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Dans nos coopératives

L’énigmatique équation du financement et accompagnement des coopératives

Sangwe Kigina-Mugomera à Mugomera dans l'elevage de poules (52 membres)/Jimbere

Alors que le modèle coopératif monte en puissance au Burundi, l’accès au financement pour les coopératives est l’une des entraves à leur croissance. Comment se font-elles financer ? Quel modèle susceptible de mieux répondre à leurs besoins, les accompagner, dans un contexte économique si peu favorable…

Quelle est la principale source de financement des coopératives au Burundi ? La question mérite un détour. Alors que les coopératives collinaires Sangwe ont pu bénéficier de l’Etat d’un prêt de 10 millions Fbu, remboursable en 2 ans, les autres se font principalement financer à travers les cotisations des membres, qui se veulent régulières. Peu de coopératives peuvent se targuer de se financer sur le marché bancaire. En cause, la question de l’hypothèque, mais aussi, les taux d’intérêt jugés élevés avec des produits peu diversifiés. 

Cependant grâce à l’émergence des micros finances, les produits financiers se diversifient progressivement pour s’adapter davantage aux besoins en ressources financières du monde rural, notamment en premier, les organisations paysannes. Mais à leur tour, les micros finances se trouvent limitées en ressources pour facilement répondre aux besoins spécifiques du monde rural. Il y’a aussi, d’une part, la problématique du faible taux du remboursement des crédits des clients, et, d’autre part, les crédits souvent d’échéance très courte. Dans de telles conditions, difficile pour les coopératives de développer de grands projets capables de les rendre autonomes.

La problématique des cotisations et de l’aide extérieure

Dans le milieu rural, les populations membres de coopératives sont réticentes à mettre la main dans la poche pour financer les activités des coopératives, car ce n’est pas la priorité. « Il faut savoir que cela est dû surtout au fait que la population rurale gagne de l’argent à partir de l’agriculture, la principale activité. De ce fait, souvent une mauvaise récolte affecte les revenus, ajoutés à d’autres aléas prioritaires, par exemple les cas de maladie. Les coopératives, par manque de fonds de roulement, sont obligées de fermer boutique, notamment pendant la période de soudure.» analyse Audace Niyonzima d’INADES-Formation Burundi. 

Sur cette problématique des cotisations, Patrice Manariyo, président de la coopérative Twungurane dans la culture du café à Ntega (en province de Kirundo), appuyée par l’association citée ci-haut, indique par exemple que pour les coopératives à culture d’exportation, c’est une partie du paiement des avances aux membres qui permet de financer les activités de la coopérative. 

« Les difficultés surviennent lorsque la rémunération des ventes intervient tardivement, souvent plusieurs mois après la livraison. » Libère Bukobero, secrétaire général de l’ADISCO, lui, revient sur le fait que les coopératives burundaises se révèlent plutôt souvent tributaires d’une aide exogène qui handicape plus qu’il n’aide. « On assiste le plus souvent au fait que la population regroupée dans des coopératives s’attend à des aides en nature ou en argent alors que le modèle que met en avant l’ADISCO est celui d’un accompagnement technique. Nous avons la conviction qu’elle est mieux servie quand nous leur offrons cette forme d’accompagnement. Elles deviennent plus fortes et moins dépendantes de l’aide extérieure.»

En parlant de l’accompagnement technique, il livre quelques exemples de leurs réalisations: « Les fruits de nos actions sont palpables. Cela nous a déjà permis de mettre sur pied pas mal de mutualités de santé pour les populations regroupées en coopératives. Dans cet ordre d’idées, nous avons par exemple aidé les coopératives dans la filière riz dans leur plaidoyer auprès du Gouvernement contre le riz japonais, lequel allait plomber l’écoulement de la production locale, nous avons participé dans la création de l’Union Haguruka des Coopératives Multi filières (UHACOM) qui est là pour résoudre l’éternelle question des marches d’écoulement, … » 

L’Etat appelé à plus d’efforts pour appuyer l’accès au financement des coopératives

Au niveau de la CNARI (Confédération National des Riziculteurs) présente dans 17 provinces du Burundi, Ali Amos, le président, salue la volonté de l’Etat de redynamiser le secteur des coopératives, étant donné que « le développement des coopératives est également crucial pour les entreprises du secteur qu’elles soient d’intrants, agroindustriels ou distributeurs car en mettant en place des systèmes de collecte, en construisant et en gérant des entrepôts, les coopératives représentent un maillon précieux pour les industries, notamment dans de l’agroalimentaire. » 

Jean Marie Hakizimana de l’Union des Coopératives Mutoyi rentre dans la même logique d’idée : « L’état devrait se montrer plus entreprenant en appuyant les coopératives car, celles-ci en facilitant l’approvisionnement en produits locaux, permettent enfin de limiter les importations. Et en regroupant les populations, cela permet l’émergence d’une certaine idée de développement axé sur l’humain, mais également l’émergence du vivre et de l’agir-ensemble. »

L’autre maillon à développer dans l’accompagnement des coopératives est la multiplication des fournisseurs pour les coopératives. Cela implique forcément l’appui de ces coopératives dans la production des produits de meilleure qualité, conseille Déogratias Niyonkuru, dans son excellent ouvrage Pour la Dignité Paysanne. « […] Le renforcement de l’autonomie des coopératives devra donc passer par la résolution de tous ses défis : si la recherche de cette autonomie se résume en un accès direct aux financements des bailleurs de fonds étrangers, elles risquent d’être embrigadées un peu plus dans un cycle éternel de dépendance. Nous pensons plutôt qu’il faut les appuyer dans le développement d’entreprises fortes (d’économie sociale et solidaire) qui les libèrent à la fois du cercle vicieux de la pauvreté, mais aussi de la mendicité. Et pour y parvenir, il s’agit de développer des systèmes de financements innovants

Les modes de financement des exploitations agricoles possibles au Burundi

Différents outils ou modes de financement ont été essayés pour apporter des solutions à ces sollicitations dont les mieux connus sont:
> La mise en place des crédits individuels au sein des organisations paysannes ou des structures d’appui > Le financement en nature
> Les institutions des micro finances contrôlées par des ONG ou même des structures privées
> Les fonds rotatifs, les chaines de solidarité, la contractualisation avec les IMF privées
> La garantie bancaire
> Le warrantage
> Le capital-risque et les investisseurs d’impact
> Le financement des équipements et le leasing
> L’auto-crédit: les tontines et les fonds pérennes intrants
> Les systèmes publics et les grandes agences d’investissements

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