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Burundi: comment la coutume exclut quasiment la femme de l’accès à la terre par succession

Les conflits familiaux que pose la recrudescence saisonnière du concubinage dans les champs de riz en province Bubanza ramènent à une problématique sociale aiguë au Burundi: l’accès à la terre, et sa perception discriminatoire à l’égard de la femme. Voici quelques cas culturels 

         1. Les familles qui n’ont mis au monde uniquement que des filles

D’après les catégories et les ordres de succession, la fille n’est pas considérée comme un enfant légitime. Autrement dit, le lien de filiation avec son père ne lui est pas reconnu. Elle vient en 5ème position dans la catégorie des successeurs légitimes et en 2ème position dans la catégorie des successeurs irréguliers. Certaines expressions qui sont restés dans le langage courant le confirment : « Umukobwa ni akarago k’abaraye » – la fille c’est comme une natte qu’on met sur le lit des visiteurs, « Umukobwa s’umwana ni igikingi c’irembo gisiduka ntibacane » – La fille n’est pas un enfant ; elle n’est qu’un pilier de l’entrée de l’enclos traditionnelle. Si ce pilier tombe par terre, il est même strictement défendu de le prendre pour le bois de chauffage.

Ainsi, la famille n’ayant mis au monde que des filles uniquement laissaient leur patrimoine à des parentés mâles. C’est n’est qu’en 1960 que le Tribunal du Mwami a décidé de donner droit aux filles de succéder à leur père en l’absence de garçon sans devoir recourir aux oncles paternels.

      2. Les filles qui ne se sont jamais mariées

 Pour les filles célibataires restées chez leurs parents, au Burundi ancien la coutume leur reconnaissait une portion de terre qu’elle exploitait pour assurer leur subsistance. Il leur était strictement interdit de mettre au monde. Si cela leur arrivait, leur enfant garçon ne pouvait pas prétendre à cette terre. Il était soit reconnu par son père ou alors il bénéficiait d’une part sur la propriété de son grand père. Même si le droit a évolué, cette perception est restée. Dans plusieurs localités du Burundi profond, elle exploite la terre en usufruit.

      3. Les femmes divorcées qui retournent dans la famille

 Pour les femmes mariées qui retournent vivre chez leurs parents (appelées ibisubiramuhira par la société qui les méprisait), elles étaient considérées comme les femmes célibataires mais la coutume est plus sévère pour les premières.
Elles étaient malmenées surtout par leurs belles- sœurs, mais une petite portion pour leur subsistance leur était garantie. Avec l’évolution du droit, elles peuvent hériter en usufruit de la propriété familiale lignagère ou acquise à titre onéreux ou par donation mais la part qui leur revient est généralement inférieure à celle d’autres héritiers mâles.

       4.  Les veuves (abapfakazi)

 La situation de la veuve variait selon qu’elle a eu des enfants ou pas et tout dépendait du bon vouloir de la belle famille. Quand elle n’avait pas d’enfants, elle était généralement chassée ou alors on lui proposer comme mari, un des frères de son défunt époux.

Au fait, le conflit naît souvent du refus de la veuve d’être entretenue en concubinage par son beau frère ou le beau père, respectivement par la pratique dit « gucura » et « gutera intobo ».

Dans la famille d’origine, elle bénéficiait un lopin de terre sur la propriété de son père pour assurer sa survie et celle de ses enfants, si elle en avait la garde. Plusieurs sources convergent sur le fait que les femmes mariées bénéficiaient généralement d’un fonds de terre en usufruit qu’on appelait  Igiseke  (Panier).  Jusqu’aujourd’hui quand les frères le leur refusent, elles saisissent les tribunaux. La détermination de la parcelle matérialisant ce droit est l’une des entraves majeures à la jouissance de ces droits. Encore que certaines en réclame la propriété et non l’usufruit. Actuellement, si elle était mariée légalement, la propriété de son mari lui revient de plein droit. N’empêche quelle soit malmenée malgré la décision du tribunal

En somme, on retient que le mode coutumier sur les successions exclue quasiment la femme burundaise de la succession en générale et de l’accès à la terre en particulier. Les quelques cas de testament et de donations restaient largement insignifiants. L’évolution du droit est irréversible mais plusieurs efforts sont encore nécessaires pour combler ce vide juridique.

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