En écoutant Intuntu yonyica des artistes du groupe Akezamutima, je deviens nostalgique des années 70 et 80. À cette époque, le choix des mots était crucial pour les productions musicales. À présent, cela semble être le cadet des soucis des chanteurs actuels. Qu’est-il arrivé à nos chers artistes ? Confessions d’un nostalgique…
Les mots qui transportent le lecteur dans le vif du sentiment éprouvé par l’interprète ? C’était avant. Des paroles saisissantes dans une chanson au point d’en avoir les larmes au coin de l’œil, c’était bien il y a longtemps.
Moi qui suis de la génération 90, l’époque où Barbie girl du groupe scandinave Aqua rythmait notre quotidien, je ne trouve plus de plaisir à écouter de la musique burundaise. Suis-je devenu frigidaire, une sorte d’énergumène frappée d’une pathologie d’insensibilité aux délices de la musique contemporaine ? j’aimerais bien le croire.
C’est vers la fin de la décennie 90 que je commence à m’attacher à la musique burundaise. Mais quel plaisir était-il que d’écouter Antoine Marie Rugerinyange dit Africanova dans Kayitesi, Pancrace Shungura dans Murondo uri mu bigero, Evariste Musoni dans Mazayanza … ? Pour n’en citer que ceux-là.
Leurs paroles enivraient plus d’un. Tout en respectant la dignité féminine, ils passaient en revue le vocabulaire rundi pour offrir au public une poésie lyrique et mélancolique, qui même dépourvue de l’instrumental musical garderait son charme. Oh la belle époque.
Force est de dire d’ailleurs que même actuellement, ces morceaux-là n’ont rien perdu de leur charme au point que même la nouvelle génération en raffole. Rien qu’à voir l’ambiance lorsque ces classiques de la musique burundaise sont reprises ici et là dans les karaokés, ou autres manifestations culturelles. Elles ont su traverser le courant des années grâce surtout à leurs paroles pleines de sens.
Même le rap a sombré…
Tenez par exemple, le rap, issu de la grande famille du Hip Hop, mouvement apparu au début des années 70 aux Etats-Unis, n’est plus que l’ombre de lui-même. Cette discipline sensée livrer un message au monde, à la société n’est plus qu’un alignement de mots, sans fond, ni esthétique.
Nous assistons, malgré nous, à un boom d’artistes émergents qui dans la tentative de se créer une image, une identité dans ce milieu musical n’ont que faire des règles de l’art et de la bienséance. L’on constate malheureusement que le langage soutenu des anciens a laissé place à un langage vulgaire plein d’insanités. À force de vouloir créer un style trop urbain qui n’est accessible que par les citadins, Le rap sombre et perd l’éclat de sa poésie.
Face à tout cela, Je me dis que c’est moi qui vieillis mal. C’est peut-être la configuration actuelle de la consommation musicale qui l’exige. Car au fond, je suis convaincu que la musique ne saurait être autre chose que le reflet de la société, le reflet de ce que l’on vit et au final le reflet de soi, comme le dit d’’ailleurs si bien Eminem, une des grandes figures de ce genre musical :« Music is the reflection of self ».
La musique actuelle apparait pour moi comme un condensé de paroles souvent incomprises par les mélomanes, dont on raffole que le beat. Ce qui est quand même surprenant quand l’on sait bien que le Burundi ne compte pas une myriade de patois et dialectes. Qu’est-ce qui explique ces dérives au niveau du langage emprunté?
Alors, la modernité de la musique quitte à favoriser la destruction de l’héritage culturel et de notre langue ? A vous le choix…