Au sein de divers groupes d’intérêts, l’absence d’une pensée critique peut parfois compromettre l’épanouissement du débat ô combien utile pour le maintien de meilleurs rapports. Et cela ne va pas sans conséquences à bien des égards… Reportage en commune Tangara, de la province Ngozi.
« Du choc des idées, jaillit la lumière », dit-on. Ce dicton populaire ouvre les vannes d’une vaste compréhension de l’importance du dialogue ouvert et inclusif entre membres de différentes collectivités.
A l’ère où les enjeux socio-économique et politiques sont plus complexes à différentes échelles, le privilège de la pensée critique et de l’écoute active se présente comme une meilleure option susceptible d’apporter des changements positifs.
Pourtant, ce n’est pas toujours le cas. Gilbert* (42 ans), de la colline Nyagasebeyi de la zone de Musenyi, en commune Tangara regrette que parfois les décideurs politiques n’offrent pas l’occasion aux citoyens de s’exprimer librement sur un sujet qui les concerne. De sa douloureuse expérience vécue où il a été contraint de se taire, alors qu’il avait besoin de contribuer à enrichir le débat sur les projets à mettre en œuvre dans sa communauté, Gilbert garde un tantinet d’aigreur : « Les besoins auxquels aspirent le peuple devraient préoccuper l’agenda des décideurs. Mais malheureusement, certains d’entre eux n’ont pas cette volonté de se mettre au service de leurs électeurs. A contrario, ils font la sourde oreille face aux doléances du peuple et celui-ci ne sait pas à quel saint à se vouer ».
Même son d’indignation chez Sébastien* (36 ans), habitant la colline Ruyaga, de la même zone de Musenyi, en commune Tangara. Lui, il déplore que l’intolérance qui se manifeste entre les membres de différents partis politiques souvent pendant la période électorale, fait régresser la liberté d’expression et de pensée qui devrait animer la dynamique des groupes. « La tendance à restreindre les autres de leur droit d’expression conduit à la création des inégalités des peuples qui débouchent souvent à une mauvaise cohabitation », peste-t-il.
Une attitude divisionniste
Si Sébastien* déplore ce comportement souvent affiché par certains leaders envers la communauté qu’ils dirigent, Gilbert*, quant à lui, se plaigne que cette attitude des dirigeants tend à diviser le peuple : « Alors que chacun devrait avoir le droit de proposer ses points de vue sur une situation donnée, il arrive que parfois certains membres d’une communauté soient discriminés de par leurs idées, et ça peut créer des frustrations entre eux. »
De la méfiance entre le peuple qui se crée, la cohésion sociale chancelle suite à un deux poids deux mesures autour de la liberté d’expression, qui place les uns au-dessus des autres, soutient toujours cet habitant de la commune Tangara : « Dans le passé, les jeunes affiliés aux différents partis politiques se sont regardés en chien de faïence car certains ne supportaient pas d’être privés de leur droit de rassemblement au profit des autres. »
Et bonjour les conflits…
L’absence d’un dialogue franc entre les membres de différents groupes d’intérêts occasionné par les leaders imperméables à la pensée critique traduit une faiblesse d’esprit de leur part, observe Odile Ntakarutimana, experte en leadership. Pour elle, si le dirigeant ne parvient pas à être attentif à toutes les préoccupations, ce que son leadership est défaillant : « Parfois, certains leaders qui se reprochent certaines tares essaient de pratiquer la politique de diviser pour régner afin d’assouvir leurs ambitions personnelles. » Pour réussir, fait-elle remarquer, ils s’évertuent à convaincre une partie de ses subalternes à se ranger de son côté pour tenter de se protéger contre des éventuelles remise en question de ses décisions.
Cela provoque, poursuit-elle, des frustrations qui désunissent les membres d’une même collectivité tout en détruisant les rapports existants entre eux. Ainsi, les conflits naissent et peuvent dégénérer vers une violence verbale, voire même physique, prévient toujours Dr Hélène. « Les leaders doivent avoir la sagesse de traiter les autres au même pied d’égalité en concertant toutes les parties prenantes dans la recherche du consensus, mais aussi et surtout en prenant en compte leurs contributions, afin de garder des relations harmonieuses entre le groupe », conclut-t-elle.