A l’approche de nouvelles élections, l’on assiste, chaque fois, aux messages teintés d’exclusion entre membres de différents groupes. Comment comprendre ces discours lancés parfois de manière subtile ? Quelles en sont les visées et la manière de les contrer ? Plus de détails avec Livin Budabuda, journaliste et doctorant en sciences d’information et de communication.
Qu’est-ce qui caractérise un discours d’intolérance politique notamment dans un pays qui sort fraichement des conflits ?
Un discours d’intolérance politique est caractérisé par le mépris à l’égard d’un individu ou d’un groupe. C’est un discours qui s’attaque aux facteurs d’identité réelle ou ressentie notamment l’appartenance religieuse, l’origine ethnique, la nationalité, la race, la couleur de peau, l’ascendance, le genre et ainsi de suite. Le but étant de restreindre les droits de cet individu ou ce groupe parce qu’ils pensent différemment.
Dans quel contexte ces discours d’intolérance politique sont-ils plus utilisés ?
Ces discours d’intolérance politique sont plus utilisés dans des contextes de forte tension politique. Par exemple, en 1994 au Rwanda lors du génocide : la communauté tutsi fut assimilée aux « Inyenzi », cancrelats qu’il fallait écraser sans aucune autre forme de procès. Nous le voyons également pendant la colonisation, par exemple ici chez nous où il y avait des endroits où à l’entrée il était écrit « interdit aux chiens et aux noirs », ça veut dire que les nègres, les personnes noires, ainsi appelées à l’époque, étaient assimilées aux chiens.
Quelles sont les visées des auteurs des discours d’intolérance politique ?
Les auteurs de ces discours veulent évidemment discriminer totalement le groupe qu’ils ne veulent pas voir sur la scène politique, montrer à la face du monde entier qu’il est incapable, qu’il ne vaut rien pour ensuite mieux le dominer. C’est pour cela que ce discours d’intolérance politique s’inscrit toujours dans une perspective de rapport de domination. Il s’agit pour ces auteurs d’afficher et affirmer un système de valeur ou de croyance qui serait supérieur aux autres.
Quelles sont les conséquences d’un discours d’intolérance politique dans la communauté ?
Les conséquences sont multiples et passent par plusieurs actes, notamment l’évitement : inciter les membres de ce groupe qui propose le discours à éviter de rencontrer les autres qui ne partagent pas les mêmes idées. Elles se manifestent aussi par des formes d’exclusion sociale : un groupe entier est exclu sur le terrain politique, sur le terrain social, sur le terrain économique, etc.
Quel doit être le rôle des pouvoirs publics pour contrer les discours d’intolérance politique ?
Le rôle des pouvoirs publics est d’abord de prévenir les discours de haine et d’intolérance en renforçant les principes démocratiques des droits de l’homme, l’état de droit, la promotion d’un modèle de société qui accueille effectivement tous les courants politiques dans leur diversité et respecter la dignité humaine. D’une manière générale, les personnalités politiques doivent s’abstenir de toute déclaration susceptible de remettre en cause l’égalité ou promouvoir la discrimination. Ils doivent en outre réagir à des déclarations de ce type car le silence risque d’être perçu comme une approbation, un acte de complicité tacite par rapport à ceux qui propagent ces discours, ce qui contribue aussi au climat d’impunité. Et enfin traduire devant la justice les auteurs avérés de ces discours.