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Dans nos coopératives

Les coopératives Mutoyi, le modèle d’une expérience de développement rural réussie

Dans un poulaillers de la coopérative de Mutoyi d'élevage de poules/Jimbere

L’Union des Coopératives Mutoyi regroupe 8 coopératives créées à la fin des années 1980 et qui se sont forgé une notoriété tant au niveau national que régional pour la qualité et la variété de leurs produits. Nous sommes allés à leur rencontre …

Contrée de la commune Bugendana, en province de Gitega. Mutoyi est un nom familier à tous les Burundais, et un « must » pour le tourisme. Pour cause : d’abord son hôpital, l’une des structures sanitaires à offrir les meilleurs soins au Burundi. Ou encore ses coopératives fondées par des religieux d’origine milanaise et gérées par des volontaires italiens. Mutoyi est très connu à tel point que l’on a même donné le surnom de « Mutoyi » aux jeunes filles burundaises à peine formées se prenant déjà pour des femmes, une allusion aux poules de Mutoyi prêtes pour la consommation en un temps record … de 3 mois. 

Fin connaisseur de l’histoire de la région, Silo Simbakwira, à la tête de la coopérative de Mutoyi d’élevage de poules, nous fait voyager jusqu’aux premiers balbutiements du « Projet Mutoyi». En effet ce sexagénaire a assisté à l’installation, la venue des missionnaires et la création de toutes les coopératives Mutoyi. « Sur invitation de l’Archevêque de Gitega d’alors, André Makarakiza, des missionnaires venus de Milan en Italie arrivent vers la fin des années 1970. L’archevêque les envoie alors pour servir dans la paroisse de Mugera où le curé de lors, Roger Mpungu, les détachera à son tour à Mutoyi, succursale de Mugera à l’époque, avec une injonction de se mettre au développement de Mutoyi, une contrée enclavée dans un relief montagneux, difficilement accessible à l’époque. Arrivés sur place l’une des premières choses qu’ils firent fut exactement la création des coopératives Mutoyi. Epique, non? » 

Pour toutes les coopératives créées, le modèle était le même, poursuit Simbakwira: « Le capital pour être membre de la coopérative s’élevait a un mois de travail sans paie et ce capital est toujours valide. À l’origine, les activités des coopératives Mutoyi étaient tournées vers la production et la vente de denrées agricoles et d’élevage, avant de développer le secteur artisanal avec succès. »

Et la croissance des coopératives en vitesse de croisière…

La réussite des coopératives Mutoyi est un phénomène social et un cas d’école au Burundi. En juillet 2014, lors de la Foire Agricole Nationale, Mutoyi s’est classée première en tant que meilleure association œuvrant dans le domaine de l’agriculture. D’aucuns se demanderaient comment les coopératives de Mutoyi ont pu durer dans le temps, surtout avec une telle réussite ?

« Il n’y a pas de secret. Nous avons toujours mis en avant le bien commun de tous les membres, plutôt que les intérêts individuels. Pour ce qui nous concerne en tant que coopérative d’éleveurs de volailles, nous confions des poussins aux paysans qui les élèvent et reviennent revendre des œufs et des poulets ici même dans les magasins Mutoyi. Si nous avons pu tenir jusqu’à ce jour, c’est surtout grâce au fait que dans le temps, nous disposions des variétés de poules originales et très résistantes qui nous venaient directement de l’Italie. Aujourd’hui à cause du Covid-19, les avions ne peuvent plus transporter des animaux et cela impacte durement la coopérative », se désole l’éleveur.

 Même si ces activités de production sont concentrées vers Mutoyi, celles de commercialisation sont plutôt concentrées à Bujumbura, la capitale économique, avec deux boutiques, l’une à Jabe, l’autre à Kigobe. Les deux proposent à des prix raisonnables des produits alimentaires de qualité (lapins, volailles, œufs, beurre, lait, fruits et légumes,…), ainsi que des objets d’ameublement originaux, et surtout des céramiques reconnaissables à leurs motifs géométriques spécifiques, comme on peut lire dans Le Petit Futé, avec Christine Des lauriers, historienne et chercheure. « Ce qui intéresse le plus souvent les visiteurs, ce sont les poteries fabriquées à la coopérative dont les modèles ne sont pas du tout semblables aux poteries noires et brunes traditionnelles. Il s’agit ici de vases, de tasses ou d’assiettes peintes et colorées (bleu, vert, orange), aux motifs géométriques reconnaissables entre tous. Elles ont un grand succès auprès des expatriés et des touristes étrangers. » 

Le revers de la médaille … 

Malgré le succès épatant, les coopératives Mutoyi ont cependant souffert des crises répétitives qui ont touché le pays, notamment celle d’élevage des poules : « En 1992, en plus du Burundi, nous pouvions alimenter la Tanzanie, la RDC et le Rwanda, avec une production de plus 12.000 poussins par semaine. De nos jours, malheureusement, nous n’en sommes plus qu’à 1.500 poussins. » regrette Simbakwira.

Parmi les coopératives visitées à Mutoyi, figurent aussi la coopérative de tricotage de Mutoyi composée entièrement par les femmes, 35 au total. Aujourd’hui, informe Joséphine Manirakiza, la Présidente, le profit ne suit pas toujours les efforts consentis avec les frais d’entretien du matériel, l’achat des fils spéciaux importés d’Italie, … Par ailleurs, les établissements scolaires en quête des tricots uniformes pour leurs élèves constituent leur principale clientèle.

Coopérative de tricotage de Mutoyi composée entièrement de femmes/Jimbere

Aujourd’hui, les volontaires italiens se sont retirés de la gestion des coopératives Mutoyi. Elles sont dans les mains des Burundais. Est-ce que la qualité des produits sera toujours la même ? « Malgré les défis, nous devons garder l’honneur », estime Simbakwira. On ne peut que leur souhaiter bon vent …

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