Avec seulement 11 prisons centrales d’une capacité d’accueil évaluée à 4294 détenus, les établissements pénitentiaires enregistrent un effectif pléthorique, dont certains en détention illégale. Et pourtant, des alternatives définies par le code pénal existent pour désengorger les prisons. Le point.
« L’endroit d’où je sors ne peut être souhaité à personne même à mon pire ennemi », déclarait récemment une maman qui venait de jouir d’une grâce présidentielle, après 2 ans de détention.
Et pour cause, explique-t-elle, les vicissitudes de la vie d’entre quatre murs sont des épisodes qu’aucun, endurant soit-il, peut s’imputer à son gré : « Le temps s’étire, sans aucune envie de se dissiper. » Et de conclure : « Quelle que soit la qualité de vie, nos prisons sont devenus de tombeaux à ciel ouvert et lorsque tu y sors, la première réaction est un ouf de soulagement pour toi et tes proches.»
Le pire survient lorsqu’une personne se trouve en détention illégale, à l’instar d’Emilienne Sibomana, et qu’elle reste écrouée malgré un acquittement. Le sien a été proclamé le 28 juin 2024 mai il n’a pas été exécuté. Cette ancienne secrétaire du lycée Christ-Roi de Mushasha en province de Gitega avait été condamnée à 5 ans de servitude, accusée de « dénonciation calomnieuse » à l’égard de son directeur, chose qui lui avait valu une condamnation à 5 ans de prison et 5 millions de BIF, sans parallèlement procéder aux enquêtes approfondies pour vérifier la véracité de ses propos.
Une densité carcérale toujours élevée
Ce cas, au-delà de ce qui apparait comme une injustice qu’il met en exergue, interpelle sur le phénomène de surpopulation carcérale qui perdure et prend de plus en plus une ampleur préoccupante avec un taux record de 316 % en 2023, comme le montrent les données de ces 5 dernières années.
Période | Nombre des détenus |
Décembre 2019 | 11.464 |
Décembre 2020 | 12.761 |
Décembre 2021 | 13.002 |
Décembre 2022 | 12.143 |
Décembre 2023 | 13.565 |
Au moment où la capacité d’accueil des prisons burundaises n’est que de 4294 détenus, ce tableau ci-dessus met en lumière une surpopulation qui ne suit pas le rythme de l’accroissement démographique et conflictuelle, comme l’interprète le rapport de la Commission nationale indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH0 2023).
En outre, ce rapport met en évidence les conséquences de cette surpopulation sur la satisfaction des besoins des détenus, notamment sur le plan alimentaire, sanitaire et environnemental.
Des innocents dans l’incognito
Outre le fameux procès d’Emilienne Sibomana qui fait état de l’une des causes de la surpopulation carcérale, n’y aurait-il pas d’autres qui croupissent dans les prisons suite aux erreurs judiciaires ? Selon Michella Niyonizigiye, avocate d’Emilienne, il est déplorable que la loi, pourtant claire, ne soit pas appliquée alors : « Pour le cas de mon client, les articles 262 et 326 du code des procédures pénales stipule qu’elle devrait être poursuivre étant libre. »
Selon toujours cette avocate, les autorités juridiques devaient se baser sur la loi et non sur d’autres influences qui ne font qu’allonger illégalement le séjour carcéral des prévenus. Ce constat est également dressé par le rapport de la CNIDH qui pointe les mêmes causes majeures de la surpopulation aux prisons dont les recours inopportuns à la détention préventive même pour des infractions moins graves, la lenteur et le manque de diligence dans l’exécution des ordonnances accordant la liberté provisoire, ainsi que le maintien en détention des personnes qui ont bénéficié d’un acquittement définitif sans oublier les recours intempestifs en appel contre des décisions judiciaires de remise en liberté des prévenus.
Travaux d’intérêt général, un remède pratique
D’aucuns se demandent pourquoi prendre toujours l’enfermement pour la juste mesure au moment où les personnes détenues constituent une main d’œuvre qui ne fait que consommer sans rien produire. D’après le Professeur Anaclet Nzohabonayo, vice-président de la CNIDH, il trouve que certains juges prennent l’habitude d’appliquer la détention, au moment où le code pénal préconise d’autres recours pratiques, notamment l’engagement dans des travaux d’intérêt général.
Et d’expliquer qu’au niveau de cette commission, ils sont en train de mener un plaidoyer afin que d’autres alternatives soient prises pour désengorger les prisons : « Je me réjouis que le tribunal de Muramvya a déjà commencé à substituer la détention pour des délits moins graves à des travaux d’intérêt général, un bon exemple à imiter. » En outre, ce professeur exhorte certains juges à éviter la lenteur qui se remarque souvent dans le traitement des dossiers, et à veiller à ce que certains jugements rendus soient exécutés rapidement.