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Emelyne Shemezimana, première journaliste aveugle au Burundi

Emelyne, 26 ans, est née aveugle. Même  si la vue lui fait défaut, elle n’a jamais détourné  le regard de sa vision: décrocher un diplôme universitaire et devenir journaliste. Un symbole de résilience. Aujourd’hui, c’est la Coordinatrice de l’action sensible à l’handicap au sein du Magazine Jimbere…

Etre journaliste n’a rien de la vue. Au micro, le  handicap d’Emelyne ne s’entend pas. En l’écoutant, on réalise qu’elle voit le monde en grand. Chaque mercredi, munie de sa canne blanche, elle gravit les escaliers  menant au studio flambant neuf de la nouvelle station radio Kazoza FM pour animer  son émission « Natwe Turashoboye », qui passe de 14h05 à 14h30. Dans ce rendez-vous, elle a décidé de devenir le chantre  des droits des personnes en situation de handicap. « Ce qui me plait c’est d’apporter ma pierre à l’édifice pour aider les autres malvoyants burundais et d’autres handicapés  à étudier dans un système éducatif innovant. Je pense que mon rêve d’être la porte-voix des personnes en situation de handicap est en train d’être réalisé », martèle-t-elle avec fierté. Un rêve réalisé. A quel prix ?

Un parcours scolaire sans faute

Pour elle, seule la détermination compte. Depuis toute petite, Emelyne a toujours su ce qu’elle cherchait : faire des études universitaires  et devenir journaliste. D’apparence calme plutôt docile, son aventure scolaire  commence à l’école primaire Mushasha de Gitega. Ses enseignants se rappellent d’elle comme une élève assidue et surdouée. « Au classement, elle était toujours dans les deux premières places avec à chaque fois plus de 75% », indique une de ses anciennes  enseignantes, admirative.

Bien qu’elle enregistre d’excellents résultats à l’école, les conditions d’apprentissage ne sont pas assez favorables. Cap donc vers le Rwanda voisin. La petite Emelyne se retrouve ainsi au HVP Gatagara- Rwamagana, une école secondaire des aveugles. La transition ne sera pas une douce sinécure : « A mon âge et surtout avec mon handicap, quitter le pays pour aller étudier à l’étranger était difficile pour moi, ma famille et mes proches. Penser que je pouvais aller vivre ailleurs, sans un autre tuteur, n’était pas envisageable  à premier coup. Une séparation douloureuse, mais je devrais m’y faire. » Et d’ajouter « Primo : je devais fournir beaucoup d’efforts que mes camarades de classe pour apprendre l’anglais. Deuxio : je devrais également maitriser l’utilisation des outils modernes d’apprentissage pour aveugles, comme le perkin. Au Burundi, on utilisait que des tablettes pour l’écriture braille », souligne-t-elle.

Si l’aventure n’a pas été un long fleuve tranquille, le courage de la native de Gitega va finir par payer. « J’ai travaillé dur et j’ai pu facilement terminer mon secondaire, avec des résultats assez satisfaisants : plus de 70% à l’examen d’Etat. » Après, la fin de l’école secondaire, place au cursus  universitaire. 

A deux doigts de réaliser son rêve d’enfance, elle se retrouve dans l’impossibilité de payer les frais académiques. La chance va, néanmoins, lui sourire. Une amie de sa tante viendra à la rescousse en acceptant de lui payer les trois années d’université : « J’ai alors intégré l’Université Nationale du Rwanda dans la faculté de journalisme et communication car les notes que j’avais eues au niveau de l’examen d’état m’y donnaient accès », se rappelle-t-elle. Août 2021, Emelyne décroche son bac en journalisme et communication à l’Université Nationale du Rwanda.

Le micro, une source de bonheur

Après avoir terminé ses études au Rwanda, elle passe son temps en écoutant la radio. Ses premiers pas dans le journalisme commencent avec  la radio Humuriza FM de Gitega et puis avec  Izere FM de Rumonge. De là, elle  fait un un constat. « J’ai découvert que le micro était mon arme et ma source de bonheur. »

Sa tante, Seconde Sekarugumye ne tarit pas d’éloges quant au courage de sa nièce : « Depuis son enfance, elle se démarque par son amour du travail, c’est elle par exemple qui fait la lessive de ses habits, elle participe dans tous les activités de la maison. Elle est toujours confiante. Parfois, il nous arrive de perdre confiance, mais jamais elle. Elle est toujours debout, déterminée à accomplir ses rêves. Et voilà qu’elle y est arrivée. » Nous la souhaitons le meilleur…

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