Inondations meurtrières, effondrements, coulées de boue, la liste des calamités qui s’abattent sur Bujumbura est longue. Souvent porteuses de tragédies, ces drames sont loin d’être des fatalités devant lesquelles il faut baisser les bras…
Saison des pluies : sur les réseaux sociaux aidants, des images poignantes de certains quartiers de la ville de Bujumbura aux rues inondées font un tollé. Les égouts et caniveaux ne pouvant plus contenir la grande quantité d’eaux qui s’y déverse, les routes prennent des allures de véritables rivières. La mémoire collective aura du mal à se défaire de la nuit apocalyptique qu’ont connu les habitants de Gatunguru où plus de cinquante personnes ont perdu la vie devant la furie des eaux des rivières Gikoma et Nyabagere qui avaient débordé de leurs lits. Pas que vulnérable face aux inondations, des effondrements de terrains se font observer ça et là. Le boulevard Mutaga II actuellement impraticable, Kuwinterekwa et Mugoboka, pour ne citer que ça parmi les plus récents en sont des illustrations éloquentes. Tant de calamités qu’on se demanderait : « Mais qu’est-ce que Bujumbura a fait au bon Dieu ? ».
Les scientifiques, eux, expliquent ces phénomènes sans faire recours à la métaphysique, comme l’ingénieur-professeur Habonimana Bernadette, membre de la Commission Burundaise de l’Etude des Impacts Environnementaux qui trouve que « si Bujumbura en est là, c’est parce qu’il n’y a pas eu une utilisation rationnelle de l’espace en vertu de laquelle il y’aurait eu une distribution optimale de la population en profitant les atouts et éviter les contraintes ».
Les aléas de la nature, mais aussi l’homme.
Par sa position géographique et sa géomorphologie, la ville de Bujumbura et ses environs sont prédisposés à être des victimes des hauts reliefs qui surplombent cette région. Selon le géologue Louis Nahimana, « située au piémont des fortes pentes des Mirwa fortement arrosées, cette région est logiquement confrontée au risque de subir des dommages causées par des torrents qui se déversent de ces hauteurs ». Et la composition du sol n’est pas de nature à arranger les choses, au contraire. « Les matériaux qui constituent la terre sur laquelle Bujumbura est bâtie ne sont pas assez compacts pour résister. La plupart sont des terres sédimentaires ou argileuses susceptibles de crouler à la moindre calamité », précise l’universitaire.
Devant cette prédisposition naturelle qui fait de la capitale économique une ville vulnérable, l’action anthropique joue les catalyseurs. Au point d’être prépondérante dans les dommages qui sont observés. De la pression démographique galopante poussant les gens à occuper anarchiquement le moindre mètre carré libre, faute de planification stricte à l’aménagement du territoire présentant des lacunes, l’homme n’est pas moins responsable dans les causes de la vulnérabilité de la ville.
« Nous agressons la nature et elle se venge à sa manière. Nous avons une armada de beaux textes sur la protection de l’environnement dont la mise en application laisse à désirer. Ajoutez à cela le manque du sens du risque de certains Bujumburois qui persistent à habiter et construire sur des terrains n’ayant pas été objets d’expertise pour jauger leurs habilité à supporter ces constructions », constate quant à lui le professeur Jean Marie Sabushimike, géographe.
Le dernier schéma d’aménagement du territoire datant de 1982, un réaménagement de la façon dont Bujumbura est occupée s’avère plus que nécessaire pour une résilience efficace face à sa vulnérabilité car, pour reprendre les mots du Dr Erasme Ngiye, enseignant au département de géographie à l’Université du Burundi, « si sous d’autres cieux, on a su dompter des fleuves comme la Garonne et la Seine qui passent en pleins milieux des villes, c’est une preuve que c’est humainement possible ».