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Se libérer du désir de vengeance : quelques pistes de solutions

Dans les sociétés post-conflit, les émotions provoquées par les violences entre groupes peuvent donner lieu à du ressentiment, à un désir de vengeance pouvant faire obstacle à la réconciliation. Pour éviter ce cas de figure, Pascal  Ntakirutimana, expert en justice transitionnelle propose quelques pistes de solutions…

Que peut-on comprendre par langage de vengeance ?

La vengeance de manière générale, est une volonté de restaurer un équilibre ébranlé en répondant une offense par une contre-offense. En d’autres termes, c’est un acte d’origine émotionnelle justifiée par la frustration ou la haine d’une catégorie de personnes qui a causé un tort directement ou indirectement. Bref, c’est une passion d’un temps et de la mémoire individuelle ou collective.

Qu’est ce qui caractérise la vengeance ?

Alors, elle est étroitement liée aux émotions négatives telles que la colère, la rage ou l’humiliation et elle évolue justement autour de l’honneur, de la recherche de la justice, de l’équité et de l’équilibre du pouvoir. Et bien évidemment elle est une réaction naturelle qui se manifeste après un évènement traumatisant. Parfois les discours de vengeance se caractérisent par la sortie d’un esprit d’injustice. Les gens se sentent dans l’injustice, dans l’humiliation et là ils essaient de chercher l’honneur, la réputation de leurs groupes.

Et dans le contexte Burundais ou dans des sociétés post-conflit ?

Dans le contexte burundais où nous avons affaire à une société segmentée, composée de plusieurs catégories sociales, en d’autres termes plusieurs ethnies, le discours de vengeance se caractérise de manière générale, par des accusations en miroir entre ces différentes catégories de groupes. Par exemple ici chez nous, les hutus et les tutsis s’accusent mutuellement d’avoir subi une injustice de la part de l’autre groupe. Donc, la grande caractéristique du discours de vengeance, ce sont ces accusations réciproques entre les différentes catégories sociales.

Quelles sont les conséquences de ce langage de vengeance pour le Burundi, un pays post-conflit ?

Lorsqu’une société connait un conflit, elle a le besoin de rétablir les relations entre les différentes catégories sociales. Or, ce discours de vengeance compromet en fait le vivre ensemble. Il remet en cause la volonté de vivre ensemble et bien évidemment selon le principe de réciprocité et de solidarité, le discours de vengeance devient en fait comme un système de régulation des conflits, et au final, il  débouche aux violences de masse. En d’autres termes, les membres touchés  par la vengeance peuvent aller, à leur tour, organiser une contre vengeance et là, la vengeance devient un cercle vicieux. Et si la vengeance devient un cercle vicieux, la société devient violente et la réconciliation impossible.

Que pouvons-nous faire pour éviter ces éléments que vous venez de mentionner ?

Je dois d’abord préciser qu’il faut, de manière générale, éviter des discours diabolisants ou des accusations en miroir entre les groupes. Ensuite, le gouvernement doit initier une justice transitionnelle efficace et indépendante ; initier un cadre de débat et de dialogue qui permette à la population justement de surmonter leurs émotions et leurs désirs de vengeances.

Et individuellement ou collectivement ?

Il faut essayer de comprendre et de contrôler les émotions de base.  Aller au-delà de nos émotions de base en essayant par exemple d’écrire ce que nous ressentons. Cela nous permet de les accepter et de les clarifier. Et si nous ne sommes pas capables de mettre par écrit nos sentiments,  essayer d’en discuter avec les autres, avec des amis, cela peut soulager. Ensuite, il faut initier des activités qui permettent de faire sortir la colère comme du sport, cela permet de surmonter ces émotions ; écouter par exemple des chansons rassurant, de la musique adapté à cet état d’esprit.

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