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« Quartier immatériel »: la multiplicité de Ngagara à travers une pièce de théâtre

Ngagara ne pouvait pas descendre sur les planches sans créer de choc, un texte «5 étoiles » signé Sheila Inangoma assorti à un magnifique jeu d’acteurs, la pièce « Quartier immatériel », vaut acclamations et prescription.

Les plus sceptiques doutaient toujours, « Peut-on vraiment comprendre l’histoire d’un quartier à travers le théâtre » ? Pour la troisième journée de Buja Sans Tabous, ils en auront eu à leur soif.

Le temps d’une soirée au Centre Cinématographique de Ngagara, communément appelé CCINGA, Buja Sans Tabou a encore fait du sien, sans anesthésie ! Ce n’est ni le temps maussade, ni l’exiguïté de la salle, encore moins la complexité de l’histoire de Ngagara qui pouvait empêcher le faste de la soirée.

En prélude de la soirée va venir  l’historicité de Ngagara, racontée par des anciens qui y ont vécu depuis un certain temps.

Candide Nyandwi (la première burundaise à avoir écrit une pièce de théâtre en Kirundi), cette septuagénaire qui a vécu à Ngagara depuis plus de 30 ans raconteraː « Ngagara était un quartier bourgeois, ceux qui y vivaient étaient beaucoup plus de fonctionnaires de l’Etat. Il y avait aussi des congolais, et surtout des rwandais qui avaient fui les crises dans leurs pays. Ils furent bien intégrés dans la société. Les uns parvinrent à devenir des fonctionnaires, beaucoup sont même restés au pays.

Jean Bangamwabo qui a tout vu durant  ses 42 ans de séjour à l’ «OCAF»  affirme ː « Ngagara a été créé fin 1953 et inauguré par le roi Mwambutsa IV, la même année. Il s’appelait Office des Cités Africaines ». Et de lancer avec une touche d’humour ː « Ngagara, c’était surtout de belles filles reconnaissables par leur élégance ».

« Quartier Immatériel », un chef d’œuvre

Du quartier 1 à 10, en passant spécifiquement par le quartier 5 qu’on prend du plaisir à appeler Sodome (de par les comportements de la jeunesse des années 90), Ngagara est à la fois multiple et unique. Comment alors représenter cette multiplicité et diversité dans une pièce de théâtre ?

18h 15 minutes, 10 acteurs entrent sur scène. Le ton est donné par le mimétisme du téléphone arabe qui traduit la proximité des gens mais aussi fait apparaitre le revers de la médaille ; les rumeurs.

On va comprendre à travers la pièce qu’à Ngagara, surtout pas d’affairisme, tout y est classe. Quartier intellectuel dès la première heure, ici les gens aiment les superlatifs. Ils mangent « très » copieusement, « L’aubergine est synonyme de viande dans cette partie de la ville », s’habillent « très » élégamment et aiment « trop » sortir en soirées. Les « Ngagaréens », d’ailleurs comme d’autres burundais adulent « beaucoup » la sainte mousse.

Malgré toutes les divergences entre les quartiers composant la localité, la pièce aura insisté sur la solidarité de ses habitants et l’amour qu’ils portent à leur quartier, d’où  le titre même de la pièce, comme l’a expliqué son auteur Laura Sheila Inangoma lors de la conférence de presse pour lancer Buja Sans Tabou ː« Ngagara est immatériel dans le sens ou  ses habitants se déplacent partout avec leur quartier dans leur âme. Ils aiment profondément leur zone de confort, car sans limites pour eux ».

Kakunze Guy Fleury, un parmi les centaines de jeunes  à assister à la pièce va nous glisserː « A la fin on se rend compte que tout Bujumbura a toujours été un melting pot rassemblant des populations venant de nationalités différentes ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la soirée d’hier est symptomatique d’une chose: La démocratisation du théâtre tel que voulu par Buja Sans Tabou n’est pas un leurre.Cet art avance impérieusement et s’affirme petit à petit comme le véhicule technique idoine pour infuser un peu de bon sens dans la communauté.

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