A trente ans, il vient d’annoncer la fin de sa carrière internationale. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Abdoul Karim Nizigiyimana a bien sué avant d’être le « Makenze » qui a longtemps porté le brassard des Intamba mu Rugamba.
C’est l’histoire d’un gamin de Kayanza qui ne pouvait pas avoir la moindre chance de jouer dans Ligalay’s ou Tupac, les deux cadors d’alors du foot de cette province du nord du Burundi. Le jeune Karim est jugé chétif pour pouvoir peser dans le jeu musclé qui est la marque déposée des derbies. Il se contente d’effectuer des jonglages en bord des terrains. Dans ces rencontres caractérisées par une grinta nourrie par la rivalité entre les deux formations, « seuls mes grands frères jouaient tandis que moi je ne pouvais même pas imaginer prendre part dans ces matchs », se souvient l’ex capitaine des Hirondelles. Et leur maisonnée est foot à bloc. Ses grands frères Bizumuremyi Abdoul, Nshimirimana Omar et Innocent Abdelaziz, sont les coqueluches des footeux de Kayanza. Karim reste dans leur ombre. Pour assouvir sa soif de taper dans le ballon, il va se rabattre à des séances d’entrainement dans Coca-Cola FC, une formation bien moins huppée que les deux précités.
Dans cet état de lieux, les envies d’ailleurs hantent le jeune ambitieux. A défaut des grives de Kayanza, il se contente des merles de Kirundo et pose ses valises à Kiyonza en commune Bugabira pour mouiller les maillots de Intare FC avec comme coach Mubaya, le manager actuel de Ngozi city : « Il puait le foot Karim, se souvient un de ses anciens coéquipiers de Bugabira, il sortait nettement du lot et nous étions convaincus qu’un jour le destin serait juste avec son talent pour qu’il finisse à un niveau plus supérieur ».
2005, l’année où tout a basculé
A cette époque, Vital’o se refait un coup de jeunesse. Les dirigeants des mauves et blancs signent pépite après pépite. Les prodiges comme Saido Ntibazonkiza, Yamin Selemani Ndikumana, Fouadi Ndayisenga font leurs débuts en pro. Les échos des exploits de Makenze arrivent aux oreilles des recruteurs de Vital’o. Il va sans dire, se procurer les services d’un jeune latéral venu tout droit des terrains boueux du Bugesera ne parait pas être a priori l’affaire du siècle pour l’équipe la plus titrée du Burundi.
L’arrivée du désormais ex-pensionnaire de Intare Fc coïncide avec le retour de l’emblématique Kanyenkore Gilbert plus connu sous le sobriquet de « Yaoundé » de son séjour footballistique au Rwanda. Le coach tombe directement sous le charme de ce « polyvalent qui pouvait jouer sur n’importe quel poste de la ligne de défense ». Mais Yaoundé a du flair. Ce nouveau venu affiche rapidement des prouesses techniques et une bonne précision de touche de balle. « C’est ainsi que j’ai opté pour le faire évoluer sur les cotés plutôt que dans l’axe de la défense. Il était aussi bon sur le flanc droit que dans le couloir gauche. Il jouait avec une facilité incroyable. Ses débordements et centres étaient juste des caviars servis à nos attaquants », se remémore Yaoundé qui peut se qualifier chanceux d’avoir eu un tel latéral aux cotés des buteurs en série comme Saido Ntibazonkiza et Yamin Selemani Ndikumana.
Ses débuts en équipe nationale
Dès lors, les choses vont aller très vite pour Karim. Une occasion pour le moins inespéré à quelques mois de là se présente. La sélection en U17 pour les qualifications de la Coupe d’Afrique de la catégorie. Le premier acte contre le Burkina Faso se déroule à merveille. « Ntibazonkiza a marqué un doublé magnifique qui nous tous mis en confiance », se souvient Karim. Mais le match retour à Ouagadougou a été d’un retournement amer pour les Hirondeaux.« Ils nous ont mis une claque de cinq buts à zéro », se rappelle-t-il dans un éclat de rires.
Éliminés, dépités, les Burundais voient leurs rêves de qualification tomber à l’eau. Pour le jeune latéral, cette double confrontation avec les Burkinabés fait surgir une folle envie qu’il garde dans une parcelle de son esprit : jouer un jour une phase finale de CAN avec les Intamba.
Juste à leur retour, on annonce aux cadets que neufs d’entre eux ont été choisi pour faire partie de l’effectif qui va disputer la CECAFA en Ethiopie et sur cette liste figure le nom de Abdoul Karim Nizigiyimana. Défaits par le pays hôte en finale sur un score de deux buts à zéro, les joueurs Burundais ont passé tout près de l’exploit. Et Karim en garde un très bon souvenir : « Imaginez un gars qui vient de Kayanza qui n’a jamais touché cent milles Francs burundais qui reçoit une bonne prime de 1300 dollars. Je me disais « même si ma carrière prenait fin maintenant je me réjouirais » »
La machine était mise en marche grâce à une autre heureuse circonstance. Prenant les rênes de la Fédération de Football du Burundi(FFB), Lydia Nsekera est venu avec l’envie de marquer son passage à la tête de la FFB sous le signe du renouveau. Elle prend le pari risqué de promouvoir toute l’équipe junior dans la catégorie senior, lançant ainsi le parcours de Makenze dans la cour des grands lui permettant d’écrire son épopée avec les couleurs de son pays.
Modeste, Karim attribue à la providence sa carrière internationale : « Parmi tous les joueurs talentueux de ma génération, moi et Yamin avons eu la chance de vivre ce rêve qui nous habitait en nous qualifiant pour la CAN, c’est beaucoup plus la volonté de Dieu que nos talents de footballeurs », confie celui qui aura écrit les plus belles pages de l’histoire de l’équipe nationale du Burundi : conduire le Burundi dans sa première qualification historique à la phase finale de la CAN.