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Université du Burundi: douce rivalité entre « Poilissimes » et « Néants »

Les relations entre étudiants des institutions de l’enseignement supérieure publique et celles du privé sont fortement marquées par des stéréotypes et une kyrielle d’idées reçues. Jimbere vous fait découvrir ce qui se cache derrière cette guéguerre de clichés …

A les (étudiants de l’Université du Burundi) entendre parler, il y a tout un monde vertueux, et propre à eux. Leur appellation, les « Poilissimes », désigne des guides censés orienter les « ignorants » vers la lumière du savoir. Et comment les reconnaître ? La plupart ont le verbe compliqué, mais fiers comme des paons et ne se gênent pas pour le faire savoir. 

Ce n’est pas Armelle qui dirait le contraire. A la question de savoir ce qu’elle pense d’eux, l’étudiante dans le privé à l’Université du Lac Tanganyika, répond du tac au tac. Avec une spontanéité propre à elle, sa réplique sonne comme une évidence : « A la première vue, on les reconnaît sans problème. Ils sont tous vêtus à la pentecôtiste, et quand on leur parle, ils ont tendance à prouver qu’ils sont intelligents. »

Jean Claude de l’Université du Burundi, n’a pas non plus la langue douce au sujet des étudiants enrôlés dans le privé. Pour lui, « c’est clair que ceux qui vont dans ces universités fuient la rigueur et y cherchent des points faciles ».

Ce genre de préjugés a le vent en poupe dans le monde estudiantin burundais. Entre universités privées d’un côté et celles publiques de l’autre, une image d’Épinal se dresse sous des traits pas toujours plaisants.

L’odyssée d’une identité « Poilissime »

L’Université du Burundi a pendant longtemps été la seule institution d’enseignement supérieur du pays. Un temps suffisant pour se forger une identité. « Nous nous considérions comme des petits rois, se souvient Théodomire Minyurano de passage dans les années quatre-vingt. A la fin de son cursus, l’étudiant avait l’embarras du choix entre les pourvoyeurs d’emplois qui se présentaient à lui. Il n’y avait pas plus grand et plus noble qu’un étudiant de notre université. »

Cette idée n’a fait qu’évoluer avec le temps, les rites d’intégration jouant le rôle de ferment. Dans ces cérémonies les bizuths (les néants ou les novices) devaient reprendre en chœur qu’il n y’a qu’une et une seule université au Burundi, que le « Poilissime » est immortel, et bien d’autres louanges à l’endroit de Rumuri.

Et les universités privées vinrent …

La décennie quatre-vingt-dix a sonné le glas de l’hégémonie des universités publiques dans l’univers académique burundais. Elles ont en premier lieu, ils ont conquis la capitale Bujumbura, ensuite les provinces de l’intérieur du pays.

 À partir de ce moment, le « Poilissime » n’était plus le synonyme absolu de l’« étudiant vertueux », une situation qui ne l’a pas laissé indifférent, comme l’observe Dr Désiré Manirakiza, sociologue et enseignant à l’Université du Burundi : « Le contexte sociohistorique d’émergence et de développement des universités privées explique en partie la considération négative et biaisée que les étudiants de l’unique université de l’État (jadis) ont à l’égard de ceux des institutions privées. Le fait que ces dernières ont accepté de recevoir même ceux qui n’avaient pas reçu la note exigée pour fréquenter l’Université du Burundi explique pourquoi le sens commun a à tort pensé qu’elles sont des lieux de médiocrité », une parmi tant d’autres clichés que cet universitaire qualifie d’infondée et évoque également « un leadership académique doublé d’une jalousie mal assumée ».

Une réalité qui n’est pas proche de s’estomper étant donné que, loin d’essuyer impassibles les clichés dont ils font l’objet, les étudiants du privé ne se gênent point à rendre la pareille …

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