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Cultiver le café, un travail de longue haleine

Même si elle constitue la première source de devises au Burundi, la culture du café ne paie pas assez bien les efforts investis, selon les caféiculteurs burundais, en coopératives ou pas. Jimbere s’est entretenu avec quelques-uns en province Muramvya et Kirundo … Le récit.

Pour les caféiculteurs, le constat est sans appel. Difficile d’espérer grande chose du café si tu ne disposes pas d’assez de terres. Bien plus, soutiennent-ils, il est risqué d’y placer trop d’espoir et d’ignorer les cultures vivrières qui demandent relativement peu d’efforts: « Nous en sommes au point où lorsque tu cèdes à ton fils une plantation de café, il refuse et préfère cultiver du riz ou du maïs parce qu’il est sûr de faire beaucoup plus de bénéfices.» A Kirundo, tout ce désamour, poursuivent nos sources, provient du faible profit avec la vente des cerises.

 Plus au Sud du pays, dans la province Muramvya, les caféiculteurs estiment qu’un kg de café cerise A devrait coûter 1.000 Fbu, voire plus, au regard des moyens que nécessitent la production du café : « Considérez cette production depuis la mise en terre de la graine, l’irriguer, couvrir les plantes pour les maintenir dans l’humidité tout en s’assurant qu’elles reçoivent du soleil, découper les branches régulièrement pour s’assurer de sa bonne croissance, y mettre de l’engrais … Jusqu’à la récolte, c’est le parcours d’un combatant»

Ce n’est pas du tout, ajoutent les caféiculteurs : « Pensez aux travailleurs qui récoltent les cerises à la main, au séchage, etc. Et une fois à l’usine, on te fait trier les grains. Les cerises A sont achetées à 550 Fbu le kg et les cerises B à 275 Fbu le kg. Et dites-nous si vous saurez avec ces revenus entretenir votre famille. » Et d’affirmer que c’est par manque d’alternatives, sinon ils auraient abandonné depuis longtemps cette culture.

A Muramvya, la plupart ont abandonné cette culture à cause des prix jugés bas sur le marché. Ceux qui n’ont pas arraché leurs caféiers y plantent d’autres cultures, ce qui diminue encore plus son rendement. Ceux qui s’y accrochent encore sont ceux regroupés dans des coopératives, poussés par le discours officiel qui leur promet notamment une probable hausse de son prix sur le marché international. Pour rappel, la filière café est actuellement gérée par l’Etat, sa libéralisation ayant été un échec.

La récente hausse du prix du kg du café cerise A à 700Fbu et les cerises B à 350Fbu serait-ce la réponse de l’Etat aux lamentations des caféiculteurs ? Pour Martin Ndikumana, un caféiculteur de la coopérative Twungurane en commune Ntega (Kirundo) : cette mesure pourrait encore aller plus loin. « Nous saluons ce geste du gouvernement mais il est encore loin de nos attentes. Qu’il fixe ce prix à 1.000Fbu le kg et il verra comment nous augmenterons la production du café. »

 Le rôle des coopératives dans la filière café 

Jean Havyarimana, vice-président de la coopérative Nyarunazi en commune Rutegama, province Muramvya, indique que la mobilisation auprès de leurs membres pour l’entretien des plantations du café continue. Cette coopérative les appelle à suivre à la lettre les consignes des moniteurs agricoles. Mais pour quel intérêt ?

 L’intérêt, rétorque Jean Havyarimana, est énorme : « Depuis nos débuts en 2010 jusqu’à présent, si nous additionnons tout ce que la coopérative possède, la valeur est estimée à 900 millions de Fbu. » Au début, confie-t-il, chaque membre amenait un capital de 10.000Fbu alors qu’actuellement chacun verse le triple. Et de conclure que la coopérative récolte autour de 300 tonnes de bons cerises de café chaque année, si le ciel est clément.

 Par ailleurs, la coopérative Nyarunazi compte 625 membres dont 171 femmes, la plupart étant veuves. Les jeunes sont au nombre de 30. Ils transforment surtout les parches en engrais. Salvator Barandagiye, président de ladite coopérative, affirme que la capacité de ces membres à se mettre ensemble et de constituer cette coopérative leur a permis de bénéficier de l’assistance de l’association ADISCO (Appui au Développement Intégral et à la Solidarité sur les Collines). Celle-ci leur a octroyé des formations en rapport avec le développement de leur coopérative et leur a permis d’avoir un crédit à la BNDE. Avec ces fonds, il ont acheté des machines de lavage, de dépulpage et de conditionnement du café. 

Le même engouement pour le café s’observe à la coopérative Twungurane de Kirundo en commune Ntega. Sur la colline Gihome, les membres de la coopérative sont à l’œuvre pour sensibiliser les habitants à la culture du café depuis 2007. Ils sont d’ailleurs satisfaits de la production. Patrice Manariyo, président de ladite coopérative fait savoir que la récolte tourne autour de 400 tonnes de café cerise A chaque année lorsque le ciel est clément.

Le capital de la coopérative est estimé à 22 millions de Fbu actuellement. La coopérative compte 490 membres. L’adhésion est conditionnée d’un paiement de 5 à 50 mille Fbu en fonction des moyens. Les femmes sont au nombre de 97. La plupart ont des plantations héritées de leurs maris. Mais les jeunes ne sont pas intéressés par cette culture. La coopérative compte en tout 183 524 plants de caféiers. C’est l’association INADES Burundi qui leur fourni des formations sur le traitement du café et surtout en gestion des fonds comme l’indique avec joie Patrice Manariyo.

Mais, même si ces coopératives travaillent durement pour augmenter leur production et ainsi se développer, elles fustigent les taxes communales jugées exorbitantes. A la coopérative Nyarunazi, les membres s’étonnent que la commune perçoive les taxes de la même manière sur les cerises A que sur les cerises B alors que leur prix sur le marché diffère. A la coopérative Twungurane, les membres indiquent que pendant la saison 2020-2021, ils ont payé 11Fbu de taxe pour un kg de bon grain de cerise : « Nous avons payé la même somme pour les cerises B. Pourquoi ne pas payer la moitié étant donné que ces cerises ne s’achètent pas de la même manière sur le marché ? »

Concernant ces plaintes liées à ces taxes communales, Déo Guide Rurema, le Ministre en charge de l’Agriculture s’étonne de cette pratique et a promis de soumettre la question auprès de l’ODECA (Office pour le Développement du Café du Burundi) pour y mettre fin.

 En outre, les caféiculteurs qu’ils soient en coopératives ou pas, les plaintes sont les mêmes: c’est presque impossible de vivre d’une culture qui génère de faibles revenus et après une longue période (la récolte se fait après 3ans). Leur premier souci, c’est d’avoir du pain quotidien pour leur famille d’où leur préférence pour les cultures vivrières moins exigeantes que les cultures pures, comme le café ou le thé. Rappelons que la production du café à la saison culturale 2020- 2021 est estimée à plus de 73.000 tonnes de café. Le café exporté est de 15.054 tonnes. L’exportation est dans sa dernière phase. 14.646 tonnes de café d’une valeur de 35 millions de dollars (66 milliards de Fbu) avaient été vendues jusqu’au 12 avril 2021. 

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