Le regard souvent subjectif de notre passé est susceptible d’attiser la haine entre les composantes de la population burundaise. Et pourtant, ce n’est pas une fatalité…
Est-ce le résultat d’une fracture sociale ? Entre certains Hutu et Tutsi, la lecture du passé est sélective. Selon les témoignages des habitants de la colline Nyaburondwe, commune Butaganzwa de la province Ruyigi, certains Hutu se voient comme les seules victimes des crises cycliques qui ont endeuillé le Burundi, bien que certains Tutsi aient la même lecture des événements du passé.
Pour Edouard* (47 ans), il est déplorable que les uns manquent d’empathie pour les autres : « Que ce soient les Hutu ou les Tutsi, tous ont perdu les leurs pendant ces crises. Mais malheureusement, il y’a certains individus qui ne sont pas toujours prêts à l’admettre, même si leurs blessures semblent cicatrisées. »
Cela est d’autant plus consternant qu’aucune compassion n’est jamais ressentie d’un côté ou d’un autre lors des journées commémoratives autour des dates sombres de notre Histoire, regrette Odile* (52 ans), habitant elle aussi la colline Nyaburondwe : « Même les débats autour de la nomination de ces drames persistent toujours dans l’opinion, ce qui entrave la cohésion sociale. »
Le risque de réveiller les vieux démons
Cette attitude, poursuit Odile*, ravive les tensions et la méfiance dans la communauté : « Tout le monde reste sur le qui-vive, par crainte d’être emporté comme dans le passé par la folie meurtrière. Cela démontre aussi que certains esprits ne sont pas encore guéris des traumatismes. »
Par ailleurs, interpelle Chartier Niyungeko, expert en résolution et transformation des conflits, cette situation va polariser la division entre des groupes qui ne partagent pas la même vérité.
Et après la polarisation, souligne-t-il, il va y avoir des processus d’endoctrinement où chaque groupe va essayer de développer un autre style de vie pour montrer à l’autre qu’il doit faire tout pour se protéger parce qu’il se sent menacé : « C’est-à-dire que tout peut arriver. Et c’est de là qu’on pourra observer des cycles de violences, de tueries, de discrimination, d’exclusion dans différents domaines de vie dans la communauté. Parce que si nous parlons de l’histoire, il faut d’abord comprendre la vérité au lieu de globaliser. »
Le privilège de l’acceptation sur la négation
S’il y a des communautés qui ont subi ou ont un passé douloureux, recommande l’expert Niyungeko, l’acceptation de la souffrance des autres est primordiale, et c’est un pas positif vers la cohabitation et la cohésion : « Il faut d’abord accepter que les autres ont souffert, et disposer à recevoir ou à écouter l’histoire de l’autre tout en restant tolérant et serein face à l’autre groupe. »
Theogène Bangura, conseiller de l’administrateur communal de Butaganzwa, en province Ruyigi, indique la commune s’investit également pour la réconciliation de ses habitants par une approche de l’écoute et du pardon. « Car développer un pays socialement déchiré revient à bâtir sur du sable mouvant », conclut-t-il.
