A l’approche des élections, la vigilance s’impose pour ne pas tomber dans la manipulation politique qui peut être source de bien des maux. Un politologue suggère à tout un chacun d’avoir du recul… Le point.
Quel rapport peut-il y avoir entre un probable chômage d’un élève de 9ème de Nyabihanga à Mwaro à la fin de ses études et les prochains scrutins de 2025 et 2027. A la réflexion, aucun. Mais ce serait ignorer la capacité de persuasion ou d’imposition de sens des hommes politiques.
Ils ne font pas dans la dentelle. Et plus l’on s’approche des élections, plus les citoyens sont sujets à toute sorte de discours : du mielleux, plein de promesses parfois irréalisables à celui à défaut de convaincre, veut imposer une autre façon de penser, de voir et de faire sur fond de la désinformation, de la diabolisation de l’autre et surtout de la manipulation.
C’est ce que vivent les habitants de Mwaro ces derniers temps. En commune Nyabihanga plus précisément sur colline Miterama. Ils indiquent faire face aux discours manipulateurs de certains leaders politiques. Sans les nommer, ils affirment : « Depuis quelques temps nous entendons des leaders, lors des réunions, dire que l’avenir est compromis, que les prix de tous les produits grimpent et que le pays va sombrer », confie un jeune étudiant de la place. Selon lui, ces messages font peur et poussent certains à se résigner alors qu’ils avaient foi en l’avenir suite aux discours officiel d’un Burundi, pays émergent d’ici 2040 et développé en 2060.
H.K., une cultivatrice rencontrée au chef-lieu de la commune n’y va pas par le dos de la cuillère. Ces messages causent du tort à la communauté, peste-t-elle : « Quand tu entends ton enfant, de retour de l’école, dire qu’il ne sert à rien de poursuivre ses études car il est voué à être chômeur même s’il finissait ses études, cela décourage. » Et ces messages sont véhiculés par certains responsables politiques.
Pour les habitants de la colline Miterama interrogés, ce discours va loin car non seulement ils dressent les membres de la communauté les uns contre les autres mais il instille la peur chez tout le monde surtout les jeunes : « Ils disent par exemple que le pays ne décollera jamais à moins de changer la classe dirigeante lors du prochain vote. Et nous nous demandons ce qui adviendra demain. »
Que visent ces discours ?
Contacté, Anastase Nkamicanye, secrétaire exécutif de Nyabihanga reconnait l’existence de ces messages de la part de certains hommes politiques qui découragent la population sur fond de quelques difficultés que traverse le pays : « Ils profitent de la mauvaise passe que vit le Burundi pour se mettre en avant en faisant croire qu’ils feraient mieux une fois au pouvoir. »
Mais en général, tranquillise-t-il, ces messages restent résiduels car si jamais ils prenaient de l’ampleur, l’administration ne le tolèrerait pas : « Si nous laissons les discours manipulateurs prendre le dessus, les gens ne vaqueraient plus aux activités de développement et nous ne pouvons pas l’accepter. »
Quoi qu’il en soit, il sied de cerner cette mécanique qui vise l’imposition de sens. De quoi elle est faite et comment en lutter efficacement. Selon Eric Ndayikengurukiye, expert en science politiques, les messages de manipulation se caractérisent par un discours visant à amener l’audience à changer le processus normal d’interprétation d’un message : « Ils visent à influencer les pensées de l’audience, les comportements des auditeurs, les émotions de ceux qui les écoutent. » En d’autres termes,c’est une capacité d’influencer les idées ou les comportements des citoyens sans qu’ils en aient conscience, en s’adressant à leurs émotions plutôt qu’à leur raison ou encore en faisant usage du mensonge ou de la désinformation.
Les contextes d’émission de ces messages, poursuit l’expert, se présentent sous diverses formes car la manipulation existe dans toutes les sphères où existent les interactions humaines. En amour par exemple, confie l’expert, certains utilisent la manipulation pour obtenir l’attention, l’affection ou bien pour contrôler l’autre.
Avoir un sens critique comme solution
En politique, fait-il savoir, les hommes politiques l’utilisent pour accéder au pouvoir : « Cette tactique s’observe surtout pendant les campagnes électorales à travers des promesses irréalistes, la diffamation des adversaires politiques, etc. »
Bien plus, indique M. Ndayikengurukiye, ces politiques auteurs de ce discours jouent sur les peurs des électeurs en évoquant des préjugés qui n’ont pas de fondement ou par la désinformation. Ils lancent des messages de manipulation pendant des situations difficiles ou de crise que traverse une société pour discréditer ses dirigeants : « L’objectif visé ici est de dénoncer une incompétence réelle ou supposée de ceux qui sont au pouvoir tout en sachant qu’ils n’auraient pas, eux-mêmes, de solution immédiate s’ils occupaient les mêmes postes de responsabilité. »
Comme conséquence, sur le plan sociopolitique, il s’observe une perte de confiance auprès des gouvernants ou administratifs qui manipulent l’opinion. Il y a aussi le sentiment de culpabilité ou de honte qui se remarquent chez les victimes de la manipulation. Du coup, l’on remarque un sentiment d’intolérance entre gouvernants et opposants avec risque de dégénérer dans des violences.
Pour sortir de la manipulation ou y venir à bout, Éric Ndayikengurukiye propose à tout un chacun de développer le sens critique. Lorsqu’au auditeur reçoit un message qui joue sur les émotions, il faut qu’il essaie de développer un esprit critique. Cela se traduit concrètement par la prise d’un peu de recul face au dit message, l’analyser profondément en prenant du temps pour murir sa réflexion, d’en parler aux autres si nécessaire avant toute action ou décision.