Exploitations sexuelle et économique, trafic d’organes, la liste des maux est longue pour celles qui s’aventurent dans la péninsule arabique. La Solidarité de la Jeunesse Chrétienne pour la Paix et l’Enfance (SOJPAE), dispose d’un volet qui incite celles qui s’y trouvent à revenir et assure leur réintégration. En marge de la Journée mondiale de la dignité des victimes du trafic d’êtres humains célébrée le 30 juillet de chaque année, récits sur ce trafic au Burundi.
Recrutement, transport, transit, dépassement des frontières et accueil dans le pays de destination sont les critères qui sont pris en considération pour qu’on parle de trafic d’être humains. Le Burundi enregistre bien des cas de ce genre. Pour le recrutement, dans la grande majorité des cas visant des filles et des femmes, des réseaux s’activent pour enrôler les nouveaux éléments. « Ils sont tellement organisés qu’ils parviennent à tromper la vigilance des forces de l’ordre et des parents », fait savoir David Ninganza, directeur de la SOJPAE.
Avec un discours alléchant axé sur un salaire grassement rémunéré, les futures victimes sont tentées par l’appât de les pétrodollars. Un pain béni pour ces personnes qui sont souvent financièrement vulnérables, donc des proies faciles. Parfois, des scénarios à la limite de l’inimaginable s’observent. «Il y’a des parents qui laissent leurs enfants dans les mains des trafiquants ou les y poussent, voire des maris qui préfèrent garder les enfants et embarquer leurs propres épouses dans ce trafic », poursuit M. Ninganza.
Le recrutement terminé, s’ensuit le transit. Cette étape consiste en une forme d’intégration avant l’heure. Les pays du Golfe étant des Etats sunnites intégristes, on apprend aux recrues les us et coutumes de ces contrées wahhabites. Une batterie de procédures s’engage et ce sont des anciennes « Marguerite » et « Séraphine » qui prennent l’avion avec des passeports des « Adidja » et autres « Fatma ».
Désenchantement et graves séquelles psychologiques.
Zilfa (pseudo), la vingtaine, est une ex-femme de ménage d’un couple koweïtien. Cette originaire de Muyinga a été embobinée par le baratin d’un de ses cousins et le moins que l’on puisse dire est que l’année qu’elle a passé au Koweït, elle n’en garde pas un doux souvenir. La voix cassée par l’émotion, elle raconte: « Ma patronne était jalouse car elle croyait que je lui piquais son mari. Du coup elle me faisait travailler comme une machine en me traitant de « sale pute noire » ». Quand elle a commencé à manifester des velléités de révolte, elle a été mutée vers un autre ménage qui est tout sauf le plus passable du monde : « J’y étais une vraie poupée sexuelle à la merci des hommes du coin », se remémore-t-elle avant d’éclater en sanglots.
Au retour, ce sont des âmes brisées, des cœurs meurtris qui cohabitent tant bien que mal avec des corps qui sont des sinistres monuments rappelant les dures épreuves d’un eldorado qui s’est révélé un enfer. Médiatrice Nshimirimana, psychologue prestant au sein du centre Mpore Mwana de Kinindo – où les victimes passent leurs premiers jours après le retour – et qui assure le suivi psychologique de celles qui arrivent de cette servitude affirme que « souvent ce sont des personnes déprimées qui reviennent. Elles partent avec un fol espoir de trouver la porte d’entrée vers une vie de rêves et quand elles découvrent la réalité, c’est un choc violent ». Ajoutez à cela le fait que dans leurs communautés, elles sont directement taxées de « celles qui faisaient la putain chez les Arabes« … et l’on comprend que le fardeau social qu’elles doivent porter au retour n’est pas facile à supporter.
Que faire donc ?
« Un mouvement d’ensemble impliquant et l’administration et les communautés locales s’impose », estime le directeur de la SOJPAE. Cet activiste des droits des enfants trouve que si les passeurs parviennent à contourner la police, c’est qu’un maillon du système cloche quelque part. Selon lui, « informatisons tous les documents administratifs quitte à ce que chaque cas suspect ou récidiviste soit signalé à l’avance. Si un mineur vient chercher des papiers pour voyager en présentant une carte d’identité « made in Buyenzi » avec des parents qui ne sont pas les siens, il sera facile de le retrouver dans la base de données et prévenir son départ ».
Une présence effective dans les pays où ce traffic implique beaucoup de ressortissants burundais ne serait pas non plus de trop. A titre illustratif, pour pouvoir s’évader de « l’enfer des pays du Golfe », les jeunes burundaises utilisent un subterfuge poignant: elles sortent en soutiens-gorges ou en minijupes « provocatrices », et comme ces pays conservateurs ne tolèrent pas ce genre de tenue, la police les appréhende rapidement. Elles ont alors la chance d’exposer leur cas, espérant… une expulsion !
Et comme la législation burundaise est plutôt claire sur ce sujet, il ne reste que la prise de conscience chez les citoyens pour œuvrer en concert avec les autorités afin de lutter contre un fléau qui, sans trop de bruit, mine bien de vies et de familles.