Tous les 21 juin, le Burundi se joint au monde pour célébrer la musique. Mais les chanteurs burundais peinent encore à en tirer amplement profit. Et même si l’Office Burundais des Droits d’Auteur (OBDA) existe depuis 2015, seules 99 œuvres y ont déjà été inscrites…
« Quand est-ce qu’allons-nous vivre de la musique comme ceux que nous voyons à longueur de journée à la télé ? », se lamente le rappeur B-Face dans son single « Ibiri ku mutima bitanu ». Dans ce morceau, il balance ses quatre vérités sur la galère qu’endurent les musiciens Burundais, illustrée par sa propre expérience : « Nommé rappeur de l’année, j’ai reçu une récompense ne comportant même pas deux milles francs » lâche-t-il dans son flow. Difficile de croire qu’il aurait été tenté par le simple plaisir de clasher ou se complaire dans une jérémiade.
Loin des punchlines, marque déposée de l’univers du hiphop, c’est une triste réalité que ce cador de Buja Fleva fait remonter à la surface. La production d’un son susceptible de propulser son auteur sur un niveau supérieur est le rêve de chaque artiste musicien. Et pour y arriver, faire sauter sa tirelire est une option envisageable. Il va sans dire, un hit, ça peut couter les yeux de la tête. En retour, peu sont ceux qui parviennent à se payer le luxe de vivre décemment de la sueur de leur labeur.
Les musiciens et leur part de responsabilité
Cette situation perdure alors qu’il n’y a pas de vide juridique en matière de protection des droits de la propriété intellectuelle : en 2005, promulgation de la loi sur le droit d’auteur, et en 2015, décret instituant l’OBDA: «Pour arriver à tout cela, nous avons bataillé. Une année avant nous avions mené une manifestation pour exprimer notre colère face à cette ignorance dont nous étions victimes», se souvient Freddy Kwizera plus connu sous le nom de Botchum, producteur et président de l’Amicale des musiciens du Burundi (AMB).
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— Jimbere (@JimbereMag) March 5, 2019
Pour lui, ce paradoxe s’explique aussi en partie par l’indifférence que les musiciens burundais affichent par rapport à l’enregistrement de leurs œuvres à l’OBDA: «Et pourtant, cet organe est là pour suivre l’utilisation de leurs productions et les aider à en percevoir les redevances. Il y’a par exemple un logiciel qui peut enregistrer le nombre de fois qu’une chanson est jouée sur n’importe quelle radio du monde et comptabiliser ce que doit percevoir son auteur.»
Une montagne surmontable
Yves Kami, bluesman et juriste de formation s’inscrit en faux devant le fatalisme qui veut que la musique burundaise ne peut pas payer: «Il y’a un arsenal juridique qui est là, une fois bien exploité, nous pouvons bien vivre de notre art. Les radios, télévisions et autres consommateurs qui utilisent nos chansons doivent savoir qu’ils doivent nous payer.» Une véritable révolution des mentalités s’impose.
D’un côté l’artiste qui doit se déclarer et faire enregistrer au sein de l’OBDA ses œuvres pour un suivi des droits, et d’un autre, l’utilisateur qui est appelé à intégrer dans son for intérieur le sens de rendre la pareille au musicien pour ses efforts.
Mwari muzi ko amacupa ya plastic atanga umuziki? Umucuraranzi
Yves Kami wo mu #Burundi aratuvugiriza ca gikoresho gishasha c'umuziki yahinguye akacita "akame".
Ngo vyose vyatanguye ariko yinywera "Malt"… pic.twitter.com/if8eF5kEFx— Jimbere (@JimbereMag) August 20, 2018
Excellent Nimubona, directeur de la radio musicale RFM reconnait quant à lui le délicat jeu d’équilibriste auquel sont confrontés les médias: «Conscients que l’artiste doit être rémunéré pour son travail, nous devons aussi assurer un travail de promotion qui passe par la diffusion de leurs chansons. Il faudrait aussi que nos chanteurs produisent des morceaux de très bonne qualité vendables pour que nous aussi ne jouions pas perdants.»
Une chose est sûre, nos artistes ne se mettent pas en quatre pour récolter au finish des compliments et des pouces levés sur les réseaux sociaux. Vivre de sa musique, pourquoi pas ? Dans un monde où le virtuel s’impose, à l’instar de quelques pionniers qui prônent un marketing 2.0, ce n’est pas la mer à boire.