Unique fille dans sa classe de 4ème mécanique au Centre de Formation professionnelle de Gitega, Estella Ndayishimiye donne une place insignifiante aux tabous sur les activités cautionnées par genre. Pour elle, c’est la mécanique ou rien.
Elle est fière qu’on l’interviewe. Plutôt, fière de ce qu’elle est, et d’en parler. Dans sa tenue de travail, une salopette bleue, presque neuve, Estella n’est pas ce genre de fille dont le principe primant est la propreté, et tout le temps le style. Pour elle, la priorisation et le choix de sa carrière au jeune âge est la clé de la réussite.
Originaire de Kayanza, commune Gahombo au nord du Burundi, la jeune demoiselle, 19 ans révolus, n’a pas hésité une seconde à quitter son toit familial et rejoindre Gitega, au centre du pays, dans un seul but: étudier et décrocher un bon diplôme en mécanique automobile. En effet, Estella débute avec les formations professionnelles dans sa commune natales, Gahombo: «Chez nous, il y’avait un centre de formation professionnelle, mais juste pour deux ans. Ayant terminé avec succès ces deux années, je devais chercher où continuer mon cursus, d’où le choix de Gitega.»
Des débuts difficiles
Issue d’une famille paysanne, Estella n’a pas été comprise, dès ses confidences pour son attachement à la mécanique: «Kuja munsi y’imodoka nyene? Umukobwa? (Une fille? Sous les roues d’une voiture? ndlr): s’étonnait affreusement sa mère, en s’opposant catégoriquement au projet de sa fille. Mais Estella ne va pas pour autant lâcher prise. Elle mettra toute son énergie à expliquer à sa famille et à son entourage l’intérêt de faire des métiers, et l’avantage pour une fille d’en pratiquer. «Je devais leur faire entendre que je dois sortir du lot, et servir d’exemple pour d’autres filles. Je citais incessamment le cas de Francine Niyonsaba qui est actuellement une icône nationale, alors qu’elle vient de loin, de très loin.» Finalement, sa requête sera considérée. Elle va embrasser la mécanique, étant la toute première fille à s’y aventurer. «Gênée, oui. A mes débuts. J’avais un peu peur de me familiariser avec les garçons. Mais puisque je n’avais pas d’autres solutions que d’entrer dans la famille de la classe, j’ai fini par m’y intégrer petit à petit, et ils m’ont accueillie à bras ouverts, telle leur sœur.» Cette ambiance collégiale, Estella va la porter même à Gitega, dans son dernier cycle de formation. Etant actuellement dans la classe terminale, Estella rêve de détenir un garage de renom, et léguer son métier à sa progéniture.