La jeune génération hérite d’un passé douloureux et complexe, marqué par divers crimes et atrocités commis par leurs ainés, qui pèse parfois lourd sur leurs consciences. Pour la détacher de ce fardeau moral, il importe de la décharger judicieusement de toute responsabilité.
Comme « un passé qui ne passe pas », les blessures subies par le passé sont encore béantes dans la mémoire collective sur la colline Mwange, en commune et province Rumonge. Pire, soutiennent les habitants rencontrés sur place, la jeune génération endosse la responsabilité des manquements du passé. En effet, confient-ils, certains jeunes se retrouvent victimes du ressentiment qu’éprouvent des individus à l’encontre de leur ascendance.
R.N*, habitant Mwange, indique que le mal est plus profond : « C’est triste d’entendre quelqu’un, un adulte de surcroît, pointer du doigt un adolescent d’à peine 18 ans, qu’il doit payer pour les horreurs commises par les siens pendant la guerre civile. »
Cette attitude ne date pas hélas d’aujourd’hui. Jacques*, lui aussi habitant Mwange, se souvient qu’en 1996, il a été victime d’une méfiance qui a failli lui coûter cher là où il vivait : « On m’accusait d’être un descendant des personnes responsables des tueries à cause de mon faciès. J’ai été traité de menace pour leur survie. »
Un comportement qui perpétue la haine
Pour les habitants de la colline Mwange, le rejet du tort des parents sur les enfants en remet une couche sur la fragilité du tissu social : « La cohésion sociale est mise à rudes épreuves par le refus de tourner la page sur le passé douloureux, et parfois par le désir de vengeance », regrette Lubin Bizimana, conseiller juridique au bureau de la province Rumonge.
Selon Chartier Niyungeko, spécialiste en transformation des conflits, rejeter les erreurs des parents sur les enfants, c’est souvent un comportement qui s’observe entre deux ou plusieurs parties qui sont en conflit, surtout lorsqu’il y’a des situations de mésentente ou d’incompréhension, des injustices qui n’ont pas été bien traitées, et que pendant ce temps-là, il n’y a pas eu de réhabilitation. « Dans la plupart des cas, vous trouverez que les gens cherchent à se venger, et lorsque vous essayez d’analyser, que ce soit dans leur communication, dans leur façon de se comporter ou de réagir, ils sont prisonniers du passé », explique-t-il.
Des conséquences multiples
Selon toujours Mr Niyungeko, la victimeva se sentir dans l’insécurité et ainsi, elle va essayer de développer des mécanismes d’autodéfense car si elle ne se défend pas ou elle ne défend pas sa famille, elle aussi, risque de perdre la vie.
Pour cet expert, il y’a un risque qu’un tel sentiment puisse aboutir à un trauma-transgénérationnel, qui est un trauma lié aux événements malheureux qui se sont déroulés dans le passé et qui continuent à influencer le comportement des individus, des groupes et des communautés. « Ces comportements sont toujours susceptibles de générer des cycles de violence », avertit-il.
Et de recommander aux autorités d’aider la société à comprendre son histoire, mais aussi à adopter des comportements qui sont dignes pour qu’il y ait de bonnes interactions entre les individus, entre les communautés, entre les groupes sociopolitiques, en évitant surtout de rejeter le tort des parents sur les enfants.