sort des auteurs de ce narratif divisionniste, une fois identifiés, des enquêtes sont ouvertes à leur encontre et les coupables punis. S’ils persistent, leur cas sont portés devant les juridictions compétentes pour des mesures plus sévères.