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Littérature

Alimentation au Burundi : Qu’est-ce qui a déjà été écrit ?

Que révèle la littérature sur l’alimentation dans le Burundi ancien et contemporain ?  Quels épisodes se distinguent par leurs récurrences, et quels enseignements peuvent en être tirés ? Voyage dans les méandres d’une bibliographie de la pitance.

L’alimentation dans le Burundi ancien est documentée à travers le prisme des cultures trouvées sur place par les explorateurs et les religieux ayant devancé la colonisation. Dans ses « Eléments d’une monographie sur l’Urundi et les Warundi »[1], Van Der Burgt parle d’un « peuple essentiellement agriculteur ». En cette fin du dix-neuvième siècle, le travail de la terre semble s’accroître surtout aux lendemains d’une épizootie (maladie des espèces animales) ayant frappé le bétail vers 1890.

Dans certains cas, les travaux étudient précisément la nature des aliments en fonction des époques et des régions. Dans la région de Kunkiko-Mugamba[2], par exemple, le tiercé de céréales sorgho-éleusine-maïs occupe à lui seul 60% des surfaces cultivées à la fin du dix-neuvième siècle avant de céder progressivement la place aux différentes variétés de haricot qui représenteront 50% ou plus des terres cultivables dès le premier quart du vingtième siècle.

Plusieurs crises alimentaires ayant marqué le Burundi ont également fait l’objet de recherches, tant sur le plan historique qu’agro-pastoral. Dans bien de cas, les témoignages recueillis grouillent de scènes apocalyptiques que seule une documentation rigoureuse parvient à relativiser. Pour le cas de la famine Manori [3] par exemple, on apprend que la sécheresse exceptionnelle si récurrente dans les récits n’en est pas véritablement une. Des pics de chaleur similaires seront enregistrés bien plus tard, en 1960 ou en 1974 par exemple.

Le Burundi, un pays qui vit au rythme des saisons

Cette phrase de Philippe Leurquin se vérifie à presque tous les coups : « Si, à la suite d’une saison trop sèche, trop précoce ou à cause des pluies trop tardives, la grande récolte de fin de première saison, en janvier, vient à avorter, la disette de soudure se changera en famine. Si, au moment où la famine se déclare, il n’y a plus d’espoir de récoltes prochaines, c’est la catastrophe ». A cela s’ajoute par moment des conjonctures ayant pu exacerber la situation des ménages dans le Burundi de l’époque coloniale et qui sont également passés au crible par la recherche. Les systèmes de portage, d’effort de guerre pendant les guerres mondiales ainsi que l’émigration dans les pays de la sous-région (essentiellement l’Est-africain britannique) n’échappent pas à la règle.

Cinq crises sont les plus récurrentes[4]. L’époque 1891-1897 est marquée par la peste bovine en 1891 et la famine Urwagunda qui s’étendra de 1892 vers 1897. La  première décennie du vingtième siècle sera vécue sous le signe de la Trypanosomiase (humaine et végétale) en 1905 et des famines Gakwege et Kazuba, respectivement en 1903-1904 et 1910-1911. Des années 1920-1926 marquées par la famine Ruyaga aux années 1944-1945 avec la famine Manori en passant par 1928-1930 avec Rwakayihura.

Quid du Burundi contemporain

La recherche essentiellement académique a notamment répertorié les crises profondes et les révolutions agricoles d’adaptation. C’est par exemple le cas du manioc[5], souvent présenté comme « un simple palliatif des jours difficiles ». Dans un contexte d’ouverture au monde extra-africain, l’introduction du tubercule au Burundi semble s’être réalisée dans le sillage des contacts avec les explorateurs européens, les commerçants et les esclavagistes zanzibarites.

Ici comme pour les autres cultures, la valeur nutritive, les perceptions et les potentialités, ont également fait objet de recherches essentiellement dans le monde académique. Plus les années d’études se rapprochent de notre époque, plus les justifications évoluent. La curiosité de l’historien cède la place aux projections de l’ingénieur agronome et de l’économiste. Les stratégies alimentaires et les plans quinquennaux font leur apparition[6]. L’équilibre entre les besoins et les disponibilités nutritionnels sont sur toutes les plumes.

A part le monde de la recherche académique, la documentation de l’alimentation au Burundi a longtemps été dévolue aux ONGs et aux agences onusiennes dans le cadre des travaux d’assistance humanitaire. Enfin, la création au sein du Ministère de la Santé et de Lutte contre le Sida du Programme National Intégré d’Alimentation et de Nutrition aura permis de coordonner les efforts et les chiffres notamment par l’intermédiaire d’enquêtes d’envergure nationale.


[1] Michael Van Der Burgt, Un Grand Peuple de l’Afrique Equatoriale: Éléments d’Une Monographie Sur l’Urundi Et Les Warundi, 2018

[2] Roger Botte, « Qui mangeait quoi ? L’alimentation au Burundi à la fin du XIXe siècle », 1983.

[3] Gaetan Feltz et al., La famine Manori au Burundi 1943-1944, 1994

[4] Hubert Cochet, Crises et révolutions agricoles au Burundi, 1980

[5] Angelo Barampama, Le Manioc en Afrique de l’Est: Rôle et perspectives dans le développement agricole, 1992

[6]  J. Ledegand, L. D’Haese, P. F. Réflexions pour une stratégie alimentaire au Burundi, 2007

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