Le 18 septembre 2019 se tenait à Bujumbura, grâce au financement de la Coopération française, un atelier sur « L’accès à l’éducation pour les personnes en situation d’handicap au Burundi ». Les intervenants ont salué les avancées réalisées depuis une dizaine d’années, même si l’environnement matériel reste largement en défaveur des handicapés
D’abord le topo. Gilbert Bizimungu, du Réseau des Centres pour Personnes Handicapées au Burundi (RCPHB) rappelle que « pour mesurer l’effort à fournir pour une éducation inclusive effective [c’est à dire tenant en compte les personnes en situation d’handicap], il faut savoir que sur chaque colline de recensement au Burundi, il y a au moins une école, construite souvent par les parents eux-mêmes, mais sans infrastructures adaptées aux handicapés ».
Devant l’impossibilité matérielle de revoir la construction de milliers d’établissements à travers le pays pour les doter d’infrastructures facilitant l’accueil des personnes handicapées, un Centre de référence en éducation inclusive à Kigobe a ouvert en juin dernier grâce au soutien de l’UNICEF, en plus de 22 « écoles satellites » dans le pays, qui offrent des facilités pour les handicapés.
Du côté des enseignants, 126 ont reçu une formation spécifique en matière d’éducation inclusive, alors que la ligne budgétaire y allouée passait de 47 millions Fbu en 2018, à 170 millions Fbu en 2019.
Ces chiffres, donnés par Ruben Karorero en charge de la cellule « Education Inclusive » au sein du ministère en charge de l’Education témoignent d’une prise en compte croissante des pouvoirs publics des défis auxquels sont confrontés les personnes vivant avec handicap, dès l’enfance.
« L’éducation des jeunes mal-voyants, infirmes, sourds ou muets n’est plus une affaire de quelques écoles tenues par les religieux, mais un engagement national », se félicitera Gilbert Bizimungu.
La question de l’insertion professionnelle
Si tous les participants à l’atelier ont salué les points positifs engrangés par le Burundi depuis 2010 avec l’engagement du Gouvernement pour une éducation inclusive, les défis restent.
A commencer par les chiffres: « Nous ne savons pas ni le nombre, ni la localisation des personnes vivant avec handicap au Burundi, ni d’ailleurs qui est scolarisée ou pas », expliquera Donatien Barumwete, expert et très engagé sur cette thématique avec son organisation « Nouvelle Vision face au handicap ».
Autre écueil, les débouchés professionnels pour les personnes vivant avec handicap. Après tout, c’est la raison pour laquelle ils vont à l’école: « Que faire quand, diplôme en main et handicapé, on vous demande à l’embauche le certificat d’aptitude physique? », demandera-t-on au sein du RCPHB.
Sur cet aspect, au sein de l’Union des Personnes Handicapés au Burundi (UPHB), on insistera sur les profils présentant des handicaps mentaux: « Si les facultés mentales sont altérées, cela ne veut pas dire que ces personnes ne peuvent rien faire de leurs mains ou pieds ».
D’ailleurs, rappellera Donatien Barumwete, l’offre de formation professionnalisant pour les handicapés est réduite, faute d’enseignants qualifiés.
Inaccessible enseignement supérieur
« Sur les 1.486 élèves vivant avec handicap recensés la dernière année scolaire dans tout le Burundi, seuls 3 ont passé l’Exetat. Que deviendra le reste? » s’est interrogé Dr. Ir. Hassan Nusura, Directrice de l’ENS.
Du coup, si les trois « rescapés » aux défis de l’infirmité en milieu scolaire réussissent à l’Examen d’Etat, ils passeront à l’université, rejoignant Daniel Ntiranyibagira.
Etudiant à l’Université Espoir d’Afrique et aveugle depuis son enfance suite à une morsure d’un chien, Daniel n’est parvenu à terminer le lycée qu’au prix d’une incroyable ténacité, surmontant notamment 17 ans d’errance, sans cours, pour cause de manque d’environnement adéquat. Il finira par fonder l’Association pour la Réintégration Sociale des Aveugles au Burundi (ARSAB).
A l’université aussi, l’environnement matériel pèse, poussant les potentiels étudiants avec handicap à lâcher l’aventure académique: ainsi, pour Daniel, se pose la question des notes. Les milliers de pages qu’il lira vers sa quête d’un bac en services sociaux et développement communautaire, lui sont pour le moment inaccessibles. « Soit on doit me lire toutes ces notes, soit on me les donne sur flashdisc et je les fais passer dans mon logiciel qui me les lit, ou alors on me les donne traduites en braille », expliquera le natif de Kayanza. Un investissement demandé aux universités que toutes ne peuvent se permettre.
Et que dire des étudiants qui se rendent peut-être en tricycle aux cours, alors que les salles des amphithéâtres sont nichées en étage, avec des escaliers à gravir?
