Sur financement de l’ambassade de France, l’Amicale des musiciens du Burundi tenait ce 5 décembre 2019 un atelier à l’endroit des femmes et filles artistes dans la musique pour débattre sur leur rôle dans la société
« Peu d’artistes connaissent la loi qui les régit. Souvent, nous réclamons naïvement nos droits alors que nous ne savons même pas ce qui nous est déjà acquis », lancera en prélude au débat Éloge Nzeyimana, enseignant à l’Université en audiovisuel. Prêtant une oreille attentive aux plus expérimentés d’entre elles, la trentaine de chanteuses et musiciennes en provenance de cinq provinces du pays (Ngozi, Gitega, Cibitoke, Rumonge, Bujumbura) feront part d’une même préoccupation: comment vivre de l’art, malgré les défis ?
Marie Thérèse Ciza, chanteuse et compositrice d’œuvres de sensibilisation depuis les années 1980, a passé en revue l’historique de la femme burundaise dans la musique. « A l’époque (années 80), on enregistrait les chansons à la RTNB sur une seule piste. On pouvait répéter jusqu’à 23h pour pondre une œuvre de qualité acceptable. Les femmes artistes se comptaient sur les doigts de la main. Notre place était insignifiante, mais on l’utilisait à bon escient pour percer dans le milieu », témoignera-t-elle.
Avant de souligner les facilités qu’offrent les avancées technologiques, et que la femme doit mettre à profit. « Aujourd’hui, les chances de percer artistiquement sont presque les mêmes que pour les hommes. Plus rien ne freine l’artiste à cause de son sexe. La balle est dans notre camp et nous devons la saisir. » Et comme dans tous les domaines, la recette de la réussite est connue: le travail acharné, la rigueur, la persévérance et surtout la détermination…
Le leadership mis en cause
« Aussi longtemps que chaque artiste voudra travailler dans son petit coin, nous n’arriverons à rien. Le handicap majeur dont souffre l’art est ce manque de leadership et de soutien mutuel. Nous avons certes beaucoup à donner car le talent coule dans nos veines, mais nous ne savons pas le cadrer pour en faire bon usage. Les femmes artistes n’ont même pas une petite association de solidarité. Chacun agit en solo, ce qui ne profite à personne », a déploré Christine Munezero, une des fondatrices de la troupe Intatana. Elle a rappelé le manque d’espace-modèle d’exhibition artistique et la pauvreté ambiante qui, selon elle, bloquent l’organisation des concerts.
A ce propos, Freddy Kwizera « Botchoum », actuel Président intérimaire de l’Amicale des musiciens du Burundi, a invité les femmes artistes à profiter des acquis pour faire valoir leur savoir-faire: « Prenons exemple l’espace offert par l’Institut Français du Burundi. Combien de chanteuses s’y produisent par an ? Pourtant, les portes sont toujours ouvertes pour tous. ».
S’il a invité les femmes artistes à « se surpasser dans leurs œuvres », il a aussi tenu à appeler le ministère de la Culture pour plaider auprès du Gouvernement afin « d’élargir l’espace réservé à l’art burundais au niveau local et international ».
De son côté, Bernice the Bell a insisté sur l’exportation des œuvres artistiques produites par les femmes: « Nous participons rarement dans des festivals à l’étranger alors que c’est le meilleur moyen de faire connaître nos œuvres, et partant, la culture burundaise ». Pour elle, tout se rapporte à la vision : « Le genre ou le sexe ne sont que des excuses pour justifier nos faiblesses. On devrait mettre ces prétextes en sourdine et démontrer ce dont nous sommes capables ».