Ils ont l’obligation selon la loi les régissant, de lutter contre toute idéologie et tout acte visant à encourager la violence, la haine ou la discrimination. Pourtant, certains de leurs membres ne cessent d’utiliser des messages de haine. Quel regard portent les partis politiques sur la lutte contre ce genre de discours ? Que font-ils en cas de dérapages ? Jimbere s’est entretenu avec les responsables de l’Uprona, du Frodebu et du CNL pour en savoir plus. Récit.
Considérés comme des entités regroupant des citoyens autour d’un projet de société, les partis politiques tout comme leurs leaders, ont la capacité de drainer les foules, d’influer sur différentes décisions de la collectivité.
Réservent-ils une place de choix à la lutte contre la haine dans leurs enseignements ou programmes ? Ont-ils des membres qui utilisent ce discours ? Si oui, quels mécanismes disposent-ils pour y mettre fin. Et enfin que proposent-ils pour éradiquer définitivement ces messages de notre société. Ce sont entres autres des questions qui leur ont été soumises. Et voici leurs points de vue.
Olivier Nkurunziza, président du parti Uprona n’y va pas par quatre chemins. Selon lui, l’idéologie léguée par le Prince Louis Rwagasore, fondateur de ce parti, n’a pas de place pour la haine car elle est fondée autour de la paix : « C’est l’idéologie de l’unité. Nous sommes à la recherche du développement du pays et la justice sociale. »
Il est donc pratiquement impossible, au sein de l’Uprona, de la base au sommet, d’enseigner la haine, estime-t-il. Parce qu’enseigner la haine, reviendrait à provoquer, à la longue, les crises au niveau de la population Burundaise : « Nous devons faire toujours attention à tous ces discours de haine pour les bannir comme pays ayant connu des crises. »
Par rapport à l’enseignement, et au niveau des différentes rencontres, aucun responsable ne peut inciter les membres à injurier les autres, à les intimider ou les considérer comme des hommes sans valeur : « Sinon ce serait provoquer des crises qu’a connues le pays. Il faut donc s’abstenir chaque fois. »
Si une fois cela arrive, répond Olivier Nkurunziza, les responsables interpellent les membres à toujours être des leaders, de porteurs des flambeaux de la paix. Celui qui enseigne la paix, ne peut en aucun cas utiliser ces discours de haine. »
Lutte contre les discours de haine, un processus
Mais au Burundi, constate le président de l’Uprona, ces discours de haine existent encore. C’est la raison pour laquelle, suggère-t-il, tous les responsables des partis politiques, doivent prendre les devants afin de lutter contre ces discours de haine.
Pour éradiquer ces messages de haine, Olivier Nkurunziza suggère de ne pas baisser les bras : « C’est un processus qu’il faut continuer à enseigner à nos membres, nos nouveaux adhérents au niveau du parti pour qu’ils comprennent effectivement qu’il ne faut pas tenir des discours de haine envers d’autres membres des autres formations politiques. » A la place, conclut-il, il faut enseigner notre idéologie du parti mais aussi le projet de société, les programmes politiques au lieu d’aller enseigner des choses qui peuvent provoquer des crises au niveau de la nation Burundaise.
Du côté du Frodebu, Pierre Claver Nahimana, son président, indique ce parti est très regardant concernant la lutte contre les messages de haine : « La question de communication au sein de la population Burundaise, au sein des partis politiques, est une question très importante, parce que la communication d’un peuple, dépend de l’éducation de base reçue. Il y a des peuples qui soignent la communication et d’autres qui restent libres à leurs instincts mauvais. » Pour le Burundi, estime M. Nahimana, on doit renforcer l’éducation de base, pour une communication qui ne va pas dans le sens de détruire l’autre.
A la question de savoir ce que fait le Frodebu cas où des membres de ce parti utilisent ce genre de discours, Pierre Claver Nahimana rappelle d’abord que la plupart de ces cas s’observent surtout pendant les périodes électorales : « La libre expression est permise au Burundi mais lorsqu’on arrive dans les périodes électorales, il y en a qui confondent libre expression, propagande avec le fait de mal communiquer. Donc ça arrive souvent, des gens qui disent, écoutez dans l’autre parti ils ont utilisé des mots qui nous touchent très sérieusement, des mots qui font de bonne propagande, des mots très durs, nous aussi nous allons suivre leur chemin. »
Sévir si nécessaire pour éviter l’effet contagion
Et d’enchaîner : « Et des fois, ils prononcent des mots qui sont punissables. Dans ce cas-là, vous comprenez que pendant la période électorale, nous nous préparons pour dire à nos militants, écoutez surtout, n’allez pas dans le sens des gens qui prononcent des paroles qu’ils ne devraient pas prononcer, qui sont punissables par la loi, ou qui enseignent la haine. Donc pendant cette période d’élection nous faisons très attention à cela. »
Concernant les membres qui tiennent ces discours alors qu’ils sont du parti Sahwanya Frodebu, Pierre Claver Nahimana indique qu’ils savent très bien combien la communication est très importante : « C’est la raison pour laquelle, effectivement lorsqu’on constate qu’il y a des personnes qui délogent à cette règle de bonne communication, bien entendu nous les rappelons à l’ordre. »
Pendant toutes les séances d’éducation ou de formation à l’endroit de leurs militants, ajoute M. Nahimana, ils reviennent à cette notion de bonne communication d’un parti politique pour leur apprendre comment communiquer afin de ne pas utiliser des mots qui engendrent la haine, la jalousie, des mots qui entraînent vers faire le mal, des mots de vengeance : « Donc nous les formons à ce qu’ils évitent d’aller dans les erreurs qui sont punissables par la loi, et qui ne sont pas convenables pour la nation Burundaise. »
Prôner une communication non violente et la cohésion sociale
Au parti CNL, Simon Bizimungu, secrétaire général dudit parti, indique qu’ils forment et enseignent à leurs membres qu’utiliser des messages de haine est très mauvais d’autant qu’ils ont bien compris que ces discours sont à la base des crises, constituent un frein au développement du pays : « Nous y insistons beaucoup lors de nos échanges, dans différents enseignements. Nous leur rappelons qu’il ne peut y avoir de développement lorsqu’il y a la haine. Si tu veux bâtir un pays prospère, tu dois éviter ces messages. »
Et d’indiquer que leurs enseignements portent sur le vivre ensemble dans les différences qu’elles soient ethniques, régionales ou idéologiques : « Nous éduquons nos membres à bannir de leurs bouches et pensées des messages et discours de haine. »
A la question de savoir si des membres de ce parti utilisent ces messages, M. Bizimungu indique ne pas être au courant. Toutefois, cela ne signifie pas, explique-t-il, qu’aucun membre du CNL ne s’adonne au discours de la haine : « S’il advienne de tels cas, la première chose est de le rappeler à l’ordre lui signifiant qu’il a dévié de la ligne directrice du parti. Et s’il persiste, des sanctions peuvent être prises. »
Concernant le rôle des partis politiques dans la lutte contre ces messages, il est prépondérant car les adhérents suivent le mot d’ordre de ces partis : « Ils doivent donc prôner chaque fois la communication non violente et la cohésion sociale parce qu’une fois ces messages véhiculés par les cadres politiques du parti, ils sont vites compris par leurs membres, ce qui constitue un danger pour la nation. »