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Politique de refinancement des secteurs prioritaires : un bilan mi-figue mi-raisin

secteur des infrastructures & logement, parmi les secteurs prioritaires du Burundi/ ©️JIMBERE

Entreprise depuis fin 2019, la Banque de la République du Burundi (BRB) vient de suspendre la politique spéciale de refinancement des secteurs prioritaires en décembre 2022. Exception faite pour l’agriculture et l’élevage. Le but de cette mesure est d’évaluer l’impact de cette politique qui, selon la BRB, est à l’origine d’une surliquidité bancaire imposant une mesure de régulation afin de pallier le défi actuel d’une inflation galopante.

Avant 2019, les secteurs porteurs de croissance étaient sous financés. A titre illustratif le secteur primaire (formant 40% du PIB) dominé par l’agriculture et l’élevage était financé à hauteur de 3,1% du total des crédits à l’économie. Le secteur secondaire (18% du PIB) dominé par l’industrie était, quant à lui, financé à hauteur de 4,3% du total du crédit à l’économie. En revanche, le secteur tertiaire (42,7% du PIB) fait en grande partie par le commerce recevait jusqu’à 32,6% du total des crédits.

En outre, le manque de crédits remboursables sur le long terme (seuls 35,3% du total des dépôts bancaires qui sont de long terme) marié à l’aversion aux risques et la cherté des crédits (le taux débiteur moyen était de 15,49% à fin de 2019) sont ciblées entre autres causes du déséquilibre entre les financements accordés aux différents secteurs de l’économie.

D’où la politique spéciale de refinancement a été instaurée pour, entre autres objectifs, renforcer et assouplir le système de financement équilibré des projets d’investissement dans des domaines dits porteurs de croissance.

L’agri-élevage, le moins servi à jamais

Pour rappel, avec cette mesure de politique monétaire en question, des financements devraient être accordés à un « taux préférentiel » de 8%, par des établissements financiers et de microfinances qui se refinançaient à leur tour, aux taux respectifs de 2% et 3%.

Selon un rapport de la BRB de mai 2022 relatif à la mise en œuvre de cette politique de refinancement, le secteur de l’industrie se taille la part du lion (70,2%) des financements (415.187 milliards de Fbu) accordés jusqu’à fin février 2022.

L’agriculture et l’élevage, secteurs priorisés par le gouvernement, ne sont pas concernés par la suspension du refinancement. D’ailleurs, au regard des chiffres, ces derniers secteurs demeurent les moins servis par cette politique se partageant des parts respectives de 1,3% et 1,2% des financements. D’autres secteurs comme l’hôtellerie et le tourisme ont été financés à hauteur de 2,5%, les logements sociaux 17, 6 % et l’infrastructure 7,2%.

Une mesure contre l’inflation, si et seulement si

Pour Dieudonné Murengerantwari, Gouverneur de la BRB, la mesure de suspendre provisoirement la politique spéciale de refinancement des secteurs prioritaires rentre dans le cadre de l’assainissement de la politique monétaire. « Parce que le marché bancaire était devenu surliquide, cette mesure aidera à la régulation des prix sur le marché », précise Murengerantwari.

Michel Armel Ndayikeza, économiste et enseignant à l’Université du Burundi, salue la démarche de la BRB d’attacher une grande importance à l’évolution de l’inflation et de communiquer les réformes y relatives. Et, pour lui, la mesure de suspendre le refinancement spécial serait utile si, comme le dit le Gouverneur de la banque centrale, elle venait répondre à la source principale de l’inflation actuelle.

Si l’inflation actuelle est le reflet des chocs externes comme la guerre russo-ukrainienne (Pr Léonidas Ndayizeye a explicité les causes de l’inflation ici) ou si c’est le manque de devise ou la pénurie du carburant qui est à la base de la hausse des prix, une mesure qui agit sur la demande ne ferait qu’empirer la situation, affirme Ndayikeza. « Augmenter les taux d’intérêt, en diminuant les emprunts et les investissements, risque de réduire la croissance économique au moment où elle était déjà faible. », nuance-t-il.

Du côté des banques, la mesure a été plutôt tardive. « Il ne servirait à rien de maintenir une politique d’autant plus que celle-ci a produit une masse de Fbu qui n’a pas encore trouvé sa contrepartie en devises. Le problème de manque devises et la hausse incessante de l’inflation, c’est ce qu’il faut résoudre. », observe Boaz Nimpe, secrétaire exécutif de l’Association des Banques et Etablissement de Crédit- ABEF.  

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