Jimbere

Kirundi French
Littérature

« Un livre, une fois publié, n’appartient plus à son auteur mais à au public qui l’aimera ou le détestera »

La réaction de Prime Nyamoya à la recension de Jean-Marie Ngendahayo sur son premier roman a conduit ce dernier à revenir sur certains aspects de sa critique littéraire. Jimbere publie extensivement sa lettre à M. Nyamoya.  

Cher Prime,
J’ai bien lu votre réaction à mon analyse de votre roman. Il me serait fastidieux de répondre à tout ce que vous engagez comme débat et questionnement. De plus cela serait aller « hors-sujet », vous en conviendrez, car le sujet c’est vous, votre premier roman.

Une œuvre de « fiction » ou « d’autofiction » ?
J’avoue ne pas saisir la seconde expression. Mais pour ce qui est de la première, tout lecteur attentif et vous connaissant un tantinet vous reconnaîtra. Et vous reconnaîtra jusqu’aux détails.

Le « politiquement correct » en jeu :
Je ne sais qui du roman et de mon appréciation versent dans le « politiquement correct ». Jusqu’ici au Burundi, un Hutu écrit en s’apitoyant sur le sort de ses congénères, un Tutsi fait de même lorsqu’il prend sa plume. Je milite, et je le revendique, pour que les Burundaises et les Burundais qui ont vu et/ou vécu les tragédies ayant touché les deux groupes ethniques fassent l’effort de relater les tragédies en toute sincérité et toute objectivité. De ce point de vue, je pense ne point faire chorus avec beaucoup de monde…

Etre « juge et parti » :
Je ne juge rien. J’ai simplement analysé un livre qui m’a plu à bien des égards et m’a déçu sous d’autres aspects et j’en ai donné mon appréciation. L’appréciation n’est ni un acquittement ni une condamnation ; c’est une critique littéraire toute simple ayant pour objectif premier d’inviter les concitoyens à lire une des rares productions intellectuelles de valeur faite par un digne fils du pays.

Je ne suis pas « parti » :
Avoir un « parti » laisse entendre que j’ai un intérêt à défendre, qu’il y a même un conflit et que je défends ou représente un camp. Face au roman que je critique, je ne défends ni n’attaque qui que ce soit ou quoique ce soit. J’ai analysé « Ténèbres et Lumière » comme je le ferais pour « Guerre et Paix » de Léon Tolstoï, « Cent Ans de Solitude » de Gabriel Garcia Marques ou « Entre Deux Eaux » de Vincent Y. Mudimbe. En critique littéraire, la connaissance de la vie de l’auteur intéresse car elle explique beaucoup les choix thématiques, les ressorts sentimentaux, intellectuels ou spirituels. Vous me l’avez, du reste, concédé Luis Borgès à l’appui.
Ensuite, déterminer la part de l’expérience vécue – qui s’invite dans la fiction – et celle de la pure imagination est une nécessité pour rendre compte de la position d’une œuvre dans son époque. Autant « rien n’interdit » à l’écrivain de puiser dans sa vie pour faire œuvre de création, rien n’interdit non plus au critique de relever cette « tricherie salutaire », « ce leurre magnifique » dont parle si bien Roland Barthes que vous citez.

Mon procès :
Vous jugez que, contrairement à mes affirmations, ma « classe politique » n’a jamais prôné une société « où tout être humain a les mêmes chances devant la loi afin de jouir de la paix et du pain ». Nous pourrions en débattre en son heure. Pour le moment celui qui souffre « d’amnésie coupable sur l’histoire de cette période » est avant tout celui qui a écrit un roman qui tait la mort de milliers de personnes et se conforte néanmoins à l’idée que son livre « rappellera (à sa progéniture) les sombres années que nous avons vécues mais auxquelles nous avons survécu, parfois avec bonheur. »
Lorsqu’on écrit, on doit s’attendre à être critiqué. Un livre, une fois publié, n’appartient plus à son auteur mais à au public qui l’aimera ou le détestera.
La seule réponse qui vaille est d’en écrire un autre…

Fraternellement.

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