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Société

Une justice qui ait la confiance du peuple, gage de la paix sociale

D’aucuns parlent d’impunité dans la société burundaise comme source de prolifération de la haine. Pour Me Fabien Segatwa, c’est plutôt une généralisation mal placée, source de tous nos maux…

Est-ce que l’impunité peut-être source de prolifération des messages de haines dans un contexte post-conflit ?

Quand vous parlez de l’impunité, j’ai du mal à saisir ce que vous voulez dire. Parce que l’impunité, en général, n’existe pas. Dans ce pays, il y a quand même des Cours et Tribunaux, il y a des audiences publiques, pénales, civiles tous les jours. Donc quand on parle de l’impunité, même lorsqu’on en a parlé dans le temps, c’était une sorte de langage de l’opposition. Chaque fois que l’opposition n’est pas au pouvoir, elle parle de l’impunité. Chaque fois qu’on n’a pas puni quelqu’un d’un autre groupe, on parlait de l’impunité. Evidemment, cette expression est restée jusqu’aujourd’hui mais je ne crois qu’il y ait une impunité en général. Il y a peut-être quelques cas qui ne sont pas poursuivis.

Et pourquoi ces cas ne sont pas poursuivis ?

Probablement parce que ceux qui devraient le faire, les magistrats ou les autres instances ne sont pas au courant de cela, parce que peut-être la victime n’a pas porté cela à la connaissance de ceux qui devaient poursuivre peut-être par ignorance, peut-être aussi par peur. Mais lorsqu’on parle de l’impunité au Burundi en fait, ce n’est pas un langage d’aujourd’hui, c’est un langage qui date d’il y a presque 20 ou plus. C’était dans le temps où il y avait un conflit Hutu/Tutsi. Les Hutu disaient que les Tutsi n’étaient pas poursuivis, ils disaient que la magistrature était mono ethnique, à couleur Tutsi. Aujourd’hui qu’il y a un mélange de Hutu et Tutsi, le même langage continue. Je ne pense pas vraiment qu’il y impunité au Burundi. Il y a quelques cas impunis mais il n’y a pas de l’impunité en général. Parler d’impunité c’est comme s’il n’y avait pas de justice, pas des cours et tribunaux, comme si on ne siégeait pas, qu’il n’y a pas des jugements rendus alors que tous les jours, à travers tout le territoire burundais, il y a des assises, des juges contre les criminels ou contre les conflits.

Me Fabien Segatwa: « Il n’y a pas des gens de l’ouest et les gens de l’est, il y a des Burundais« 

Y’a-t-il des conséquences pour les membres de différents groupes, lorsque ces quelques cas d’impunité se présentent ?

Ici au Burundi, c’est le groupe Hutu et le groupe Tutsi, groupe Twa, groupe Ganwa, ainsi de suite. Mais je pense plutôt qu’il faudrait élever le débat et parler des Tutsi qui ont commis des crimes, des Hutu qui ont commis des crimes mais ce ne sont pas tous les Hutu ou tous les Tutsi. Et lorsque même vous parlez des juges qui ne sont pas corrects, ce ne sont pas les juges Hutu ou les juges Tutsi, ce sont des juges. En d’autres mots, il faudrait laisser de côté la généralisation qui nous a conduits justement à cette guerre civile que nous avons connue.

Est-elle si dangereuse ?

Oh que si. C’est cette généralisation qui porte les gênes des haines plutôt que de l’impunité parce que justement les gens d’un bord croient qu’on ne punit pas les gens d’un autre bord. Comme on dit souvent dans les sketchs les gens de l’ouest et les gens de l’Est. Il n’y a pas des gens de l’ouest et les gens de l’est, il y a des Burundais. Il y a des Burundais qui sont mauvais, il y a des Burundais qui sont bons. Mais ce sont des Burundais, individuellement, qui doivent être poursuivis. Alors si vous me montriez peut-être le cas d’un Burundais qui n’a pas été poursuivi, je vous aiderai peut-être à trouver une solution. Mais lorsqu’on parle d’impunité en général, on ne trouvera jamais une solution.

Comment responsabiliser les décideurs ?

Ces décideurs le savent. Le problème pour eux, c’est qu’ils doivent mettre en place une justice qui ait la confiance du peuple. Et de toutes les façons, il y a des choses que je n’arrive pas à comprendre : nous nous plaignons tout le temps contre la justice, mais tous les jours on ouvre des dossiers en justice. C’est paradoxal de se plaindre contre une institution et d’y recourir tous les jours. Donc en d’autres mots, c’est fondamental, l’homme a besoin d’une justice et on ne peut même pas dire que la justice est mal rendue. Non. Il y a quelques dossiers qui sont mal rendus mais la plupart des dossiers sont bien rendus. D’ailleurs vous avez entendus devant le Conseil Supérieur de la Magistrature, on l’a dit : 95% des dossiers qui se trouvent au Conseil Supérieur de la Magistrature sont bons, c’est à dire 95% des jugements sont bien rendus. Mais évidemment comme tout le monde veut que la justice soit blanche comme neige, nous ne supportons pas même les 5%.On aurait voulu que ça soit 100% alors qu’il n’existe nulle part une justice humaine à 100% à cause de plusieurs facteurs comme la mauvaise interprétation de la loi, des avocats qui plaident mal, etc.

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