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Lutte contre les messages de haine: quid des influenceurs?

Adoubés par la jeunesse, les influenceurs peuvent avoir des effets négatifs. Comment comprendre leur force dans la société ? Pourquoi celle-ci semble plus réceptive à leurs actions et messages. Plus de précisons avec Christian Nsavye, animateur des émissions musicales à la Radiotélévision Isanganiro

Qu’est-ce qu’un un influenceur ou un leader d’opinion?

Dans le secteur musical, c’est un artiste vedette, une star qui a toute une audience qui le suit du jour au jour, qui écoute des messages véhiculés à travers sa musique ou ses clips vidéo ou encore dans tout ce qu’il fait, que ce soit dans la vie courante, à travers différents canaux de diffusion surtout les réseaux sociaux à l’instar d’Instagram qui font du zoom sur sa vie. A travers ces réseaux sociaux, on sait ce qu’est en train de vivre sa star du jour au jour, comment elle se comporte dans la rue, son intimité à la maison. Il y a donc toute une gamme parmi la population, surtout les jeunes, qui suivent les artistes vedettes stars dans tout ce qu’ils font. C’est cela les influenceurs.

Quel est le rôle d’un artiste musicien dans la consolidation de la paix ?

Son importance est grande. Par exemple, dans les années 94-95-96, avec la balkanisation dans les quartiers de Bujumbura, des artistes du groupe « Lion Band » ont lancé des karaokés les weekends, au centre-ville. Et ils ont joué un rôle énorme dans la création d’espaces de rencontre, de détente, de réapprentissage du vivre-ensemble. Nous étions fatigués à cause des divisions et ces karaokés nous ont permis de souffler et oublier un petit moment les temps difficiles que nous vivions dans nos quartiers.

Christian Nsavye, animateur des émissions musicales à la Radiotélévision Isanganiro

Pourquoi la société est plus réceptive à leurs messages, y compris de haine?

Il n’y a pas d’artistes vedettes au Burundi qui véhiculent des messages de haine. Il y a eu avant 2015, ce qu’on a appelé des artistes ou musiciens « engagés », mais au Burundi, je ne crois pas avoir entendu un musicien qui chante une musique de haine. Mais ailleurs des chanteurs véhiculent des messages de haine, c’est une triste réalité. En Afrique du Sud, à l’époque de l’apartheid, avec deux visions différentes entre les pour et les contre, des artistes ont versé dans la haine ethnique. En Côte d’Ivoire pendant la crise, des artistes se sont positionnés par rapport à leur appartenance ethnique et ont lancé des messages de haine pour s’attaquer au camp adverse.

En cas de dérapage, que peut être l’ampleur du problème lorsqu’un artiste avec une forte influence, lance ce genre de message ?

La responsabilité est d’abord partagée. Si l’artiste pense sortir une chanson avec un message de haine, la première responsabilité incombe au diffuseur. A Isanganiro, on écoute systématiquement d’abord la chanson avant de la diffuser. Ensuite, cet artiste qui sortirait une chanson avec un message de haine ne ferait pas long feu. Premièrement, il a un temps limité en tant qu’artiste, deuxièmement il va perdre énormément parce que la grande majorité de gens va comprendre et ne le suivra pas. Troisièmement, il risque d’être traduit devant la justice car ces actes sont répréhensibles par la loi et donc il peut se retrouver en prison.

Comment peut-on responsabiliser les influenceurs pour une communication non-violente et constructive ?

Dans le temps, l’Amicale des Musiciens du Burundi a voulu prendre cette responsabilité : avant qu’une chanson soit envoyé aux diffuseurs, il devait la faire passer d’abord à l’Amicale des musiciens. Cela a duré un temps record parce que les artistes se sont sentis limités dans leur liberté. Le ministère en charge de la Culture a ensuite pris ses responsabilités et a décidé de ne plus censurer la musique, mais a décidé de responsabiliser l’artiste lui-même ainsi que le diffuseur. Les dérapages qui peuvent donc s’observer ne sont pas délibérément commis mais sont dus, à mon sens, à l’inconscience ou bien au manque d’éducation. Tout à l’heure, dans une émission Ngabo Léonce et Africa Nova me disaient que dans les années 70 et 80, avant même l’étape du studio d’enregistrement, chaque artiste amenait son texte pour qu’il soit amélioré au niveau du fond et de la forme. Des concepts ou messages inappropriés étaient supprimés. Donc il faut trouver un autre cadre pour améliorer les textes de nos artistes…

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