Pour mettre fin à la balkanisation entre les déplacés et ceux qui sont restés sur leurs collines, l’administration locale a décidé d’agir. Cap, cette semaine sur le site de Bugendana, où les deux communautés tentent de surmonter leurs divisions malgré quelques résistances…
Le site de Bugendana est l’un des sites où vivent encore des déplacés de guerre depuis 1966. La majorité de ceux qui y vivent sont de l’ethnie Tutsi. Malgré la résurgence des messages haineux, la cohabitation entre ces déplacés et ceux qui sont restés sur leurs collines sont bonnes. Et ces déplacés voudraient bien regagner leurs ménages comme certains l’ont déjà fait. Mais certains défis persistent.
Aloys Rukenyeza de la colline de Mwurire dans la zone de Bugendana, rencontré sur le site est de l’ethnie Hutu. Ce maçon indique qu’il travaille au sein du site tous les jours comme constructeur : « Nous venons régulièrement construire leurs maisons et des maçons Tutsi vont construire des maisons sur les collines à majorité Hutu. Il n’y a pas de problème, on a une bonne relation. »
Bien plus, affirme M. Rukenyeza, actuellement des mariages sont célébrés entre ces deux communautés : « Les tutsis épousent des filles Hutu et des Hutu des filles Tutsi. » Mais cela n’a pas toujours été le cas car les années passées, la tension entre ces deux communautés était énorme : «Tout ça venait de l’administration de cette époque, les gens disaient que les hutus ne peuvent pas épouser les tutsis et que les tutsis ne peuvent pas épouser les hutus. »
Quelques résistances au retour malgré une bonne cohabitation
A la question de savoir pourquoi malgré la meilleure cohabitation décrite, la majorité des habitants du site ne veulent pas retourner sur leurs collines, Aloys Rukenyeza indique que cela dépendra de la volonté de chacun : « Il y en a qui sont retournés chez eux et y vivent paisiblement, d’autres n’ont pas encore franchi cette étape mais je pense que cela viendra car la paix règne partout actuellement. »
Béatrice Niyibigira a choisi de retourner vivre chez elle après 12 ans passés sur le site. A la question de savoir comment elle vit avec les gens de l’ethnie différente de la sienne, elle rétorque que Dieu n’a pas créé des ethnies : « Tout cela est une invention de l’homme. Nous sommes tous les mêmes. J’ai quitté le site pour aller construire une maison chez moi sur la colline Mukoro parce que je n’avais plus la force de porter sur la tête les patates douces, monter et descendre ces collines. Au début, j’avais un peu peur mais personne ne venait pour me déranger. Je suis donc restée. »
Toutefois, confie-t-elle, la maison qu’elle occupait est toujours disponible : « Je ne l’ai pas démolie et si une fois les choses tournent mal, je peux y retourner à tout moment. » Et pour cause, explique-t-elle, il persiste encore des gens malintentionnés qui perçoivent mal son retouret qui lui lancent des accusations de sorcellerie comme quoi elle serait revenue pour exterminer les gens de l’autre ethnie : « Quelqu’un m’a conseillé d’en dire deux mots à l’administration mais j’ai pas voulu car je voyais bien qu’il s’agissait d’une simple provocation. »
Le rôle central de l’administration dans l’apaisement des esprits
Concernant les raisons qui freinent encore la majorité de déplacés de ne pas rentrer, Béatrice Niyibigira affirme que la plupart ont vieilli et n’ont plus la force de reconstruire leurs maisons.
Propos corroborés par Berchmans Hakizimana, chef de colline Mukoro : « Nous mobilisons ceux qui sont restés à aider de la reconstruction des maisons des déplacés qui veulent rentrer pour montrer et convaincre les autres qu’ils peuvent rentrer sans problème. »
Certes, reconnait M. Hakizimana, il persiste des gens qui propagent des propos haineux à l’encontre de ceux qui rentrent, mais l’administration locale, affirme-t-il, s’occupent systématiquement de ces cas pour y mettre fin et envoyer un message fort que personne ne tolèrera plus ce genre de messages à commencer par l’administration : « Certains ont été appelés et de fortes amandes leur ont été imposées et cela a stoppé net ces messages. »
Dieudonné Hakizimana, conseiller de l’administrateur communal chargé du social abonde dans le même sens. Des associations et l’administration, soutient-il, aident été participent à rassembler tous les groupes ethniques dans les différentes conférences et les différents enseignements en leur apprenant comment avoir une bonne relation entre eux.
Et du coup, grâce à ces efforts, la discrimination entre citoyens s’estompent petit à petit : « Maintenant s’il y a une fête, ils s’invitent. Ils participent ensemble dans des activités communautaires. Il y a une nette évolution actuellement par rapport aux années passées.