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Orchestre national du Burundi ou l’histoire de la dream team

  • Le concours « Pirogue d’or de la chanson » étant devenu le carrefour où se croisaient les jeunes chanteurs burundais, après le sacre de Léonce Ngabo, d’autres noms vont s’illustrer.
  • Ensemble, ils vont former l’orchestre Akezamutima qui officiera un bon bout de temps comme organe de propagande au service de la branche jeunesse du parti unique Uprona.
  • N’étant pas garni en instruments musicaux, le groupe dû attendre la création du Département des Arts et de la culture au Ministère de la Culture en 1977 pour constituer le premier orchestre national …

Le traitement, ce qu’il faut savoir en premier

Privilèges des membres de l’orchestre : ils vont se voir attribuer un numéro matricule comme tout autre fonctionnaire de l’Etat, un arsenal complet d’instruments musicaux et un studio d’enregistrement logé dans les enceintes de la Voix de la Révolution, l’actuelle RTNB.

Ensuite pour former une équipe complète, la troupe se verra ajouter d’autres cadors comme Magloire Niyibigirwe (alias « Buddy »), bassiste de haut calibre venu de l’orchestre « Soul Collection », Aloys Ndahigeze de l’orchestre « Amis du Jazz » de Gitega, et Justin Baransananikiye, alors professeur de musique à l’Ecole Normale de Kibimba, établissement qu’il avait quitté pour devenir responsable du Service de Musique au Département des Arts et de la Culture.

L’equipe de l’orchestre national du Burundi : « Buddy » (guitariste), Gérard Kirundo (chanteur et guitariste), Ngabo Léonce (chanteur), Evariste Niyonzima (batteur), Adolphe Bigirimana (soliste), Justin Baransananikiye (chanteur), Augustin Ndirabika (chanteur) et Aloys Ndahigeze (guitariste). Et plus tard, l’orchestre ouvrira les portes aux femmes avec des noms comme Rose Marie Twagirayezu auteur de « Ndavuga simvura », Goreth Habonimana et Pélagie Cishahayo.

Et contrairement à ce que beaucoup pensent, Canjo Amissi ne faisait pas partie de l’orchestre lors de sa création. Il l’intègrera dans la seconde moitié de l’année 1977, après s’être affirmé comme la nouvelle révélation de la musique burundaise avec sa chanson phare « Ntacica nk’irungu » lors de la première édition du « Concours national de la chanson » organisé par le Ministère de la Culture pour remplacer le concours « Pirogue d’or de la chanson », lancé 3 ans plus tôt.

Un orchestre taillé sur mesure

Selon l’historien, Professeur Emile Mworoha, alors ministre de la Culture, la mission conférée à l’orchestre national : « Être des figures qui pouvaient être façonnées, guidées et orientées, pour représenter à travers la musique, l’honneur, la pureté et la dignité de la culture burundaise. » Pour cette raison, on ne recrutait pas forcément des virtuoses mais surtout des chanteurs modelables et capables de transmettre les valeurs burundaises.

Cette année, lors du 15ème anniversaire de l’indépendance du Burundi, l’orchestre national va effectuer sa première sortie publique, et accomplir ainsi la tâche qui lui était assignée : animer les fêtes nationales. Et parmi les titres produits à ses premières heures, certains sont devenus des véritables classiques : « Ntacica nk’irungu » de Canjo Amissi, « Simoni wananiye » de Léonce Ngabo, « Ingo ncuti ingo umare ibicuro » d’Emmanuel Sindayigaya, etc.

En parallèle, le Ministère de la Culture, en vue de mettre en valeur les danses traditionnelles, créera le ballet national : le laboratoire où se peaufinaient les différentes sortes de danses du Burundi avant de les performer lors des fêtes nationales ou à l’étranger. Rose Marie Twagirayezu se rappelle de vive mémoire le séjour du ballet national au Pays du soleil levant, où ils ont effectué une tournée à travers tout le Japon.

Le début de la fin

Le signe avant-coureur fut le départ d’un pion très important, Canjo Amissi, avec le prétexte qu’il allait continuer ses études à l’Université du Burundi. En coulisses, la raison était tout autre.

Dans son livre, « De l’Inanga à la guitare classique », Mgr Justin Baransananikiye, rapporte plutôt qu’il se heurtait à l’incompréhension surtout : « Justin, je ne suis pas venu dans cet orchestre pour être simple figurant, et interpréter sans fin Johnny Hallyday, ni quelque autre vedette étrangère que ce soit. Je suis venu développer les acquis que j’ai dans l’art musical de nos ancêtres afin de prouver au monde que la culture de mon pays a des richesses uniques qu’on ne trouvera nulle part ailleurs ».

Canjo Amissi trouvait-il ennuyeux l’orchestre national, ou pas assez à la hauteur de ses ambitions ? Pour un peu de loyauté, il proposa un nom pour prendre sa relève : Bernard Ntahombaye, fraîchement diplômé de l’Ecole Normale Don bosco (Ngozi) comme lui. Mais peu avant sa sortie de l’orchestre national en 1979, il enregistrait au passage deux autres classiques : « Umugabo w’ukuri « et « Garukira aho ».

En 1979, un autre coup de massue vient frapper l’orchestre national : toujours pour des raisons d’études, le très collaboratif et proche de l’orchestre national Sylvestre Ntambutso, alors responsable du Service de Musique au Département des Arts et de la Culture, démissionnait pour rejoindre la faculté des sciences économiques à l’Université du Burundi.

A côté des départs des cadors de l’orchestre, il faut ajouter le départ du soliste Adolphe Bigirimana. Les piliers qui soutenaient l’orchestre musical étaient alors ébranlés. Côté gouvernement, il s’en suivra un certain délaissement, la nouvelle direction ne put coopérer efficacement avec l’orchestre et de cela, résultera l’éclatement pur et simple du groupe, chaque musicien voulant voler de ses propres ailes.

Un peu plus tard, Canjo Amissi rejoindra l’orchestre Amabano issu du groupe « Explorers » de Nikiza David (« Niki Dave ») constitué majoritairement de musiciens venus de l’étranger, lesquels formeront plus tard l’orchestre officiel de la Radiodiffusion nationale du Burundi.

A suivre…

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