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Dans les distilleries clandestines

Au Burundi, plusieurs boissons alcoolisées sont distillées d’une façon traditionnelle et sont écoulées sur le marché public. C’est le cas des vins à base de banane comme isongo, urugombo, etc.  Pour d’autres, leur sort est plus compliqué. Prohibées, elles sont entrées dans la clandestinité.

Colline Nyanga-Bushaza, Kirundo. Espérance Ciza sort jeter un coup d’œil furtif aux alentours de son domicile. Il faut s’assurer que les agents des forces de l’ordre ne vont pas venir mettre leur nez dans ses affaires, ce matin. Dans l’arrière-cour, deux bidons en plastique attendent des acquéreurs. Et dans les bidons, Camudiho , « la boisson qui fait danser », souffle Espérance dans un sourire aux dents gâtées.

Le petit bout de femme approchant la trentaine en parait plus, et pour cause : « Camudiho, j’en ai pris trop et trop jeune», lâche-t-elle dans sa constante jovialité. Dix minutes plus tard, les acquéreurs viennent prendre les bidons en lançant des regards soupçonneux dans tous les coins et repartent comme ils sont venus, en coup de vent. Pas un seul mot sur le montant de la liasse de billets qu’elle vient de recevoir. « Ils sont venus de loin parce qu’ils savent que je suis la meilleure en ça », se  félicite-t-elle.

Hors-la-loi

 Espérance a commencé à boire cette boisson prohibée à sept ans. Sept ans plus tard, adolescente, elle commençait elle-même à en fabriquer. « Ce qui me fait une expérience de plus de 15 ans  dans le domaine», se rengorge-t-elle. Et qu’est-ce Camudiho ?

Explications de la part de cela qui la distille : « Camudiho est une boisson fabriquée à partir de la farine de sorgho, avec du sucre (beaucoup de sucre) et de la levure. Cette mixture prend deux jours de fabrication.»

La recette, elle n’a pas peur de la divulguer. Pour celle qui a déjà une clientèle fidèle, la concurrence ne lui fait pas peur. Plutôt la police. « Depuis quelques temps, l’administration nous mène une guerre sans merci, la plupart de mes compères ont fui, ou sont en prison », confie-t-elle.

Effectivement, l’administration a lancé une campagne musclée de lutte contre les boissons prohibées « néfastes à la santé des personnes et qui attentent à la moralité », comme le fait savoir Daniel Macumi, conseiller provincial. Une lutte qui porte des fruits, au détriment des distillateurs.

Pour la survie

 Cette crise, Espérance l’a subie de plein fouet. « Avant je vendais moi-même ma production, 250 Fbu la bouteille. Maintenant, je ne suis que grossiste parce que j’ai peur des descentes de la police. Donc, ce sont les autres qui se font des bénéfices», regrette-t-elle.

Mais pour les raisons avancées par l’administration comme les conséquences sur la santé et la sécurité, Espérance admet que d’une part, elles sont fondées. Mais d’une autre part, puisque ce commerce fait vivre des familles (elle est mariée avec quatre enfants), « il aurait fallu encadrer cette activité au lieu de la pénaliser », tranche-t-elle.

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